Avec Hervé Suhubiette, Eugénie Ursch et Juliane Trémoulet (violoncelles), Laurent Rochelle (clarinettes, sax soprano), Frédéric Cavallin (batterie, percussions) et la participation au chant de Lucas Lemauff.
La petite scène est pleine comme un œuf, sans doute même un peu exiguë pour le confort des musiciens mais, au fond, cette configuration témoigne si bien de l’envie de partage d’Hervé Suhubiette, sa furieuse envie de vivre et de chanter. Toujours prêt à l’envol, au décollage pour de nouvelles aventures. Suffit qu’il soit question de mots et de mélodies.
Aujourd’hui le spectateur est un privilégié. On lui offre non seulement des chansons, celles d’Hervé, des anciennes et des nouvelles, des reprises, le tout dans une saisissante harmonie de ton, mais encore des arrangements, des harmonies comme on en savoure sur les enregistrements en studio. Le dialogue des deux violoncelles, les cuivres, le piano et le clavier, la batterie, les percussions, nous promènent tantôt dans l’intimité de la musique de chambre, tantôt dans le jazz, ou bien dans les musiques du monde ou dans une indéfinissable synesthésie à laquelle participent aussi les voix d’Hervé, d’Eugénie et de Lucas, venu en renfort.
Voici, pour rendre compte de ce voyage, une fiction où apparaissent la vingtaine de titres de ce concert et quelques bouts de leurs textes :
À Hervé Suhubiette,
Dans ce rêve bizarre… j’étais vieux, j’étais lent, je marchais dans la neige… C’était moi, je le sais… (1) Dans cet hôtel (2) du bout de la ville, où le corps des amants (3) laisse planer son parfum enivrant, ma chambre a la forme d’une cage. Ma solitude s’y réfugie chaque nuit de pleine lune, pour une traversée qui me laisse son empreinte de feu.
Les pensées sauvages (4) c’est mon ordinaire, de vrais délices. À la visite (5) nocturne et bleue de tout ce fatras, de ces paquets, ces cartons de souvenirs, ces rêves par milliers, je n’y convoque que moi. Je n’y mets pas d’ordre, ah ça non ! Alors rien d’étonnant à ce qu’y apparaissent des tordus, des bizarres, des toqués de tout poil.
À quoi ça tient le charme (6) ? Mais à la déraison, à la démesure, à la folie, pour sûr !
Voyez Brigitte et les étoiles et les cochons (7), Simone, l’orgiaque foraine (8) et son enfance conquise, la trapéziste endormie dans les bras de l’ours (9), l’oiseau, (10) ce puceau sexagénaire – juste une vie qui n’a pas vu le jour – le grand Lustucru (11), monstre de l’enfance, Janine (12) – Janine est folle, c’est dit, écrit, chanté – maman, oui maman qui n’est pas si bien que ça (13) et c’est chouette, Cendrillon en révolte (14)…
– Rendez-moi ma citrouille ! Appelez la Carabosse, et dites-lui qu’elle se grouille !
– Je ne peux pas, la manette est coincée ! (15)
Alors, il me reste, à moi, le saltimbanque, le troubadour, le faiseur de rêves impénitent, il me reste le souffle d’air (16), celui que je garde précieusement pour la dernière (17) dans une petite boîte en fer sur l’étagère. Il me reste mes images, mes cartons de souvenirs entassés autour du piano de grand-mère (18). Il me reste mon pinceau qui jubile, chaque nuit de pleine lune. Il me reste mes couleurs, mes aquarelles (19).
Il me reste le vent. Le vent qui souffle loin devant.
Oui, je veux le vent (20).
HERVÉ SUHUBIETTE QUINTET
1. J’étais vieux (Presque Oui) ; 2. Hôtel (G. Apollinaire /Hervé) ; 3. Le corps des amants (S. Emmarine /Hervé) ; 4. Les pensées sauvages (Hervé) ; 5. La visite (Hervé) ; 6. Le charme (Hervé) ; 7. Les étoiles et les cochons (B. Fontaine /A. Belkacem) ; 8. L’orgiaque foraine (Hervé) ; 9. Dans les bras de l’ours (C. Nougaro /Pulcinella – Hervé) ) ; 10. L’oiseau (C. Vaniscotte /Hervé) ; 11. Le grand Lustucru (J.M Koltès /Kurt Weill) ; 12. Janine est folle (Y. Régis /Hervé) ; 13. Maman elle est pas si bien que ça (A. Sylvestre) ; 14. Rendez-moi ma citrouille (Hervé) ; 15. L’année de la comète (Nino Ferrer /Nino Ferrer – D. Verret) ; 16. Le souffle d’air (Y. Régis /Hervé) ; 17. La dernière (Hervé) ; 18. Le piano de grand-mère (Hervé) ; 19. Aquarelles (Y. Régis /Hervé) ; 20. Je veux le vent (Y. Régis /Hervé).