28 novembre 2014 – Concert de La demoiselle inconnue
Avec Camille Hardouin (chant, guitare, ukulélé)
Le Bijou (Toulouse)
Salle archi-comble ce soir comme hier pour écouter La demoiselle inconnue. Incontestablement cette fille-là fait le « buzz » depuis trois ans et ses vrais débuts au Zebrock 2011, « qui l’a réveillée », confie-t-elle. Son prix du public au dernier « Alors Chante ! » n’y est sans doute pas pour rien, même si notre expérience nous a montré que ce n’était pas une condition suffisante. Mystère des bruits qui courent vite quand l’insolite et le talent interpellent !
Étrange et mystérieuse demoiselle en effet… Elle arrive en scène sans le moindre artifice, ce qu’en d’autres lieux, d’autres temps on eût regretté. Sans fard, seulement habillée de son sourire, dans son tee-shirt jaune sans grâce – à nue, somme toute – elle avertit : « Si tu me dis que tout est gris, je rigole et je colorie ».
Ce qu’elle chante est de l’ordre de l’intime, du secret de ses entrailles. Le public ne s’y trompe pas quand il lui fait un habillage de son silence sur les textes les plus profonds. Ce qu’elle chante ne se dit pas. On ne dit pas « Il m’plaît pas, c’est pas possible qu’il me plaise » ou bien « Promets-moi de ne pas revenir », encore moins « Sois mille hommes, et je n’aimerais que toi… Sois mille femmes… » On n’avoue pas non plus son désir, au bord de l’adultère (Ma retenue).
Qu’elle chante de sa voix qui ondule, ponctue certaines syllabes, entre diction et chanson, qu’elle dise ses textes sans aucun accompagnement, si ce n’est celui de ses mains alors libérées de sa guitare ou de son ukulélé, qu’elle chante en français ou en anglais (reprise de Britney Spears, la jambe, le bras, d’une poupée genre Barbie pour gratter les cordes !) on ne saurait vraiment dire pourquoi la demoiselle sans nom vous décoche des flèches invisibles, qui vous vont direct en plein cœur et y imprime leur marque indélébile.
Du côté de l’écriture, on salue son goût prononcé pour la poésie pure, celle de l’assemblage onirique des mots qui vous transportent dans un univers nocturne et bleu. Même si elle vous assène un uppercut en pleine tête avec sa chanson où elle crie sa révolte contre les « gros dégueux » – vous savez, mesdames, ceux qui vous palpent les seins sans votre autorisation – on garde le souvenir de La louve qu’elle accompagne à l’archet sur sa guitare électrique, de l’Absente (ne manquez pas les arrangements superbes sur son EP !), de ce moment de désespérance jusqu’à la tentation du suicide, de ce long monologue de la vieille épouse qui voudrait sortir des « sables mouvants » son amour, s’offrir « une danse de rien du tout » ou de cette litanie : La nuit, je ne peux pas dormir seule !
Lorsqu’elle nous quitte, dans un dernier rappel, avec la reprise de Bashung La nuit je mens, on se dit que décidément on vient d’assister au concert d’une future grande ! On en a la certitude.