B. comme Fontaine, un quartet vertigineux (© Hervé Suhubiette)

Leï­la Huis­soud – Huma­ni­taire M’Boro (© Claude Fèvre)

30 septembre 2016 – MiniFest pour M’Boro– Concerts

avec N’Diouga Minete, Leï­la Huis­soud , Black Lilys et le peintre Méro Raja

Chapelle San Subra (Toulouse)

Le refus des cha­pelles… cha­pelles ardentes des musiques en France où l’on s’ingénie à sépa­rer les genres et les publics. Cette soi­rée est une occa­sion de démon­trer la joie du métis­sage. Le public est venu en grand nombre dans cette cha­pelle du Tou­louse his­to­rique main­te­nant dédiée au culte de l’art vivant. Certes la cause est belle puisqu’il s’agit de sou­te­nir une asso­cia­tion huma­ni­taire où « s’al­lient opti­ciens et audio­pro­thé­sistes pour équi­per au Séné­gal M’Bo­ro et sa popu­la­tion en lunettes et appa­reils audi­tifs ». Mais on est prêt à parier que beau­coup sont venus, appe­lés par l’affiche qui, contre toute habi­tude, ras­semble Musique du monde, Chan­son et électro-pop…et même Art plas­tique. Le peintre Méro réa­lise au cours de la soi­rée un tableau qui est mis aux enchères à la fin de la soi­rée. Notons que la réus­site de l’association orga­ni­sa­trice c’est aus­si le métis­sage des géné­ra­tions qui se confondent ici dans un même plai­sir. Opé­ra­tion réus­sie donc !

La soi­rée s’ouvre sur l’Afrique, le Séné­gal en accueillant N’Diouga Minete, pré­sident des han­di­ca­pés de M’Boro. Son chant géné­reux, en wolof mêlé de fran­çais, sa gui­tare dis­til­lent en nous l’envie de dan­ser, de nous asso­cier à cette joie qui illu­mine son visage. N’Diouga a de la joie à par­ta­ger : il a pris l’avion, fou­lé le sol fran­çais pour la pre­mière fois ! Il chante son vil­lage, sa terre, sa quête de la paix à l’abri de toutes ces dou­leurs, ces pertes qui ensan­glantent l’Afrique. Il rap­pelle le prix de la vieillesse, de ceux, celles qui « parlent du temps » qui sont, pour nous, des « trésors ».

On attend ensuite avec une cer­taine impa­tience la très jeune Leï­la Huis­soud qui pour­rait s’approprier le titre de Manu Galure : J’ai 20 ans je vous emmerde ! C’est qu’elle aime la reprise Leï­la. Pas n’importe laquelle ni n’importe com­ment. On l’entend s’emparer contre toute attente d’un titre, ô com­bien ico­no­claste et inat­ten­du, dans sa bouche de fille (faus­se­ment) ingé­nue : La vieille de Patrick Font – il serait juste d’ailleurs de le nom­mer ! – celle qui « fit un bras d’honneur /​On aurait dit Popeye /​Elle avait encore la sou­plesse des abeilles. » Elle entonne aus­si Dis quand revien­dras-tu, avec sa voix juvé­nile, ces res­pi­ra­tions inat­ten­dues, elle réus­sit une ver­sion émou­vante du célèbre titre de Bar­ba­ra. Et parce qu’elle fait montre d’une envie d’en découdre avec la fémi­ni­té elle s’attaque aus­si au titre de Boris Vian et Maga­li Noël : Fais-moi mal John­ny. Quant aux autres chan­sons si elle en est la créa­trice, on en reste médu­sée ! On veut bien, dès main­te­nant, répandre la bonne nou­velle auprès des Tou­lou­sains… et même ailleurs… D’abord sa pre­mière chan­son, quand elle est là, plan­tée der­rière son micro, scru­tant silen­cieu­se­ment nos regards : « On se cram­ponne à la ram­barde /​On est fier d’être debout ». Puis elle ques­tionne la mis­sion du clown. Lequel choi­sir. Le clown blanc ou Auguste ? Pour elle, « fille de la détresse », ce sera le second, « Clo­pin clo­pant… sou­rire cru­ci­fié… ». Fran­che­ment, cette chan­son là suf­fi­rait à nous don­ner l’envie de la revoir. Elle nous met défi­ni­ti­ve­ment dans la poche de sa robe courte, genre salo­pette, avec son cre­do pour l’infidélité : « Je me casse à tire d’ailes… Ô liber­té, ma tour­te­relle, à toi seule­ment je suis fidèle… »

Quant au der­nier groupe, un duo fran­gin fran­gine, 22 ans pour Robin, 24 pour Camille, on aura juste le regret de ne pas com­prendre les textes anglais ! Black Lilys affiche une sin­gu­lière aisance entre sons élec­tro, gui­tare élec­trique ou cla­vier. Camille a une voix légè­re­ment déchi­rée, quelque chose de Char­lotte Gains­bourg… des bras qui dansent, des mains qui des­sinent des appels, un lan­gage d’ailes d’oiseaux ou de papillons qui donne l’envie d’être décryp­té. On est défi­ni­ti­ve­ment convain­cu par ces lyon­nais quand Camille seule avec son uku­lé­lé offre une chan­son écrite au Bur­ki­na Faso. Elle nous parle de nos dis­pa­rus tou­jours présents.

Ils expliquent : « C’est une évi­dence pour nous d’écrire en anglais… C’est dans cette langue que nous sommes entrés en musique… Par les vinyles de nos parents. Nous serons pro­chai­ne­ment en rési­dence avec Buri­dane comme coach… » Alors nous ne déses­pé­rons pas de les voir un jour entrer en Chan­son… française !!