Ru de la Muette – Partenaires - 2018 (©Patrick Ochs)

Ru de la Muette – Par­te­naires – 2018 (©Patrick Ochs)

24 février 2018 –7ème album de Rue de la Muette

Par­te­naires

Avec

Patrick Ochs  (paroles, chant) Gilles Puy­fa­gès (Accor­déon) Eric Jac­card (per­cus­sions) Vincent Mon­dy (cla­ri­nette basse, cla­ri­nette Si b, saxo­phone soprano)


« Lais­sez pas­ser la cara­vane /​Entre en piste dans ton corps, dans ton cœur, dans ton âme /​De la cou­leur des élé­phants. » (La fille aux éléphants) 

Cet album, Par­te­naires, le sep­tième de Rue de la Muette, est posé comme un point sur la lettre ini­tiale du mot iti­né­raire… Iti­né­raire, par­cours, che­min d’un artiste nomade dans son cœur, dans sa tête. Patrick Ochs épris de chan­sons, de musiques, de danses… et de cirque ! Sou­dain lui a pris le désir de faire une halte comme Albert au milieu du pont. « J’aimerais m’envoler de l’autre côté du pont »… Mais en atten­dant demain, en atten­dant de s’envoler, por­té par ses rêves, regar­der der­rière soi le che­min par­cou­ru, en extraire quelques ins­tants repères.

Voi­ci donc qu’il nous livre douze haltes aux­quelles s’ajoutent trois nou­veaux titres. On note­ra qu’un tiers des chan­sons se réfère à 2003, année de la paru­tion de l’album Ma mère traîne au café. La chan­son épo­nyme ins­pi­rée du folk­lore russe et juif, chère à sa mère, à ses sœurs est à elle seule l’emblème, l’incarnation du groupe. Des chan­sons enre­gis­trées au Sphère Stu­dio, près de chez lui en Dor­dogne tout comme le pré­cé­dent. Au plus près du vivant donc, au plus près des corps vibrants, au plus près de la pul­sa­tion des ins­tru­ments. Au plus chaud de cette voix, authen­tique signa­ture du groupe qui, à bien des moments, chan­tonne, fre­donne… « Voix râpeuse qui porte tou­jours d’étranges dou­ceurs » pour Nor­bert Gabriel, pour Valé­rie Lehoux « hauts et bas ver­ti­gi­neux d’un timbre écor­ché aux pro­fon­deurs aspi­rantes », pour nous « voix de rocaille ou de galets bal­lot­tés, usés par des flots amers ». C’est dire si nous sommes tou­chés par le timbre, la force et l’authenticité qui s’en dégagent.

Quant à l’orchestration, aux musiques, c’est un dia­logue inces­sant de l’accordéon et de la cla­ri­nette ou du saxo­phone, escor­té par la bat­te­rie, les per­cus­sions qui scandent, rythment, à petits coups de baguettes au bord de la caisse claire par­fois seule­ment, jusqu’au grand cha­ri­va­ri d’une fan­fare… Car l’accompagnement sait se faire velours, au plus juste du bat­te­ment du cœur, ou tout aus­si bien s’envoler en élans impé­tueux, en valses vire­vol­tantes, ver­ti­gi­neuses… La tête nous tourne tant l’appel à la danse est impé­rieux comme il l’est pour Patrick Ochs en scène. Car cet homme chante du som­met de son crâne au bout de ses orteils… S’il est une chan­son qui colle à sa pré­sence en scène c’est sûre­ment Un pas pour dan­ser emprun­té à l’album Parade. « De chaque côté de la ligne on pose les pieds /​Un pas pour dan­ser, un pas pour un pas de côté /​De chaque côté de la ligne, un pas pour avan­cer, pour dan­ser, pour aimer … » 

« Lais­sez pas­ser la caravane ! »

En quinze titres, c’est la parade où dominent « des cym­bales, des trom­bones comme Duke Elling­ton… Même quand tout va au plus mal, au plus déses­pé­ré, déses­pé­rant, comme dans La Muette à Dran­cy… Quand s’élève le cri, l’appel au secours il reste au cœur un peu de la fan­fare… Tout un bes­tiaire fan­tas­tique défile de l’ours qui danse aux chiens savants, de la vache qui pleure son veau aux hor­ribles bes­tioles de Madame Irma, mygale, ser­pent à lunettes, lézard… L’éléphant y trône, en majes­té, comme Bet­ty, l’éléphante bleue sur la cou­ver­ture de la pochette. Une masse sombre, grise, quelques tâches de blanc sur l’oreille, le front et les défenses, quelques notes bleues pour­tant. Ani­mal majes­tueux misé­ra­ble­ment sou­mis au bon vou­loir des hommes.

« Lais­sez pas­ser la caravane ! »

L’homme y fait figure de per­dant, de pau­mé, d’esseulé. Celui qui attend l’amour, le bus qui ne vient pas… celui du Bout du banc… Les per­son­nages des chan­sons défilent, tan­tôt à dis­tance de leur auteur comme Albert, La fille aux élé­phants qui « rêve qu’elle fait mon­ter sur la piste ses nom­breux amants tristes », Min­gus et le fan­tôme de sa contre­basse, Madame Irma dans sa bou­tique… Mais le plus sou­vent c’est à la pre­mière per­sonne qu’il endosse leur his­toire : Enfant dont la mère et le père traînent au café et qui « traîne, lui,  [son] âme en peine », ado­les­cent du camp de Dran­cy, amou­reux mal­adroit, qui danse « La java de l’ours dans l’aquarium », en quête tou­jours « Je danse autour de toi en éten­dant mes bras comme si c’étaient des bar­rières », maître de céré­mo­nie du « caba­ret des ani­maux » … Veuillez res­ter à votre place ! Rêveur impé­ni­tent qui ne rentre pas dans le rang… Et se retrouve seul au bout de sa route, comme celui qui vou­lait « jouer dans la fan­fare comme à la Nou­velle Orléans, remon­ter le bou­le­vard, [s]’arrêter face à l’océan, boire de l’alcool, et mar­cher au hasard comme ces musi­ciens de fan­fare qui jouent aux portes des music hall… »

Au bout de tout, ou presque, au bout du rêve, le musi­cien marque une halte…

« Main­te­nant il est tard /​Est-ce que tu seras sur le quai ? /​Est-ce que tu m’ouvriras les bras en me disant je t’attendais ? »