13 décembre 2015, Sages comme des sauvages, Ava Carrère & Ismaël Colombani, Festival Comme ça nous chante, café Plum, Lautrec (Tarn)
« Des trottoirs de Belleville à la jungle amazonienne, ce duo atypique invente une chanson folk à l’exotisme singulier, avec cavaquinho, guitare, bouzouki, et même l’esprit maloya du Réunionnais Alain Peters pour veiller sur leurs mélodies et leurs textes entêtants. On fond pour cet univers joyeux et mélancolique, militant et infiniment poétique, gravé sur Largue la peau, album addictif. » Télérama
Concert de clôture au café Plum, voyage garanti sans escale
C’est une soirée de clôture, un concert pour se dire au revoir. Le dernier donc de ces quatre jours du 2e festival Comme ça nous chante.
Il faut le dire : c’est un choix judicieux pour se quitter dans la fête, dans les couleurs et les sons éclectiques, dans l’évasion et le voyage, à l’image de la programmation du café Plum au long des saisons.
S’il est un duo que vous ne pourrez faire entrer dans aucune catégorie, dans aucune boîte de rangement, c’est bien Sages comme des sauvages. Regardez leur visuel, celui de la pochette de leur album dont ils sont eux-mêmes les créateurs. Regardez cette image à la Douanier Rousseau.
C’est bien eux dans le fouillis d’une végétation luxuriante, ce garçon et cette fille au visage à moitié peint. Ava et Ismaël ont mêlé à l’envi et sans aucun plan préétabli leurs deux univers, les chemins de leur vie, leurs pays traversés : la Grèce, les États – Unis pour elle, le Portugal, le Brésil pour lui. Mais aussi Lyon, Montpellier, Paris Belleville ou Barbès et aujourd’hui Bruxelles. Vous l’aurez compris leur aire de jeux n’a pas de frontières et c’est ainsi que se vit et se crée en couches successives, le palimpseste de leur répertoire.
En scène, elle joue de la guitare, mais aussi et surtout du « Défi », un tambour du Nord de la Grèce qu’elle a quelque peu transformé à sa main. Il est posé sur ses genoux, elle le frappe de sa main droite et de la gauche avec une petite baguette. Lui a adopté le bouzouki, le cavaquinho brésilien, cap-verdien et revient incidemment au violon (son instrument originel) mais pour en jouer sans l’archet. Leur « grouple » – c’est ainsi qu’il se nomme, groupe en scène /couple dans la vie) – a rôdé leur musique dans une taverne d’une île grecque où l’on joue des heures en position assise.
Alors voilà qu’ils sont là devant nous le haut du visage bariolé de rouge, lui vêtu d’un costume scintillant acheté à Barbès, coiffé d’un petit chapeau, elle, ses cheveux blonds disparaissant sous une coiffe de fleurs qui évoquent celles des danseuses de l’Est. Leur musique incite à la danse et ce soir c’est un petit bonhomme haut comme trois pommes, au premier rang qui en donne la preuve. Il danse, il danse à s’en étourdir et c’est une image saisissante.
Les chansons, accompagnées de ces sons venus d’ailleurs sans que l’on sache vraiment de quels continents ne parlent pas seulement aux enfants. Le plus souvent en français elles n’évoquent pas des choses légères, comme les Jeunes des villes, Mon commandant, Asile Belleville, ou La Réserve qui s’ouvre sur le ralenti d’un bras qui lève son verre « Comme un indien, tu bois pour quitter la réserve ». Le duo chante aussi en créole, s’inspirant du « mayola » réunionnais, des chansons du poète Alain Peters. Quand Ava chante en anglais c’est pour oser détourner quelque peu Bob Dylan. Quant à Ismaël, c’est sans aucun doute dans des jeux vocaux, des sons improvisés qu’il accomplit ses rêves de chanteur dans une langue sans mots, une langue mystérieuse.
Pour eux musiques et mots sont de sons qui s’épousent pour une histoire qui n’aura pas fin.
Ils nous offrent un instant d’évasion, un voyage vers Ailleurs et dieu que c’est bon !