Festival Pause Guitare –2021 (©Arpèges et Trémolos / Pause Guitare)

Fes­ti­val Pause Gui­tare2021 (©Arpèges et Tré­mo­los /​Pause Guitare)

9 au 11 juillet 2021, Fes­ti­val Pause Guitare 

Prix Magyd Cherfi 

Avec

Jour 1 Jéré­mie Bos­sone, Lümé, Ger­vaise – Jour 2 Orly, Abel Che­ret, Hec­tor ou Rien – Jour 3  Marion Roch, Tiou, Tom Bird, Billet d’humeur


L’Athanor – Albi (Tarn)

Pause Gui­tare, nous y sommes ! L’association orga­ni­sa­trice Arpèges et Tré­mo­los, sous la hou­lette du chef de chœur – de cœur sur­tout – Alain Navar­ro, en a vu de toutes les cou­leurs pour en arri­ver là. Prise dans la tem­pête sani­taire, elle a dû faire et défaire sans cesse, inven­ter, cor­ri­ger, cal­cu­ler, ima­gi­ner, éta­ler la durée du fes­ti­val, se plier au concept de « pass sani­taire » pour la grande scène de Prat­graus­sals. Il n’en demeure pas moins que la pro­gram­ma­tion pour­rait en faire rêver plus d’un ! Certes il a bien fal­lu rompre avec pas mal d’habitudes, avec la franche convi­via­li­té qui pré­vaut dans cette belle ville d’Albi, dans ce coin du Sud depuis 25 ans. Et si l’on pou­vait craindre des décep­tions, au bout de dix jours, s’est répan­due à tous les étages, une joie des retrou­vailles. Des béné­voles aux tech­ni­ciens, aux pho­to­graphes, des par­te­naires aux artistes, qui, pour cer­tains, vivaient leur retour à la scène !

Hier, au troi­sième jour des concerts du prix Magyd Cher­fi, la salle de l’Athanor s’est pour finir trans­for­mée en dis­co­thèque, empor­tée par l’énergie sans limites des Billet d’humeur. Pour eux, pas ques­tion de se prendre au jeu du concours, l’essentiel est de par­ta­ger la soif de chan­ter et de dan­ser pour le public, avec le public. La joie d’être vivant ! Nous aimons ces quatre gar­çons, leur his­toire fra­ter­nelle, leur sou­ci du par­tage huma­niste. Grâce à eux, quelle eupho­rie sou­daine quand la chan­son se déchaîne, se débride !

Ils venaient conclure une troi­sième après-midi de concerts où s’est illus­tré celui qui devait rem­por­ter le prix du jury : Tom Bird. On com­prend qu’il ait été ain­si dis­tin­gué car il ins­talle un cli­mat fait d’humour, de ten­dresse et de fra­gi­li­té. On aime son slam de la fin d’un amour, « À trois étages de la quit­ter… », un mono­logue inté­rieur scan­dé par l’ascension d’un esca­lier, la gale­rie de por­traits de ses amis où il glisse son har­mo­ni­ca, l’évocation d’un grand-père ima­gi­naire et cette affir­ma­tion : « Moi j’aimerais bien être grand-père, direc­te­ment ». Son écri­ture est cise­lée, un tra­vail dont il fait même une chan­son : « Oubliées les syn­taxes, oubliés les tour­ments /​Ma mine elle, reste intacte au contact du néant /​Mais vers quel hori­zon ont bien pu s’envoler / Les rimes de leur pré­nom…? » Un lau­réat qui sans aucun doute trou­ve­ra sa place l’an pro­chain en pre­mière par­tie, comme le fit Matéo Lan­glois (lau­réat 2018) dans sa nou­velle for­ma­tion en trio, avant le concert de Maxime Le Fores­tier au Grand Théâtre.

On ne s’étonnera pas, dans des temps irres­pi­rables (sous nos masques !), que le public ait choi­si le déca­lage et l’humour du Suisse Hec­tor ou Rien. Il y aurait un peu du P’tit Nico­las de Sem­pé dans ce musi­cien et son look, ber­mu­da, chaus­settes… Dans son aire de jeu on trouve des clo­chettes qu’il met à sa che­ville, une valise dont il fait sa boîte à rythme, sa gui­tare élec­trique, un tabou­ret de pia­no où il grimpe pour en faire une planche de surf… Bref, vous l’aurez com­pris, tout peut adve­nir… Quant aux paroles, c’est sous le badi­geon de l’humour, sous l’autodérision que se devinent de fré­quentes allu­sions aux amours dif­fi­ciles et que se des­sine la poé­sie comme ce mon­sieur André qui, cette année, n’arrose plus ses fleurs, renonce au concours de mai­sons fleu­ries parce qu’on lui a arra­ché son amour… ou cette grand-mère qui pour­rait bien tri­cher un peu avec la sincérité…

Avouons, face à l’éclectisme de la pro­gram­ma­tion des trois jours, face à la qua­li­té, il n’était certes pas facile de faire son choix, ni pour le jury de pro­fes­sion­nels, ni pour le public. Le pre­mier jour, à Jéré­mie Bos­sone, son frère Ben­ja­min en par­te­naire fou­gueux au cla­vier, et leur invi­té mys­tère, un cer­tain Kapuche, à cet uni­vers élec­trique, lyrique et épique à la fois suc­cé­dait le groupe Lümé, dont l’univers ins­tru­men­tal tra­verse les mers, se moque bien des fron­tières, nous rap­pe­lant à notre uni­ci­té d’être humain, pour finir avec Ger­vaise. Emprun­tons à Sté­pha­nie Ber­re­bi de la revue Fran­co­Fans, fidèle sou­tien du fes­ti­val, ses mots : « Ger­vaise incarne à mer­veille la dua­li­té, la com­plexi­té humaine. Elle chante et slamme, elle est aus­si bien sur le fil que sur­vol­tée, fra­gile et exu­bé­rante. Une femme belle par sa sincérité. » 

Le deuxième jour s’ouvrait sur la longue sil­houette sombre, le chant écor­ché d’Orly por­té par pia­no, cla­ri­nettes et sons élec­tro. Par­fois il nous a rap­pe­lé le chant rugueux et tendre de Valé­rian Renault. Sui­vait Abel Che­ret que des sons inter­ga­lac­tiques mêlés à des chants d’oiseaux annoncent… Et ce sont des pay­sages et des voyages qui nous sont offerts, un fin mélange de sons urbains et d’écriture plu­tôt déli­cate avant qu’Hec­tor ou Rien ne nous donne vrai­ment un goût de rire un peu de tout… A la sor­tie les visages arbo­raient un sou­rire et nous échan­gions notre satis­fac­tion. Qu’il était bon d’être là ! Sim­ple­ment être là !

Cha­cun de nous a pu une fois encore mesu­rer le prix incom­pa­rable de l’univers de la Chan­son, tant les pro­po­si­tions dif­fèrent, humant l’air du temps certes, mais culti­vant aus­si la nos­tal­gie d’une chan­son patri­mo­niale, mar­quée du sceau de l’excellence poé­tique. Quand le der­nier jour se suc­cèdent le trio de Marion Roch et celui de Tiou, on tra­verse des mondes. Pas ques­tion de res­ter indif­fé­rents ! Marion veut en découdre, coûte que coûte, avec ce monde fou­traque, on aime sa déme­sure, sa capa­ci­té de tra­vail, sa rigueur et sa conni­vence avec ses par­te­naires musi­ciens. Tiou est dans la joie de chan­ter, il entend s’emparer de l’espérance et veut déci­dé­ment ouvrir sa fenêtre, à condi­tion d’y voir appa­raître des vivants…

A l’heure où se clô­tu­raient ces trois jours, l’équipe du fes­ti­val était contrainte de se réunir d’urgence. Des vents vio­lents s’annonçant, il fal­lait prendre des mesures… Report des concerts du soir au len­de­main, inter­ven­tions des équipes tech­niques sur le site à sécu­ri­ser… Bref, la vie ordi­naire d’un fes­ti­val… Remer­cie­ra ‑t – on jamais assez tous ceux qui sont sur le pont pour que le navire reste à flot ?