Jules Nectar – septembre 2021 (©Jules Nectar)

Jules Nec­tar – sep­tembre 2021 (©Jules Nectar)

Du 03 au 12 novembre 2021, Le Bijou un lieu où l’on crée, innove, expé­ri­mente, un lieu où l’on s’en-chante…

Le Bijou, quoi d’neuf ?

Avec,

Zaza Four­nier en duo pia­no-voix avec Pierre- Fran­çois Blan­chard – Coren­tin Grel­lier en 1ère par­tie  

Jules Nec­tar en for­mule acous­tique (textes, musiques, gui­tare, chant) Milu Mil­pop (chant) Clé­ment Fois­seau (gui­tare) avec la par­ti­ci­pa­tion d’Alice Bénar

David Sire (texte, récit, chant, gui­tare) & Cerf (musique et arran­ge­ments, gui­tares, chant) dans leur nou­veau spec­tacle, un récit musi­cal : Bégayer l’obscur


Le Bijou (Tou­louse)

Quoi d’neuf au Bijou ? Le capi­taine du navire tou­lou­sain, Pas­cal Chau­vet en l’occurrence, sui­vi de très près par son second, Emma, vous répon­drait sûre­ment : Osez décou­vrir ! Osez l’inattendu ! Les artistes ont été bâillon­nés de longs mois mais croyez-vous qu’ils soient res­tés inac­tifs pour autant ? Point du tout ! Alors néces­sai­re­ment cette ren­trée est sur­abon­dante, luxu­riante… Elle nous inter­pelle de toutes les façons car le retrait impo­sé a fait naître de bien éton­nantes envies dont la pro­gram­ma­tion du Bijou – tou­jours à l’affût des bons plans – s’est fait l’écho. Jugez-en vous-même !

Le 3 novembre, c’est Zaza Four­nier qui s’installait sur la petite scène, une « salle de poche » disait-elle, où « la réac­tion du public est proche, presque épi­der­mique. Avant même d’inaugurer son duo pia­no-voix, elle vou­lait « fêter l’automne et sa mélan­co­lie gra­tuite ». Le troi­sième soir elle écri­vait, sur sa page Face­Book, avec ce tutoie­ment qu’elle adopte en scène : « Tu vois la joie ? Et bien cette joie, elle est expo­nen­tielle chaque soir. Hier, les sou­rires étaient accro­chés plus haut encore, Et les mains tou­chaient les oiseaux. Alors… ce soir… ce soir nor­ma­le­ment on s’envole toi et moi. À ce soir Tou­louse jolie ! » Il sem­ble­rait que tous ces mots là soient l’exacte expres­sion du res­sen­ti du capitaine.

Or nous étions là, le pre­mier soir… En pre­mière par­tie Coren­tin Grel­lier était reve­nu dis­til­ler sa poé­sie dont on ne se lasse pas… « On essaie qu’il fasse beau sous nos cha­peaux ». Grâce à lui, avouons, on fini­rait par croire au beau temps.

Dans le pre­mier quart d’heure du concert de Zaza Four­nier nous avons bien sen­ti l’étonnement de son jeune public, quelque peu déso­rien­té sans doute. Le len­de­main elle modi­fiait, nous a ‑ton dit, l’ordre des chan­sons et le troi­sième soir elle se sen­tait proche de son objec­tif… Ce pro­jet tout neuf pre­nait forme, ce pro­jet qu’elle défi­nis­sait ain­si pour le quo­ti­dien La Dépêche « Je vou­lais aller au plus près des mor­ceaux, à l’os… Je n’ai plus le même âge, et j’ai envie d’être dans le pré­sent des choses, ici et main­te­nant. » Une démarche de véri­té, d’authenticité en somme. Et c’est exac­te­ment cette chan­teuse là que nous avons vue, celle qui chante « Mon cœur est un enfant du vent. » Nous avons sen­ti battre ce cœur là, nous avons vu cette éner­gie, cette soif d’amour, s’emparant de la scène comme d’un ring. Elle chante ce besoin de vivre inten­sé­ment, elle le danse, pas­sant de la dou­ceur à la plus vive inten­si­té. Nous n’avons pas pu nous empê­cher de son­ger au duo Michel Ber­ger- France Gall en la décou­vrant ain­si, dans l” occu­pa­tion de l’espace, dans sa ges­tuelle, fai­sant face sou­vent à son pia­niste. Quand elle ter­mine ce concert par Délit de fuite… « J’apprends à vivre sans toi /​J’apprends vite en géné­ral /​Tu ne vas pas me faire de mal trop long­temps » sui­vi de Made­moi­selle… celui/​celle qui  « met du sent bon et des chaus­sures à talons /​Et des fleurs dans son chi­gnon… », quand on l’entend dans cette pro­fes­sion de foi très bar­ba­resque « Je tremble mais je marche… Je chante morte ou vivante… », on ne doute plus une seconde de la per­ti­nence de ce duo.

Une semaine plus tard nous venions au ren­dez-vous d’un trio fami­lier, celui de Jules Nec­tar entou­ré de Milu Mil­pop au chant et Clé­ment Fois­seau à la gui­tare élec­trique. Dans une for­mule exclu­si­ve­ment acous­tique, sans micro, Jules venait saluer la salle du Bijou qui lui a mis le pied à l’étrier il y a dix ans, à l’occasion de l’une de ses audi­tions publiques. Pour l’occasion le trio a misé – à l’unisson de Zaza Four­nier – sur l’authenticité, la sim­pli­ci­té dans l’écrin de la petite scène qu’ils ont habillée de plantes vertes côté jar­din, et de l’éclairage très doux de lou­piotes. Le concert com­mence par une invi­ta­tion : « On pour­rait dan­ser sur le bord du monde. » Chiche ! Et même si l’on ne sait pas où l’on va… « on y va tout droit » ensemble, ce que nous chan­te­rons même tous en chœur. Jules offre au pas­sage une nou­velle chan­son inti­tu­lée Larmes… un texte déli­cat sur ce sort fait aux gar­çons, sur cet inter­dit… Quand vient en scène son invi­tée Alice Bénar, c’est un sur­plus de dou­ceur et de déli­ca­tesse qui s’offre à nous. La voix de Milu Mil­pop en contre­chant épure l’interprétation et nous savou­rons l’élégance de la gui­tare élec­trique, tou­jours là, pré­sente mais au ser­vice du texte. L’ensemble a un charme fou et l’on com­prend pour­quoi le Qué­bec, la Suisse, la Bel­gique et même l’Allemagne ont fait les yeux doux à ce trio acoustique…

Pour finir, nous avons ren­dez-vous avec le pro­jet tout neuf de David Sire accom­pa­gné de son fidèle Fred Bou­chain dit Cerf aux gui­tares et au chant : Bégayer l’obscur. Nous pres­sen­tons que nous allons au devant d’une his­toire peu banale qui va nous mener au bord de notre vie inté­rieure, de notre part secrète, pas tou­jours avouée ou avouable, cette part sombre, ce noir, cet obs­cur de nous… Mais avant tout, ins­tal­lons-nous sur notre chaise face à une scène dépouillée : des gui­tares et deux cais­sons. Lais­sons-nous aller, embar­quer dans le récit… Il s’agit d’une ren­contre en forêt, d’un être humain comme il y en a par­tout sur notre terre et beau­coup, beau­coup sur nos trot­toirs… Un être qui a rom­pu com­merce appa­rem­ment avec notre réa­li­té faite d’inconsistance et de super­flu, et que le nar­ra­teur David veut abso­lu­ment revoir, aider, faire par­ler, com­prendre… par-des­sus tout le ques­tion­ner sur ce trou noir, là, der­rière lui… Cette décou­verte l’envahit, l’obsède jusqu’au bord de la folie…

A ses côtés, Cerf est son témoin, comme peut l’être le chœur dans la tra­gé­die antique, son com­pa­gnon et son com­plice, son ange gar­dien sou­vent… Cette étrange his­toire se nour­rit de tout ce qui fait la réa­li­té de ces deux là, David et Cerf… Tout y est vrai, juste, dans l’évocation des séances d’atelier, en pri­son, en Ehpad, en centres d’accueil… Tout est vrai dans les tâton­ne­ments des jours de répé­ti­tions avec H à la tech­nique, avec Mari­na Tomé à la mise en scène…

On ne vous révè­le­ra pas toutes les étapes de cette quête semée de traits d’humour, d’absurde, de chan­sons, de danses pri­males presque sor­cières, jusqu’à ce que le nar­ra­teur pénètre dans cet intri­gant trou noir. Il se confronte alors à sa propre his­toire, remonte le temps, met à jour les failles, les cica­trices, les frac­tures invi­sibles… Vous savez bien, tous et toutes, « ces trous noirs qui nous font bégayer »…

Ce spec­tacle est un récit ini­tia­tique, à cha­cun, cha­cune sa lec­ture, certes. Mais sachez que le dénoue­ment est joyeux, apai­sant… Il s’agit de trou­ver « son pays », de se sen­tir enfin là, déli­vré de la peur, d’ouvrir les bras et de dan­ser, comme un der­viche tour­neur relié au ciel et à la terre, d’aller à la ren­contre de l’autre, cet incon­nu, cet obscur…

Il suf­fi­ra de jeter en pluie les lettres du mot AUDACE et de voir se des­si­ner le mot CADEAU…

C’est un peu fina­le­ment ce que sug­gère la pro­gram­ma­tion auda­cieuse du Bijou… Bien­tôt l’étonnante Mar­jo­laine Pié­mont sui­vie d’un pla­teau de lau­réats du Prix Claude Nou­ga­ro… On vous le répète : il se passe tou­jours quelque chose au Bijou.