Festi’Voix 2017 – Château de Bonaguil (© Claude Fèvre)
22 juillet 2017 – 1er Festi’Voix
Repas-concert organisé par Voix du Sud et le Comité des fêtes de Fumel
Avec Benoît Doremus, Olivier Daguerre et Émilie Marsh
Fossés du Château de Bonaguil – Saint-Front-sur-Lémance (Lot & Garonne)
Le château de Bonaguil, imposante bâtisse sur son éperon rocheux, dont les murailles respirent une longue histoire entre Quercy et Périgord, s’enorgueillit de proposer tout au long de l’année ateliers manuels, chasses aux trésors, nocturnes contées… Il faudra désormais ajouter la Chanson !
Sans autre ressources que celles de deux associations, Voix du Sud et Comité des Fêtes de Fumel — commune à laquelle appartient le château – voilà que naît un nouvel événement estival, Festi’Voix. La scène implantée dans les douves du Château offre non seulement un décor à vous couper le souffle mais aussi des conditions acoustiques dont beaucoup d’organisateurs ailleurs en France pourraient être jaloux. Ajoutez‑y quand la nuit tombe des lumières qui dansent, frôlent la pierre, y projettent des arabesques, des formes étranges et vous aurez toutes les conditions pour laisser votre imagination croire à un enchantement.
Bien entendu pour lui donner forme il a fallu que quelques infatigables compagnons de la Chanson se mettent à l’ouvrage. Un jour de concert chez soi, au pied du château, Pascal Bagnara, directeur de Voix de Sud, levant la tête vers l’imposante muraille, lance l’idée d’un événement dans l’enceinte même du château… Aujourd’hui 22 juillet 2017, c’est donc une première… Le comité des Fêtes se charge du repas, plus de 250 personnes s’y inscrivent. La météo favorable fait le reste. L’ambiance est bon enfant sur les terrasses du château où sont dressées les tables. Populaire comme on aime. Pas de chichis, pas d’espace réservé aux VIP. Ici c’est avant tout une soirée d’été, où des saveurs quelque peu exotiques régalent les papilles – merci Willy ! — où le rosé épanche la soif, où l’on rit, plaisante, partage, où l’on peut intimement savourer la joie d’être vivant… Ce n’est pas en vain, et sans discours superflus que les trois chanteurs invités reprendront pour clore la soirée la chanson d’Alain Souchon et son refrain « Rien, rien, rien, rien ne vaut la vie » ! On les en remercie profondément.
Les trois chanteurs que nous connaissons bien – presque des familiers — vont se succéder seuls avec leur guitare, offrant au public une approche diversifiée de la chanson d’aujourd’hui. Ce qui les réunit c’est d’abord le lien qu’ils ont avec Voix du Sud. Des mains de Francis Cabrel chacun d’eux a reçu le Prix des Écritures Voix du Sud /Fondation de la Poste. Ils sont devenus des intervenants au sein du Centre de la chanson, des animateurs, formateurs. Ils ont été programmés aux soirées à domicile dans ce territoire de Fumel.
La soirée s’ouvre sur le répertoire de Benoît Doremus qui a ce talent de nous raconter des petites histoires sentimentales d’un angle singulier. Son personnage n’a rien d’un héros, il aurait bien aimé jouer les durs, mais c’est raté ! Il est fragile notre petit gars… Fragile devant celle qui lui promène sa nudité en tentant de faire croire qu’elle n’a plus rien à se mettre. Fragile aussi dans sa colère contre une certaine Laura qui le quitte. Tendre, attendrissant quand il se penche sur des souvenirs d’enfant, puis de plus grand, celui qui fait des « chiottes » son coin de lecture, ou bien qui se prend pour Rimbaud mais sans son « paletot idéal ». Même pas fichu de vivre sa « bohême », un pied près de son cœur. Voilà, Benoît Doremus c’est un artiste, une « bête à chagrin » et qui nous le chante… Tout comme Olivier Daguerre qui lui succède. Faut le voir sans fard celui-là.
Ce soir Daguerre nous a beaucoup touchés. Il a commencé avec deux titres bouleversants de son nouvel album, La nuit traversée et la Couleur de Barbara. Deux titres qui nous ont pris d’emblée par le cœur quand les lumières dessinaient sa silhouette sur la pierre. Au fil des chansons, et malgré les pointes d’humour dont il les allège, il a donné plus de puissance à son jeu de guitare. Comme s’il fallait que d’elle jaillisse l’énergie de vivre, de la crier. Elle avait la rage sang cette guitare ce soir. Le corps de l’artiste s’est mis à habiter la scène quand est venu le portrait puissamment sensuel de Carmen. Il fallait dire « l’ivresse toujours un peu plus ». Le regard d’Olivier Daguerre restait planté au ciel, comme un défi à l’usure de tout, même de l’amour. Comme un défi à la mort. On veut croire avec lui à la puissance des mots qui peuvent « réveiller [la] peau pour que tout semble plus beau ».
Voici enfin la version féminine de la Chanson avec Émilie Marsh qui offre au regard la finesse de sa silhouette de rockeuse, le corps traversé par sa guitare électrique… Elle chaloupe avec elle, fait corps avec elle… C’est une danse légère et puissante à la fois. On pourrait en dire autant de la voix qui joue de toutes les nuances. Ce soir on lui découvre plus de sensualité encore dans ce décor de murailles. On retiendra la force de son appel à la vie « Haut les cœurs… La nuit finira bientôt… » Comme Émilie on veut se sentir capable d’ouvrir les bras, de danser contre le vent et de faire confiance à la peau contre la peau… S’arroger le droit d’être soi, Good Bye Comedy !
Quand les deux garçons rejoignent Émilie pour la chanson d’Alain Souchon on se dit que l’on a eu bien de la chance d’être là pour cette première qui a toute la saveur d’un rendez-vous d’importance. Quand s’annoncera la date de juillet 2018, prenons vite nos agendas… Il se pourrait bien qu’il n’y ait pas de places pour tout le monde !