Les Fils de ta Mère – Théâtre du Grand Rond, juillet 2017 (© Claude Fèvre)
Du 11 au 15 juillet 2017 – Les Fils de ta Mère
Apéro-concert thématique : La route et autres rues et chemins…
Avec Florent Gourault (chant), Simon Chouf (guitares, chant), Simon Barbe (accordéon) et Gaël Carigand (batterie, chant)
Théâtre du Grand Rond (Toulouse)
Les Fils de ta Mère, un collectif d’artistes chanteurs que seuls – ou peu s’en faut – les Toulousains peuvent se vanter d’avoir entendus. Ils sont nés de l’envie de se retrouver, sans forfanterie, sans prétention aucune mais avec tendresse pour certains artistes morts ou pas, ou presque… comme, blagueurs, ils aiment le dire ! On y retrouve aujourd’hui Simon Chouf, régulièrement évoqué ici, son ami et complice Florent Gourault retiré de la chanson (mais est-ce bien certain ?), Simon Barbe accordéoniste toujours aussi discret et efficace en scène – un bonheur de l’écouter et le voir faire corps avec son instrument – et Gaël Carigand à la batterie, aussi prompt aux coups de cymbale qu’aux galéjades.
Les fils de ta Mère seraient un peu orphelins depuis quelques mois déjà, si l’on songe à la brutale interruption de programmation de leur lieu fétiche, le café associatif Chez ta Mère, devenu une référence dans le milieu de la Chanson en très peu de temps – on sait combien est forte le besoin de petits lieux. On se gardera d’évoquer ici les conditions de cette fermeture restées assez nébuleuses, même pour les plus proches. Le résultat est bien là et la réouverture espérée plus qu’incertaine à cette heure.
Alors c’est tout naturellement qu’ils ont trouvé au Théâtre du Grand Rond un hébergement, un refuge, pour quelques jours d’apéro-concerts. En l’occurrence, si l’on peut regretter parfois d’y voir des artistes soumis à la recette hasardeuse des tirelires, y voir Les toulousains Fils de ta Mère réunis pour évoquer en chansons le thème de la route semble aller de soi. Le propos se veut léger, joyeux. Juste ce qu’il nous faut en ces temps de vacances, vacuité, évasion… L’occasion d’évoquer la chanson populaire, celle que l’on peut reprendre en chœur, toutes générations confondues ; mais aussi celle qui marque une génération de son sceau, de son atmosphère, comme celle que Simon Chouf qualifiera de l’ère Chirac. Le quartet vient alors en bord de scène, en acoustique – guitare, mélodica et planche à laver – évoquer Chacun sa route de Tonton David et Sur la route de Gérald de Palmas… On sourit à ce souvenir : « Si seulement j’avais pu lire /Dans tes pensées, oh, baby /J’aurais vu le doute /En toi s’immiscer… » Ah oui, si seulement… Oh baby ! On sourit vraiment !
On ne boude pas non plus son plaisir de chanter avec son voisin ou sa voisine Une belle histoire de Michel Fugain. Vous savez bien « C’est une romance d’aujourd’hui » et soudain on réalise que les garçons qui sont là devant nous n’étaient sans doute pas nés… 1972, un immense succès écrit par Pierre Delanoë, le 45 tours se vend cette année-là à 800 000 exemplaires ! De quoi rêver !
Bien entendu on rit aussi d’entendre Simon se battre tout seul avec le débit du texte de Sanseverino, Les embouteillages… Les trois autres l’ont lâchement abandonné sur le coup ! Une sacrée chanson dont on mesure l’originalité et l’inventivité ! Ces jeunes chanteurs savent ainsi saluer leurs aînés comme Bernard Lavilliers avec On the road again qui ouvre presque « naturellement » leur concert. Cette chanson nous vaut l’alternance de leurs voix et un superbe solo de l’accordéon. Une façon d’installer le thème en s’inclinant aussi devant les modèles d’outre atlantique qui en ont influencé plus d’un avant eux « La mer revient toujours au rivage /Dans les blés mûrs, y’a des fleurs sauvages /N’y pense plus, tu es de passage. »
Un florilège de chanson française ne saurait exister sans Georges Brassens et c’est avec Le parapluie que le quartet s’acquitte de cette dette à l’immense prédécesseur, entraînant de facto le public. D’ailleurs c’est aussi avec un ancien, très ancien même – à l’aune de leur jeune existence – qu’il donne le meilleur moment instrumental, un swing qui va comme un gant à Route nationale 7 de Charles Trenet, une chanson de la petite enfance de leurs parents…
C’est finalement avec les chansons plus sombres qu’émergent l’émotion et la beauté sensible de certains textes de chansons comme La salle du bar-tabac de la rue des Martyrs, énorme succès du groupe Pigalle, identifiable aux premiers accents de l’accordéon, où « chacun doucement oublie l’ombre d’une vie passée, d’une femme, de décombres »… C’est sombre, triste, désenchanté comme aussi Rue Blondin d’Allain Leprest : la rue, la nuit, l’image insolite de « cageots de légumes sur un vélo… tous feux éteints », une lune qui « joue les croissants beurre », la migraine… On gardera une mention spéciale, un coup de cœur tout personnel, pour La ruelle des Morts de Hubert Félix Tiéfaine, pour son long flash-back que les saisons dessinent « Que ne demeurent les automnes /Quand sonne l’heure de nos folies /J’ai comme un bourdon qui résonne /Au clocher de ma nostalgie… Une chanson somme toute assez récente, celle d’un homme qui tire la leçon du long ruban de sa vie déjà écoulée. Un bon tronçon de route dans les jambes.
Comme nos quatre Fils de ta Mère sont plutôt gens avisés pour conduire un concert, c’est une fin entraînante qu’ils nous offrent avec Rue de Paname des Ogres de Barback, chanson un tantinet libertaire si l’on en croit la fin « Un jour, toutes nos chansons /Ouais, vous désarmeront /Il n’y aura plus qu’la folie /La joie et l’anarchie /La joie et l’anarchie /La joie dans Paris. » Peut-on vraiment résister à un tel programme, du moins en chanson ? D’autres ont bien chanté il y a si longtemps « Ah, ça ira, ça ira, les aristocrates à la lanterne »… Quant au rappel, ce sera Sur la route de Memphis, d’Eddy Michell… La route, un truc débile à la radio, un chien-loup à la place du mort, les menottes au poignet, un rêve de fille en robe blanche… Pour mettre tout le monde d’accord il n’y a rien de tel qu’une chanson des années 70, les années de jeunesses de papa, maman !