Frédéric Zeitoun – Duos en Solitaire, 2019 (© droits réservés)
5 avril 2019 – Frédéric Zeitoun, Duos en solitaire
Sortie du nouvel album de Frédéric Zeitoun
Avec, en duo avec Frédéric Zeitoun par ordre d’entrée en scène :
Doc Gynéco, Lynda Lemay, Marie-Paule Belle, Yves Duteil, Michel Fugain,Enrico Macias, Manu Dibango, La chorale Gospel de Rueil Malmaison, Oldelaf, Sanseverino et Philippe Lavil
Frédéric Zeitoun, homme du petit écran – ce n’est pas rien pour assoir une réputation ! – parolier d’Hugues Aufray, Louis Bertignac, Carlos, Zaz, Charles Dumont, Frédéric François, Enrico Macias ou Laurent Gerra – une liste à faire pâlir de jalousie – homme de scène, comme il l’a démontré avec obstination et passion tous les dimanches soirs à l’Alhambra, de septembre 2017 à décembre 2018, dans son spectacle En Chanteur, publie un nouvel album. Autant dire qu’il n’aura pas besoin de notre plume pour diffuser la nouvelle… Il paraît même qu’il sera pour l’occasion sur le canapé rouge de Michel Drucker. C’est dire !
Alors à quoi bon lui consacrer cette chronique ?
C’est qu’il s’agit d’un artiste que nous avons croisé et vu sur la scène du petit –et non moins exceptionnel – festival DécOuvrir de Concèze en Corrèze. Se trouver dans le périmètre de son regard et de son sourire, c’est à coup sûr retrouver sa bonne humeur, son goût des autres. Nous aurons vu rarement un être humain, dont la vie aura singulièrement chargé le sac à dos, selon sa propre expression, exercer un tel pouvoir de réconfort. Pour cette seule raison il était légitime d’écrire. En scène, inutile de chercher longtemps ses mots, c’est un rayon de soleil.
Peut-on être indifférent à son sens de la Chanson, celle qui consiste à « faire entrer dans nos têtes une mélodie et des mots dans le cœur… » ? Celle qui, l’air de rien, se taille la part du lion dans nos valises de souvenirs et jalonnent nos vies. Celle qui a ce pouvoir à nul autre pareil de nous raccorder à nos émotions, nos amours et nos révoltes, nos chagrins et nos espoirs. Cet album est un hommage à cette Chanson là.
En douze titres de duos, plus un qu’il s’offre en solitaire, Frédéric Zeitoun signe un album d’anthologie. Un condensé, un sommaire des voix les plus familières des dernières décennies, posées sur ses textes. La classe, non ? Il partage ainsi son regard sur le monde, son regard sur sa propre destinée et la nôtre avec ceux qu’il admire artistiquement, avec ceux qu’il aime et honore dans ses chroniques. Il s’amuse de céder ainsi à une mode, il sourit de lui-même, devançant ce que l’on pourra dire de lui… « Comme la musique ne se vend plus, que le CD est décédé… Il faut une route à deux voies ! ».
On imagine aisément les séances d’enregistrement, comme autant de rencontres amicales, fraternelles. On n’en doute pas une seconde à l’écoute des chansons. Soulignons que cet album est une balade sonore dans le style et la manière de chaque invité et c’est ce qui en fait le prix. Comme si Frédéric Zeitoun s’était à chaque fois glissé dans un univers différent, adaptant son style musical à son partenaire. Sur les vagues sonores du piano et de l’accordéon qui dialoguent, on se promène de reggae en rythmes latino, de cha-cha-cha, en rockabilly, de ballade nostalgique en gospel.
Le premier titre, avec Charles Aznavour qui en signe la musique, enregistré quelques mois avant son départ, où sa voix s’élève toujours aussi reconnaissable, sans une faille, nous émeut singulièrement. Bien au contraire est en effet une chanson poignante sur le départ, sur l’absence… « Et plus jamais, plus jamais /Seule l’absence ne meurt jamais… » Car cet album est celui d’un homme qui, au mitan de sa vie, dresse un bilan lucide. Le cœur fait alors des vagues, s’arrête aux instants mélancoliques comme avec le saxophone de Manu Dibango dans Le blues du dimanche soir, pour mieux repartir confiant et léger avec la Chorale gospel de Rueil-Malmaison scandant l’espoir et l’amour. Même quand l’avenir flanche, même au moment de se quitter, on ne « désaime pas », chante-t-il en compagnie de Michel Fugain. La vie ne fait pas de cadeau, constate-t-il avec un Doc Gyneco amical et léger, parfois même « le bon dieu déconne » carrément et l’on est bien obligé de reconnaître que « ce drôle de bas monde [n’est] pas fait pour tout le monde »… Qu’importe on continue, aurait dit Barbara… Et c’est bien ce que chante Frédéric Zeitoun. C’est avec la superbe voix de Lynda Lemay qu’il dit la force de la vie qui va, « même si le cœur n’y est plus », cette vie où l’on ne cesse d’apprendre, bien mieux que sur le tableau noir. « J’ai suivi des étoiles, j’ai tutoyé des tempêtes » chante-t-il avec Yves Duteil, parfaitement à sa place dans ce registre. Il nous pousserait même à danser. Vous avez le choix quand « la vie danse à cloche – pied » : rockabilly avec le facétieux Sanseverino dans La politesse du désespoir ou un bon vieux cha-cha-cha avec Philippe Lavil dans Fromage ou dessert.
Au final on se dit que le public pourrait bien plébisciter cet album pour son humour, pour ce sourire dont on vous parlait en commençant. Quel régal en effet que le duo avec Enrico Macias, rappelant l’évasion sans vergogne de tant d’entre nous vers une « vieille Espagne emprisonnée… Comparée à nos HLM le luxe suprême » (Les vacances chez Franco), le sketch partagé avec Marie-Paule Belle, confrontation du Monsieur de la télé avec le public dans la rue ou le désopilant Pot de départ à la retraite avec Oldelaf, un franc clin d’œil au meilleur Pierre Perret.
Alors si c’est sur le canapé rouge de Michel Drucker, par cet écran d’une télévision populaire qui décline, paraît-il, que Frédéric Zeitoun conquiert un large public, réjouissons-nous. Cet album est un incontestable hommage au meilleur de la Chanson et une invitation à garder le cap : la vie continue !
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