Barriet –Eléphant – 2018 – (©Valérie Bodineau)

Bar­riet –Elé­phant – 2018 – (©Valé­rie Bodineau)

22 mars 2019, nou­vel album de Bar­riet sor­ti le 10 novembre 2018

Élé­phant

Avec

Fran­çois Bar­riet  (textes et musiques, gui­tares, har­mo­ni­ca, kazoo, tam­bou­rin, chant), Hugo Bar­bet (cla­vier, mélo­di­ca, uku­lé­lé, ban­jo, bou­zou­ki, gui­tares, basse, per­cus­sions, cajon, bat­te­rie, plat à tarte, chœurs) Gilles Lovi­ghi (bat­te­rie), Jean-Bap­tiste Mérel (pia­no, musiques) Alon Pey­let (trom­bone) 


« A l’o­ri­gine, c’est un trou­ba­dour » disait de lui Hélène Haze­ra dans Chan­son Boum, à l’occasion de la sor­tie de son pré­cé­dent album en 2014. Ces mots, son auteur aus­si, on l’avoue, auront suf­fi à nous don­ner l’envie, le goût de nous attar­der un peu à cet Élé­phant là… Enfin, pas seule­ment. Car l’abondant dos­sier de presse révèle aus­si un par­cours d’homme qui s’attelle aux tra­vaux d’écriture, avec régu­la­ri­té, obs­ti­na­tion. D’atelier en ate­lier (Arlette Mira­peu, Manu­fac­ture Chan­son, Labo Chan­sons Voix du Sud, Claude Lemesle) il glane au pas­sage un pre­mier prix de poé­sie du Prin­temps des Poètes de Pon­toise en 2012 et 2013… Évi­dem­ment, pour nous, ce ne sont pas baga­telles, on le devine.

Bien enten­du on regarde l’objet, on ouvre l’élégant livret habillé de teintes pas­tel que l’on a bien vou­lu nous confier. Dira-t-on com­bien cette étape nous est essen­tielle ? On s’interroge sur cette image qui confronte l’homme à l’animal, l’énorme pachy­derme à la peau par­che­mi­née. On aime celle de la qua­trième de cou­ver­ture du livret, où, tous deux ‚nous tournent le dos et s’en vont, l’homme devant. Deux êtres liés, mais pour quel destin ?

On aime aus­si beau­coup la page de remer­cie­ments, cette façon de s’adresser à ceux qui ont œuvré au plus près à la paru­tion de cet album, comme autant de lettres ouvertes. On y per­çoit l’affection qui les lie, l’amitié pro­fonde, l’amour aus­si. Quel bel hom­mage à la com­pagne qui est bien plus que sa « muse », roa­die, char­gée de com… « Elle a les épaules ! » écrit-il.

« Un album c’est du son mais pas que ! » 

Nous voi­ci en bonne dis­po­si­tion pour nous plon­ger dans la musique et les mots de Fran­çois Bar­riet. On sait déjà –par le livret tou­jours – que les gui­tares folk et élec­trique don­ne­ront la tona­li­té pop rock. Nous serons en effet en terre fami­lière, presque ori­gi­nelle. Nous aimons y reve­nir quand des textes nour­ris d’un regard sen­sible, atten­tif au monde, nous y guident simplement.

L’album s’ouvre sur la chan­son titre, Élé­phant. Une chan­son qui prend de la hau­teur, dans le regard de l’animal, pour nous tailler un por­trait sans conces­sion « Nous les regar­dions nar­quois /​S’agiter nus sous la Lune /​Implo­rant je ne sais quoi /​Les bras ten­dus pour des prunes », déplo­rer la situa­tion pré­sente « J’en finis pas d’être en deuil » et mena­cer « Défense…Ou j’barris pour de bon. » Le poète a tou­jours rai­son… Il dit l’homme et ses dérives, il dit ce monde qui ne tourne pas rond mais il dit aus­si l’espérance dans la ren­contre qui pour­rait bien nous sau­ver du pire : « Une ren­contre, une évi­dence, Et ma tête au creux de ton cou « (Dans le ves­tiaire de l’espérance), « Puisque rien ne dure /​J’irai dans l’échancrure /​De ta robe cueillir /​Ces perles à l’éclat pur. » Dans le rap­pel essen­tiel que, quels que soient Nos rêves de voyage, nos des­tins sont inti­me­ment liés « Mais nous sommes tous du même rivage /​Si nous pre­nions le même bateau »… On peut rêver, et le poète ne s’en prive pas… « Un jour d’é­paule nue où les gens s’ai­me­ront / Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche » écri­vait Ara­gon et chan­tait Jean Fer­rat. Fran­çois Bar­riet peut lui aus­si rêver que le monde cesse son manège infer­nal, ses des­truc­tions mas­sives, même s’il sait bien que… « Tout ça j’le rêve c’est du flan. »

C’est l’amitié qui pour­tant nous per­met de cares­ser une réa­li­té ras­su­rante… Celle qui offre « un abri, un refuge, les soirs de doute un toit ». Une superbe chan­son en des­sine les contours, en trace le che­mi­ne­ment, « des voyages immo­biles sur le banc du lycée », des « accords de gui­tare sur un vieux blues en mi », aux confi­dences par­fois dif­fi­ciles pour un « secret trop lourd », aux heures de musique, de répé­tions… Car il s’agit bien de trou­ver son île aux mimo­sas, son port d’attache, son refuge. Fran­çois Bar­riet dédie au verbe Aimer une chan­son déli­cate et tendre « Pour­quoi la haine inonde le monde ? Alors que toi, moi, ce matin /​Peau contre cœur, mains enla­cées /​Vivons si bien le verbe aimer. » Il accorde à cet amour là des chan­sons déli­cates et tendres qui font contre­point à la déses­pé­rance et au doute : Le grain de ta peau, puis Bil­bao et sa « prin­cesse aux bra­ce­lets », appa­ri­tion sous « la caresse du coton blanc »…

Par­fois il vient à l’artiste la nos­tal­gie, comme dans Les mar­rons, où s’éloignent à l’horizon des sil­houettes tant aimées, ou dans La pen­dule de l’oncle Jules, chan­son d’un temps révo­lu et dou­lou­reux où une petite fille attend un père jamais reve­nu. Par­fois il lui vient aus­si – et comme on le com­prend- le goût de la révolte. Naît alors une chan­son qui vou­drait réveiller les consciences, secouer les apa­thies, don­ner la force de s’arracher à ce « ce cor­ri­dor, cet enton­noir… Ce long tun­nel c’est toi, c’est nous /​Va-t-on ram­per jusqu’au bout ? »

L’album se referme sur 38 secondes d’un kazoo, de mains qui frappent sans façon, une musique joyeuse, pas sérieuse pour deux sous… Et si un album c’était juste dans nos vies un petit bout de mieux… ?