Frasiak–Charleville…2019 (©Patrick Debacker)

Fra­siakChar­le­ville…2019 (©Patrick Debacker)

17 Octobre 2019, Nou­vel album de Frasiak 

Char­le­ville…

Avec

Eric Fra­siak (musiques, paroles – sauf L’espoir de Michel Buh­ler et L’âge d’or de Léo Fer­ré – arran­ge­ments, réa­li­sa­tion, chant, gui­tares…) Oli­vier Bal­dis­se­ra (bat­te­rie, tam­bou­rin) Benoît Dan­gien (pia­no, pia­no Rhodes, orgue, cla­vier, chant, chœurs) Jean-Pierre Fara (gui­tare élec­trique, dobro) Phi­lippe Giro­don (vio­lon) Phi­lippe Gon­nand (basse élec­trique et acous­tique,) Sébas­tien Hugue­nin (trom­bone, trom­pette, sou­sa­phone) Patrick Leroux ( vio­lon­celle, saxo­phones ténor et sopra­no, cla­vier, pro­gram­ma­tions, arran­ge­ments cordes) Jean-Yves Lozac’h (pedal steel) Steve Nor­man­din (accor­déon), Phi­lippe Parant (gui­tare acous­tique) Raphaël Schu­ler (bat­te­rie) Géral­dine Ecosse, Khöl, Anne­Lise Roche ( chœurs) et la par­ti­ci­pa­tion de Fré­dé­ric Bobin ( chant, chœurs sur Novembre


Vous le voyez déjà, il y a du monde autour d’Eric Fra­siak sur son tout nou­vel album… Ils sont venus nom­breux à Bar-le-Duc, à son Cro­co­dile Stu­dio de février à août… Presque aus­si nom­breux que toutes ces chambres d’ado dont les pho­to­gra­phies ornent les pages cen­trales du livret… comme autant d’univers à construire, d’existences à repasser ?

Il faut avant tout se réjouir de la sor­tie de cet album dont la cou­leur domi­nante orange claque comme un éten­dard… Une flamme d’espérance ? Et pour­tant, tout au long des titres on découvre que la vie n’est pas vrai­ment facile, et sur­tout pas rose. L’homme au cha­peau, maître à bord, n’est qu’une sil­houette de chan­teur avec sa gui­tare, légè­re­ment floue sur la cou­ver­ture. Une façon peut-être de s’effacer der­rière ses chan­sons et tous ceux qui les ont joli­ment accom­pa­gnées. Une façon aus­si de faire écho au chan­teur qui s’adresse à nous sans les paillettes du showbiz.

Dans les pho­to­gra­phies du livret, il nous revient sou­vent : homme de scène, ami avec Fré­dé­ric Bobin, homme qui s’incline quand déci­dé­ment la vie c’est du bon­heur capable de se faire la malle en un éclair, pas­sa­ger de la ville de sa jeu­nesse enfuie, homme qui réflé­chit, lunettes sur le nez, avant que la cou­ver­ture ne se referme sur une rue sans charme d’une ville de l’Est, un jour tout gris. Char­le­ville et les trois points de sus­pen­sion du titre de l’album, comme une invi­ta­tion à la rêve­rie. La chan­son épo­nyme   pour­rait bien figu­rer au pan­théon de celles écrites pour une ville, comme ce fut le cas pour Bar –le-Duc City Blues. Longue chan­son de cinq minutes, elle nous trans­porte dans les rues, les bars, sur les trot­toirs, au bord de la Meuse, évoque tout un par­cours d’amitiés et de chan­sons : le ber­ceau ori­gi­nel d’une vie… « Aux plages de tes pavés, je des­si­nais mon île »… Dans ces pages du livret on s’attarde aus­si à la fan­tai­sie et à la ten­dresse des deux des­sins de Katia Baron : sil­houettes de femmes déli­cieu­se­ment attirantes.

Au final, quand nous écou­tons les chan­sons, c’est tout un monde qui nous est don­né à voir, entre ombres et lumières.

Musi­ca­le­ment, impos­sible de ne pas recon­naître la touche Fra­siak avec son goût des musiques éclec­tiques, du folk, de la « Dobro », du blues, du rock, de l’accordéon, du vio­lon aux accents de l’Est, des notes de pia­no, des cuivres qui fan­fa­ronnent par­fois, de la gui­tare élec­trique et ses longs riffes…Par moments on se prend à ima­gi­ner un bal… Et l’on dan­se­rait le tan­go, la valse… En seize titres de l’album nous tra­ver­sons des atmo­sphères chan­geantes comme la vie, dont l’auteur s’attache à nous faire par­ta­ger les hauts et les bas.

D’abord il va sans dire que les chan­sons résonnent de toute une vie d’homme qui ouvri­rait pour nous son album de sou­ve­nirs. Et c’est là que réside le charme des textes d’Eric Fra­siak. Impos­sible de ne pas s’y recon­naître ici ou là. Il a le don de venir nous titiller là où l’émotion affleure – femme de l’Est, com­ment résis­ter à Novembre, avec la voix fra­ter­nelle de Fré­dé­ric Bobin, à ces mots « Douce mélan­co­lie au cra­chin gris de l’Est… » ? – et d’une piche­nette nous rame­ner très vite à l’humour. Pas ques­tion en effet de se com­plaire dans la « tristitude ».

Au final, on ne sait pas ce qui nous plaît le plus : ses chan­sons « mili­tantes, résis­tantes » où il met les pieds dans le plat sans langue de bois et lève un poing rageur (Bure sur atome, Un gros con, Un truc comme ça) ou ses « poi­lantes » (Chat, Tan­go pres­sion, Rhi­no­vi­rus) ou bien encore ses nos­tal­giques, ses tendres, ses « vivantes » (Char­le­ville, Novembre, Comme un éclair – déli­cate, pudique chan­son offerte à Bar­ba­ra Wel­densFée de moi – chan­son d’amour légère comme bulle de savon – Un fai­san sur ma fenêtre, inso­lite ren­contre, lourde de sens ) ? Ce qui est sûr c’est qu’on lui est fran­che­ment recon­nais­sante d’avoir choi­si deux grandes chan­sons pour nous dire cette force qui va en nous, coûte que coûte : L’espoir de Michel Büh­ler et le superbe Âge d’or de Léo Fer­ré qui clôt l’album. Une façon encore de rendre hommage.

Eric Fra­siak se sent dans la longue chaîne des vivants, avec nous tous, ses spec­ta­teurs, qu’ils saluent au pas­sage « Et puis, vous êtes là, de l’amour dans le cœur /​C’est comme un cadeau, du bon­heur … » Cet album nous le rap­pelle en s’achevant sur un titre qui pour­rait résu­mer son che­min de vie… Les aujourd’huis qui chantent en contre­point aux len­de­mains – c’est plus sûr ! – en écho aus­si au deuxième titre Mon anar­chie, « Et des cou­plets plein les gui­tares. /​Le chant de mon cœur sans par­ti… Rien d’autre qu’un hymne à la vie… »