2 décembre 2014 – L’OCH part en Fauré
Orchestre de Chambre d’Hôte sous la direction de Jean-Paul Raffit
Avec Isabelle Bagur (flûte), Éric Villevière (cor), Frédérik Lacourt (sax soprano), Olivier Capelle (voix), Jean-Paul Raffit (guitare électrique), Blandine Boyer (violoncelle), Malik Richeux (violon), Joël Trolonge (contrebasse)
Cave Poésie René Gouzenne (Toulouse)
S’il est un lieu à Toulouse pour la défense et illustration de la poésie c’est bien la Cave Poésie, plus familièrement nommée « Cave Po ». À l’ombre tutélaire du clocher de la basilique Saint-Sernin, à quelques dizaines de mètres seulement de la place du Capitole, on y arrête volontiers ses pas pour y partager les mots dits, lus, joués, chantés… Ces derniers jours, l’Orchestre de Chambre d’Hôte, octet sous la direction du guitariste Jean-Paul Raffit, s’y est installé pour une session de travail et une production de quelques-unes de ses recherches qui déambulent entre classique, jazz, blues, improvisation, sans qu’il soit possible de les enfermer dans une quelconque chapelle.
L’éclectisme, l’ouverture, le partage sont les maîtres mots de ces musiciens, tous aguerris aux prises de risque, comme le dit leur association sise en terre d’Ariège et joliment nommée : Pas de repos.
Ce soir, l’orchestre offre une évasion en terres fauréennes mais l’avertissement de Jean-Paul Raffit mérite d’être rappelé : « Ne restons pas à la lisière de cet homme /Éloignons nous des comparaisons /Du buisson épineux des chapelles… »
L’œuvre de Fauré et plus particulièrement les poèmes mis en musique seront prétexte à détournements, improvisations, compositions originales de Jean-Paul Raffit, re-créations avec en filigrane la voix d’Olivier Capelle (déjà nommé ici pour Commando Nougaro), voix de basse comme de haute-contre. Et c’est parce qu’il dit, chante, qu’il accompagne de tout son corps l’interprétation, même quand il garde le silence, que l’on vous en parle ici, sur ce site consacré à la chanson.
Le concert s’ouvre « sans rien qui pèse ou qui pose » sur l’Art poétique de Verlaine. C’est dire si « nous voulons la nuance… Oh la nuance seule fiance /le rêve au rêve /et la flûte au cor… »
Comment dire alors dans quel paysage nocturne et doux, dans quel ciel, dans quelle forêt l’orchestre nous transporte ? Faut-il se montrer réservé et pudique, taire ces larmes que nous essuyons furtivement en écoutant Mai de Victor Hugo, Au bord de l’eau de Sully Prudhomme, Le ciel est par-dessus le toit… de Verlaine ou Après un rêve de Romain Bussine ? Mais on voudrait vous dire encore la beauté poignante de l’improvisation sur Libera me, une incantation qui vient du fond des âges et vous bouleverse, de la flûte aérienne de Fantaisie ou du violoncelle pathétique de l’Élégie.
Sept musiciens et une voix, cinq hommes et deux femmes, unis par leur passion de la musique, réussissent à vous transporter dans un ailleurs, un rêve, auquel il est difficile de s’arracher. Le charme indicible de ce concert opère encore.
Il aurait été dommage de ne pas le partager avec vous et de ne pas saluer au passage l’homme que l’on arracha un jour, avant ses dix ans, à sa bonne et vieille terre d’Ariège, pour qu’il devienne l’immortel compositeur Gabriel Fauré.