Jofroi– et ton rire est un oiseau – 2021 (©Ghislain Debailleul)
16 février 2022, En écho au dernier album 13 titres de Jofroi, concert de sortie le 28 mai 2022 au Café de la Danse
et ton rire est un oiseau…
Avec
Jofroi (texte, musique, chant) Line Adam (direction musicale, arrangements, piano, flûte traversière) Alain Rinallo (basse) Guy Werner (guitares) Gauthier Lisein (batterie, percussions) Kathy Adam (violoncelle) Aurélie Goudaer (violon, chœurs) Monique Gelders (voix, chœurs)
Avertissement : Ce texte ne saurait passer pour une chronique. C’est une pure fiction, un jeu d’écriture où se trouvent insérés en caractères gras les 13 titres de l’album et quelques mots, expressions, empruntés ici ou là aux chansons.
- Le monde d’après 2. Est-ce qu’il neige à Montréal ? 3. La synfaunie des animaux 4. Désolé 5. La tête en jachère 6. Tes yeux 7. C’est une idée 8. La femme et l’homme sont égales 9. Célébration des oiseaux 10. J’attends la fin de la nuit 11. Il rêve encore 12. Faut bâtir une terre 13. Si ce n’était manque d’amour
Comme la fourmi et la cigale
« Désolée, désolée… Je sais, je suis trop impatiente, trop rapide dans mes décisions. Je ne prends pas assez de temps pour calculer mon trajet. Je n’anticipe pas suffisamment et chaque fois je me mets dans le pétrin. La preuve, je viens de buter sur des godillots ! »Ainsi me parlait- se parlait, plus exactement – une fourmi…
Allez savoir si j’avais à faire à un mâle ou à une femelle, une travailleuse ? Dans notre échange l’accord au féminin sembla aller de soi.
« Bon, maintenant, écarte toi un peu que je continue ma mission et surtout ne perds pas ton temps, détache tes yeux de cette prétentieuse, non essentielle… » En effet, là devant moi, une élégante cigale n’en finissait pas d’astiquer ses cymbales, dans l’attente du soleil… Elle me fascinait. « Je bosse, moi, pendant que madame ne songe qu’à des futilités… » La fourmi grommelait : « Le monde d’après, moi, je n’y pense pas. Est-ce qu’il neige à Montréal ? Est-ce qu’il pleut en Bavière ? Est- ce que le vent soulève des tonnes de sables dans le Sahara ? »
Elle reprit sa route. J’essayais un instant d’imaginer ce qui pouvait bien se passer dans sa tête en jachère, ses idées en broussailles, quand je la vis escalader le plus petit caillou, oublier simplement de s’écarter du brin d’herbe qui barrait sa trajectoire. C’est une abrutie ou quoi ? « J’attends la fin de la nuit » ai-je cru deviner à son arrêt brutal au moment où le ciel prenait des teintes improbables dont elle ne voyait rien… Pas de temps à perdre dans la contemplation !
Quelques semaines plus tard…
Cette fois le soleil dardait ses rayons et l’élégante cigale n’en manquait pas une miette. Je la sentais fébrile. « C’est la célébration des oiseaux » me confia-t-elle, affairée. « Ah bon ? » Ai-je seulement répondu. J’avais l’air niais, je le crains. « Cent milliards de migrants, tous un peu différents » poursuivait-elle. Et tout à coup elle se mit à vibrer de toutes ses cymbales. Comment quelqu’un d’aussi minuscule pouvait-il chanter aussi fort ? Une véritable « synfaunie » des animaux ! Cette fois, des trémolos dans la voix, elle ne manquait pas d’inspiration, la preuve : « Faut bâtir une terre, faut s’inventer la vie… On s’rait bien mieux en ces beaux jours, si ce n’était manque d’amour…» …
« Pour qui se prend-elle celle-là ? » Je reconnus aussitôt cette voix. La fourmi n’avait donc pas arrêté son manège et continuait de maugréer contre l’assisté, l’inutile… Le croque-notes, l’artiste ! « Quand moi je ne me préoccupe que de la survie de mon espèce, il rêve encore » soupirait-elle… ELLE rêve encore, ai-je eu envie de corriger en pensant à la cigale.
J’en conviens, c’est une idée saugrenue que d’aller voir du côté du peuple de l’herbe… Cette question du genre s’y complique terriblement quand on sait qu’une fourmi est soit un mâle soit une travailleuse stérile, que chez les cigales, seuls les mâles sont capables de chanter… Pour attirer la femelle, bien sûr ! Alors, parfois, on ne sait plus très bien ce qu’il y a en l’un, ce qui y a en l’autre de féminin, de masculin…
La femme et l’homme sont égales, proclame le chanteur qui poursuit, « comm’la fourmi et la cigale » ?? Va falloir que je lui demande de m’expliquer ce rapprochement…