Florent Marchet – Garden Party, 2022 (©Claude Fèvre)
10 juin 2022 – Garden Party
Sortie du nouvel album de Florent Marchet
Avec :
Florent Marchet (textes, musique, chant, pianos, percussions sur pianos préparés, harmonium, guitares, banjo, claviers, base, synthés, marimba, vibraphone, Haken continuum, chœurs) – François Poggio (guitares et basses) – Marc Chouarain (Cristal Baschet et ondes Marteno) – P.R2B (voix) – Jeanne-Sarah Deledicq (chœurs et coaching vocal) – Karine Sérafin (chœurs, copiste et direction cuivres) – Lucas Lipari-Mayer (trompette) – Louise Ognois (trombone) – Bastien Dalmasso (cor)
Avertissement : Ce texte ne saurait passer pour une chronique. C’est une pure fiction, un jeu d’écriture où se trouvent insérés en caractères gras les 13 titres de l’album et quelques mots, expressions, empruntés ici ou là aux chansons.
1. De justesse – 2. La vie dans les dents – 3. Paris-Nice – 4. En famille – 5. Comme il est beau – 6. Créteil Soleil – 7. Loin Montréal – 8. Freddy Mercury – 9. Les amis – 10. Cindy – 11. L’éclaircie ou l’incendie – 12. Lindbergh-Plage – 13. Le Dakota
Beaucoup trop de silence…
Voilà, Cindy raccroche et s’échoue dans son vieux canapé. Ses mains tremblent encore un peu… Elle attend là, prostrée, la tête en feu. Elle se dit que son cœur va éclater, bondir hors de sa poitrine. Elle a la gorge sèche. Même pas la force de se traîner jusqu’à l’évier.
« Police, ouvrez ! » Ils sont déjà là !
Elle ne trouve pas la force de se lever. Elle crie : « C’est ouvert ! » En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elle sent des mains, des bras la soulever de son canapé. Ça sent le tabac froid, la sueur… Elle entend des pas, des voix dans la pièce à côté. Son cerveau ne parvient pas à décoder ce qui se dit… On l’embarque, menottée. On la pousse dehors, dans l’allée de son pavillon. Elle lève la tête et croise le regard d’un voisin qu’elle voit chaque jour promener son chien. Elle voudrait pouvoir s’arrêter, lui dire comment ça dérape, la vie… Comment ça va vite, ça éclate ! Comment on se prend la vie dans les dents…
Alors, vous devinez, il a fallu tout raconter… tout répéter, tout, tout ce qui ne sortait jamais de sa bouche, même pas – et surtout pas – en famille. Beaucoup trop de silence, beaucoup trop… Les amis ? Cindy aurait eu tellement peur de tout abîmer… Et puis est-ce qu’on s’aime vraiment ? Et lui, est-ce qu’elle l’avait aimé ? Ils voulaient savoir, tout savoir… Alors, elle avait raconté ce train Paris-Nice où il l’avait abordée, ce qu’elle avait pensé dans sa tête d’oiseau… Comme il est beau !… Sa passion pour Freddie Mercury. Il s’était fait tatouer son nom et son visage sur le bras gauche. Puis le temps, les enfants, la vie quoi… Les vacances en Normandie, Lindbergh-plage où elle essayait de trouver du courage, un peu moins de rage face au ciel immense… Et lui, ses nuits entières à se gorger de bière et de colère à Créteil Soleil… Cette colère, c’est dans son caractère… Les mots crus, cette façon de lui répéter « Je t’ai dans la peau, tu sais… ». Elle avait tout essayé…
Il a fallu trouver la force de les répéter ces salissures, ces crachats : « Pauvre folle, cinglée, connasse… » Raconter ses cris, ses colères qui entrent dans la peau comme un couteau… Parfois, il lui venait des idées étranges quand l’écran de télévision bombardait ses images de fin du monde… Des incendies partout, des torrents de boue… Il s’imaginait alors creusant un trou. On partira, on trouvera un abri, on vivra sous terre dans le Dakota… Dans ces moments-là, ses yeux devenaient bizarres, couleur vert serpent…
Fuir ? Oui, elle y avait pensé… Se jeter par la fenêtre du bureau, au dixième… Mais quand l’idée lui venait, un bruit, une voix la retenait. Elle fermait la fenêtre de justesse. Tout plaquer, tout laisser… Loin Montréal… Ce rêve-là, c’est aujourd’hui qu’elle l’a dit… Cette idée l’a rendu fou…
La suite, vous la devinez…
Quand on lui avait donné son matricule 2807 à Fresnes, au fond d’elle, elle avait presque esquissé un sourire… 28 juillet : son anniversaire… Cindy y avait lu un signe… L’éclaircie ou l’incendie… « Femme née sous juillet, femme lionne. Être vivante… »