Alcaz’– Concert voyageur inouï (©Albert Weber)

Alcaz’– Concert voya­geur inouï (©Albert Weber)

18 mai 2019, dans le cadre de « Chan­son tra­ver­sière en Occi­ta­nie » orga­ni­sée par L’Oiseau Lyre com­pa­gnie, avec l’association « Les jar­dins par­ta­gés de Briatexte »

Concert du Duo Alcaz’ et pho­to­gra­phies de Julie Lecomte

Avec

Vyviane Cayol (Voix, gui­tares, per­cus­sions, mélo­di­ca, har­mo­ni­ca, kazou, chœurs) Jean-Yves Lié­vaux (Voix, gui­tares, chœurs)


Chai de Carole et Pas­cal à Bria­texte (Tarn)

Voi­ci la pro­messe du duo Alcaz’ : « Un concert voya­geur inouï qui part de Phi­la­del­phie en pas­sant par le Qué­bec, qui va jus­qu’au cercle polaire chez les Inuits et se ter­mine à Mar­seille.. La nuit ! » Un rêve, non ? Hé bien disons d’emblée que ce n’est pas une publi­ci­té men­son­gère. Jean-Yves Lié­vaux et Vyviane Cayol nous ont lit­té­ra­le­ment pris par le cœur pour nous emme­ner dans des terres aimées, qu’ils ont tra­ver­sées avec l’amour qu’on leur connaît. Au point qu’au bout de qua­torze chan­sons, nous avions l’impression d’avoir avec eux tra­ver­sé l’Atlantique.

Nous sommes dans un petit vil­lage occi­tan du Tarn, Bria­texte, qui fut un bas­tion du pro­tes­tan­tisme, haut lieu de résis­tance dans la tour­mente des guerres de reli­gion. C’est plai­sant de faire le lien avec une autre forme de résis­tance d’aujourd’hui. Nous sommes en effet accueillis par l’association « Les jar­dins par­ta­gés de Bria­texte » dont la charte pro­pose « ani­ma­tion et ges­tion en com­mun, res­pect de l’environnement par des pra­tiques éco­lo­giques de jar­di­nage, ren­for­ce­ment des liens sociaux, par­tage des savoirs ».

Le concert a lieu dans un chai amou­reu­se­ment pré­ser­vé des ravages du temps, entou­rés des pho­to­gra­phies éton­nantes de Julie Lecomte – prise de vue noc­turne, éclai­rage à la lampe de poche, scènes poé­tiques déca­lées – évo­quant nos dou­lou­reux défis cli­ma­tiques. Sommes-nous si loin des chan­sons du duo Alcaz’ ? Pas sûr… Avec eux, comme avec cette asso­cia­tion et son acti­vi­té fédé­ra­trice, comme avec les pho­to­gra­phies de Julie Lecomte, pas de dis­cours acca­blants, pas de déses­pé­rance. Place à la joie d’être ensemble, de par­ta­ger, place au goût de décou­vrir et d’aimer.

Jean-Yves et Vyviane ont occu­pé la scène dres­sée au fond du chai avec leurs gui­tares, leurs deux chaises hautes et, côté jar­din – le côté de Vyviane – plein de petites per­cus­sions, d’instruments addi­tion­nels. Peaux, métaux, bois, petits ins­tru­ments à vent, har­mo­ni­ca, kazou, vont concou­rir à l’évasion. Il faut vous dire que leur concert est un sub­til mariage de sons et de mots où leurs deux voix s’appellent, se répondent, comme leurs regards se cherchent et leurs mains se tendent, pour se tou­cher subrep­ti­ce­ment. Fugi­tif échange d’énergie pour redon­ner du souffle et pour­suivre le voyage. Chaque chan­son offre son atmo­sphère et des­sine un pay­sage. Nous par­tons avec eux de Phi­la­del­phie. « J’adore les routes de Penn­syl­va­nie quand elles se cambrent. »

Dès la deuxième chan­son le public les accom­pagne en tapant dans leurs mains. On croit au déra­ci­ne­ment. Bien sûr on perd ses repères… « Il fait froid sur la ville /​Est-ce qu’on sau­ra s’aimer … On marche fra­giles à côté… » Bien sûr nous sommes fra­giles, bien sûr on hésite, « On fait des ronds ». Bien sûr on se cherche en che­min… Les gui­tares chantent le blues de nos vies. Avec Alcaz’, dans le soleil de février, on file vers Qué­bec, Basse-Ville. « Il suf­fit de se lais­ser faire…se lais­ser por­ter et c’est par­ti ! » On ren­contre l’ami Pierre, le secré­taire par­ti­cu­lier de Félix Leclerc… Et le rêve conti­nue, « por­tés par les vents »…C’est aus­si simple que ça. Avec le tam­bour océan, on approche du regard l’île d’en face, l’île d’Orléans, « quand le soleil prend déjà toute la place… J’aimerais bien pas­ser la fenêtre /​Me lais­ser aller dans l’espace… Si tu veux on sera goé­lands. » On se pose, amou­reux, une nuit sur l’île… « Là sous les plumes /​Là sous mes doigts /​J’aime dor­mir avec toi… »

Au moment même où Alcaz’ nous entraîne jusqu’au cercle polaire, un merle dans un arbre proche salue le soir de ses vrilles entê­tantes… Accom­pa­gna­teur inat­ten­du qui ajoute au charme de l’instant, de cette immer­sion chez les Inuits. C’est le moment de dépo­ser nos far­deaux, « nos quêtes et nos pour­suites pour faire face aux trois soleils… » Une anec­dote ajoute au grand mys­tère de la ren­contre humaine : Alcaz’ chan­tant chez les Inuits une chan­son de Georges Bras­sens sou­dai­ne­ment recon­nue par un spec­ta­teur qui se met à fre­don­ner avec eux Bancs publics.

Au bout du « concert voya­geur inouï » il faut se résoudre à ren­trer chez soi, on le sait bien. Il faut s’arracher au rêve. On revoit alors « Mar­seille la nuit », la chan­son fétiche d’Alcaz’. Le public les suit et chante fort, très fort « Que c’est beau ! » Mais aupa­ra­vant, le duo n’a pas man­qué de rap­pe­ler la force de l’espérance « Quels que soient les murs de nos pri­sons /​Il y a tou­jours un sou­pi­rail pour crier son nom… Free­dom… Liber­tad ! ». Jean-Yves lève le poing avant d’entonner « Je te pro­mets le bon­heur /​Tes yeux dans mes yeux… » Résis­tance par la force d’aimer. Tout un programme.