Finale Pic d’Or 2019(©Pic d’Or)

Finale du Pic d’Or 2019 (© Pic d’Or)

24 & 25 mai 2019 – Pic d’Or

Trem­plin de la chan­son fran­co­phone (sans dis­tinc­tion de genre) 

Avec

Les can­di­dats : Abel Ché­ret, Ali Danel, Angèle Osins­ki, Bast, Bess, Billet d’humeur, Bleu timide, Coza, Gabriel Joseph, Koliak K, Kout­la, La Pie­ta, Lau­ra Flane, Louis Lucien Pas­cal, Matéo lan­glois, Orage Méca­nique, Renan Napo­li, Samuel Cajal, Sebe, Suzon, Ze Sovaj

Le par­rain : Chris­tophe Mali (chan­teur du groupe Tryo)

Les Lau­réats : Pic d’Or : Matéo Lan­glois – Prix du public : Billet d’hu­meur - Prix de l’in­ter­pré­ta­tion : Billet d’hu­meur – Prix du texte : La Pié­ta – Prix de la musique : Abel Ché­ret – Prix de la créa­ti­vi­té Aca­dé­mie Charles Cros : Billet d’hu­meur – Prix du maga­zine Fran­co­fans : Sèbe – Prix du Car­tel Bigour­dan (Big Bag Fes­ti­val, Bagnères de Bigorre) : Sèbe


Théâtre Les Nou­veau­tés – Tarbes  (Hautes-Pyré­nées)

On vous le dit tout net, cette édi­tion 2019 du Pic d’Or a fait des bonds, des rou­le­ments de hanches, mis en mou­ve­ment des mains, des bras qui disaient beau­coup, et plus encore … Enfin pour résu­mer, le corps s’invitait, qua­si­ment cho­ré­gra­phié pour cer­tains… Au len­de­main, au sou­ve­nir de la finale – et sans effet d’une courte nuit et de quelques breu­vages, on vous l’assure – on aurait envie de faire comme Serge Gains­bourg des « She­bam, Pow, Blop, Wizz » d’admiration… !

Éton­nant Pic d’Or qui débu­ta avec l’audition de can­di­dats tout juste réveillés, à 10h30 du matin ven­dre­di. Une mati­née qui pour­tant éveilla déjà nos sens, mal­gré la ten­sion, le trac, le stress qui s’invitaient iné­luc­ta­ble­ment face à une salle qua­si déserte, hor­mis la ran­gée du jury…

Elle s’ouvrit avec Matéo Lan­glois der­rière le beau pia­no du trem­plin, dans une ver­sion très soft, dépouillée, de son titre Déco­der les cases… Pré­ci­sé­ment une ver­sion où son corps était contraint pour mieux nous sur­prendre, nous le sau­rons ensuite. Suf­fi­sait pour­tant déjà d’écouter sa voix sin­gu­lière et le texte pour pres­sen­tir toute la pro­messe, sou­vent évo­quée ici, de ce jeune artiste. On enten­dit aus­si le face à face élec­tro d’Abel Che­ret et de son accom­pa­gna­teur… Le corps com­men­çait dou­ce­ment à s’émouvoir avec leur conni­vence musi­cale… On enten­dit l’invitation de Kout­la, seul avec sa gui­tare, « Alice n’y pense pas… car ce soir Alice danse… » Tiens, tiens… Puis ce furent Angèle Osins­ki – Katel aux machines – son pull rouge décou­vrant déli­ca­te­ment une épaule, sa grâce et sa sen­sua­li­té en har­mo­nie avec ses mots Amour et déca­dence, le hip-hop de Kolia K, pré­cé­dant l’étonnante inter­prète de La Pié­ta. Com­ment échap­per à la fas­ci­na­tion qui s’exerce quand elle appa­rait dans sa longue robe noire, un gros cœur rouge des­si­née sur la poi­trine, ses yeux assom­bris d’un maquillage noir appuyé, ses che­veux tout aus­si noirs ramas­sés en chi­gnon ? Une star assu­ré­ment qui nous bous­cule, nous heurte, nous arra­che­rait des larmes comme on le ver­ra pour finir à l’occasion de la finale. Face à ce corps mis en scène, face aux textes bou­le­ver­sants, on pense à Bar­ba­ra Wel­dens, celle qui fut arra­chée vio­lem­ment à l’amour de siens et de tout l’univers de la Chan­son et qui sur cette même scène rem­por­ta le Pic d’Or en 2016. La mati­née d’auditions s’acheva avec la voix grave et puis­sante de Gabriel Joseph au pia­no. Un chan­teur à voix donc. 

L’après-midi devait nous assom­brir quelque peu… Avant que ne sur­vienne la for­ma­tion rock de Bast et son éner­gique Fran­co, puis la décou­verte explo­sive de cette édi­tion, sur laquelle nous revien­drons : Billet d’humeur. Une pres­ta­tion qui devait confir­mer que, quoi qu’on dise de la Chan­son, elle reste un art du spec­tacle vivant avec toutes ses exi­gences. Elle par­ti­cipe du lan­gage cor­po­rel autant que sonore, mots et sons liés. Un art dif­fi­cile s’il en est. On appré­cia Bess, sa chan­son inti­miste, sa voix pro­fonde et sa sim­pli­ci­té, après le grand cham­bar­de­ment du groupe pré­cé­dent. Les audi­tions tou­chaient à leur fin.

Bien sûr, on remar­que­ra que tous les can­di­dats ne sont pas cités ; on s’étonnera de notre part peut-être de quelques absences qui pour­tant seront en demi-finale. Être spec­ta­teur –trice c’est trans­por­ter tout son uni­vers, toute son his­toire per­son­nelle. Rendre compte de ce moment, c’est néces­sai­re­ment au filtre de toutes les émo­tions et réflexions de l’instant. D’autres com­men­taires, d’autres images diront sans doute tout autre chose.

Cette année nous avons eu le sen­ti­ment que la part cor­po­relle en scène s’intensifiait. Que l’on songe par­ti­cu­liè­re­ment à l’apport du hip-hop où le corps sou­ligne le pro­pos dans une ges­tuelle qui lui est propre. Au soir du pre­mier jour, le concert de Cen­taure (lau­réate de la pré­cé­dente édi­tion – prix d’interprétation et prix de la revue Fran­co­Fans 2018), pen­dant la déli­bé­ra­tion du jury, devait nous le confir­mer. « Je suis cen­taure » chan­tait-elle « et pas licorne »… Les mots font néces­sai­re­ment images. « Je n’ai pas la forme qu’il faut »… Comme le feront plus tard l’expression entre « chienne et louve ». Sa tenue ves­ti­men­taire assez dis­cor­dante à prio­ri, entre un jog­ging bleu et haut de den­telle noire – une fri­vo­li­té – sa longue che­ve­lure bleue, s’accordent aux mots de déchi­rure, de com­bat de ses chan­sons. Nous avons aimé cette jeune femme sin­cère, entière, qui se délivre par la créa­tion : « On peut voir ma bles­sure jusqu’à la pointe de ma che­ve­lure ».

Le concert de Lombre, Pic d’or 2018, confirme plei­ne­ment ce pro­pos. Sa belle éner­gie, sa force de convic­tion, l’assurance qu’il est allé cher­cher tout au long de sa jeune car­rière, se tra­duisent non seule­ment dans ses textes mais aus­si dans sa longue et souple sil­houette noire qui arpente la scène, conqué­rante. On appré­cie l’optimisme qui se dégage de ses textes, l’espérance sal­va­trice, le goût de vivre dans laquelle il veut empor­ter les spec­ta­teurs. Même si l’on aime­rait qu’il échappe à son intros­pec­tion pour poser son regard et ses mots sur le monde autour.

Pour finir qu’en est-il de cette chan­son à « fleur de peau », de cette chan­son qui en appelle à toutes les res­sources du lan­gage non ver­bal pour le lau­réat Matéo Lan­glois ? C’est une gageure que de ten­ter de décrire ce que cet artiste apporte à la Chan­son. Musi­cien de jazz, bidouilleur de sons, beat boxeur à ses heures, il est exer­cé à l’improvisation. A l’occasion de ce Pic d’or il est res­té sen­si­ble­ment sur la réserve. Dif­fi­cile de mon­trer l’ampleur de son lan­gage sans outre­pas­ser le temps et la juste mesure qu’imposent les cir­cons­tances. Sobre­ment assis der­rière le pia­no aux audi­tions, il a ensuite opté pour son cla­vier et les effets qu’il lui offre lors de la demi-finale. Sa chan­son, La ville a pu lever le voile sur une part de ses res­sources… On retient cette mise en garde « Fais gaffe, si tu restes ici, le gou­dron va finir par salir ta poé­sie »… En finale, c’est avec le lan­gage de son saxo­phone qu’il com­mence… Et son corps qui suit, souple, félin. Il offre alors une ver­sion tel­le­ment sen­sible de notre pas­sage sur cette terre « Vivre si c’était comme un livre »… avant d’en reve­nir à Déco­der les cases, ver­sion enri­chie d’un solo de saxo­phone. Il n’est pas allé jusqu’à dan­ser ce qu’il rêvait sûre­ment de faire, comme aux balances de l’après-midi… Car, gym­naste dans son enfance, il garde le pro­fond désir d’en appe­ler à ce corps qui parle, tra­duit nos émo­tions. Et c’est avec des bonds éton­nants et même des sauts périlleux qu’il peut quit­ter la scène. Comme un défi à la pesan­teur qui nous assigne à rési­dence. Son pro­jet ne s’est-il pas appe­lé dans ses débuts, « La mouette libre » ? Ce prix du Pic d’Or récom­pense l’excellence ins­tru­men­tale (mais pas seule­ment), l’écriture ouverte sur ce monde qui est le nôtre, avant qu’il ne puisse venir l’an pro­chain mon­trer aus­si la danse.

La chan­son pour­rait –elle deve­nir l’art de dire, chan­ter, dan­ser les mots ?

Jury 2019
Fran­çois Alquier (Les chro­niques de Man­dor) Oli­vier Bas (Direc­teur de la Créa­tion au stu­dio des Varié­tés à Paris, membre du Conseil d’Administration des Voix du Sud à Astaf­fort et ani­ma­teur de l’é­mis­sion Rico­chets sur Radio Néo – Sté­pha­nie Ber­re­bi (jour­na­liste Maga­zine Fran­co­Fans) Thier­ry Cadet (Co-fon­da­teur du prix Georges Mous­ta­ki, jour­na­liste HorS­cène et ani­ma­teur télé Melo­dy) Pas­cal Chau­vet (Direc­teur du Bijou, coor­don­na­teur du Réseau Chan­son Occi­ta­nie) Yvan Cujious (Artiste tou­lou­sain et pro­duc­teur, il est aus­si l’a­ni­ma­teur de Loft Music, émis­sion quo­ti­dienne de Sud Radio) Patrice Demailly (Jour­na­liste musi­cal spé­cia­li­sé dans la chan­son fran­çaise, Libé­ra­tion, RFI) Thier­ry Dupin ( Pro­gram­ma­teur musi­cal France Inter) Domi­nique Janin (Kanope Prod, Réseau Chan­son Occi­ta­nie) Thier­ry Lecamp (RMC, Nos­tal­gie et Europe 1 On Connait la Musique – aujourd’hui écri­ture de docu­men­taires pour France 3, mana­ge­ment d’ar­tistes) Alain et Annie Navar­ro (asso­cia­tion Arpèges et Tré­mo­los orga­ni­sa­trice de fes­ti­vals, Pause Gui­tare, P’Tits bou­chons, Un bol d’Airs) Char­lotte Picas (Direc­trice Artis­tique d’un label) Arnold Tur­boust (Com­po­si­teur, auteur, chan­teur, musi­cien pro­duc­teur de disques) Jean Marc Vau­dagne (Aca­dé­mie Charles Cros)