Barjac m’en Chante 2017 – Mehdi Krüger & La mal coiffée (© Claude Fèvre)
1er août 2017 – Festival Barjac m’en Chante 2017
Mehdi Krüger & La mal coiffée
Avec Mehdi Krüger (voix) accompagné par Ostax (guitare électrique)
La mal coiffée dans le poème musical E los leons écrit et mis en musique par Laurent Cavalié :
Karine Berny (bombo leguero, chacha), Myriam Boisseri (pétadou, chacha, kayamb, adufe), Marie Coumes (tambour sur cadre, roseau), Laëtitia Dutech (tambureddu, adufe, bendhir, tambour)
Cour du château – Barjac (Gard)
Quand le jour décline, quand nos pas nous ramènent au pied du chapiteau où piétinent depuis déjà longtemps les spectateurs impatients, les émotions de l’après-midi affleurent encore. Laisseront-elles suffisamment d’espace pour vivre ce nouvel épisode ? On connaît Mehdi Krüger, sa capacité à nous saisir tout entier, à nous laisser prendre aux mots qui ne nous lâcheront pas de texte en texte. On sait le couple magnétisant qu’il forme avec Ostax…
Regardons d’abord ce que symbolise sa présence sur cette scène : une rencontre improbable ici, entre les musiques, les expressions dites « urbaines » – avec ce que le mot véhicule d’appréhension et de suspicion – et la Chanson « de caractère ». Épisode à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du festival qui nous invite à abattre les murs, tendre des passerelles entre des mondes qui s’ignorent. Spoken-word, slam, rap, Chanson, musiques du monde, conte, poésie… Tout est là ce soir dans la cour du château de Barjac. Réunis le temps de croire à la beauté de notre humanité.
Mehdi Krüger donc. Sobrement élégant, le pas souple et léger il habite la scène en danseur félin. En conteur, en griot de l’asphalte et du béton. Son verbe est liquide malgré la puissance d’évocations douloureuses, aux confins de la tragédie de nos vies intérieures. Très vite on se sent emporté par ce flot qui roule, s’enroule autour de nous. Des images en gerbes superbes jaillissent. Cascades des pensées secondées par la guitare, puissante messagère d’un autre et semblable voyage. Elle murmure souvent et Mehdi souligne ces instants de son corps en mouvement incessant. Les bras s’offrent, les mains invitent au partage. La voix s’élève dans cette nuit d’été et réveille nos torpeurs. Avec ses « deux pays pour ventricules », l’homme, « naufragé volontaire », de son rivage mène sa quête identitaire. Il regarde ce puzzle aux pièces éparpillées au sol mais c’est vers le ciel qu’il lève les yeux : « La vie seule me relie au sol comme la ficelle d’un cerf-volant ». Il faut coûte que coûte « lâcher les mirages, les miracles, les miradors… Malgré les doutes rester brave »
« La vie devrait être semée de panneaux : Vous êtes ici. »
Tout se résume en refus du compromis, des « menottes du silence ». Alors « le message passe le barrage des dents » – belle image qui est celle utilisée par Homère quand jaillit le verbe. On aime cette filiation avec l’aède antique. On gardera longtemps le souvenir du texte poignant qui évoque « la seconde avant l’impact ». Le public de Barjac en a frémi ! Et nous pensons alors au tableau de Picasso, Guernica, à la chanson de Claude Nougaro Il y avait une ville.
Mehdi Krüger se prête en rappel à l’improvisation, faisant appel à des mots du public, sans canevas, sans thème prévu, nous a‑t-on précisé…
Il viendra conclure la soirée en fin de concert de La mal Coiffée offrant là un syncrétisme musical bienfaisant en plus d’une image d’archives.
Méconnaissant la langue occitane nous n’avons pu vraiment apprécier à sa juste valeur le récit musical et vocal du quatuor, La mal coiffée, malgré le soutien rythmique des instruments dont les noms seuls invitent au voyage. Quelques repères supplémentaires en français y auraient sans doute beaucoup aidé.
L’histoire, E los leons, inspirée du roman d’Henry Bauchau, Diotime et les lions mériterait qu’on en saisisse les principaux épisodes : « l’épopée d’une jeune fille dont les lointains ancêtres sont des lions. Alors que les traditions de son clan la poussent vers la place réservée aux femmes de sa lignée, elle ne peut pourtant ignorer les pulsions sauvages de ses ancêtres qui battent en elle ». Une histoire de conquête identitaire…
Pas si loin de celle de Mehdi Krüger en somme…