Festival des voix, Lior Shoov (© Olivier Rust)

Fes­ti­val des voix, Lior Shoov (© Oli­vier Rust)

23 juin 2016 – Spectacle « Coup de cœur » du Festival des Voix 2016

avec Lior Shoov (uku­lé­lé, hang, tubes en plas­tique, clo­chettes, jouet musical…)

Médiathèque de Lafrançaise (Tarn & Garonne)

Elle s’appelle Lior, « lumière » en Hébreu. S’entrechoquent alors des pen­sées qui viennent en rafale où se mêlent une actua­li­té bru­tale et des sou­ve­nirs. Des lec­tures, un flux d’images en noir et blanc qui nous hantent…

Lior vient d’Israël… Elle voyage. Elle se pose ici ou là, en exté­rieur, sur les places, aux angles des rues, en inté­rieur aus­si comme aujourd’hui au cœur de ce fes­ti­val qui fait la part belle à l’inattendu, à l’ailleurs.

Elle accueille le public au plus près de lui, dans ses rangs. Elle joue de ses mains, de ses doigts, de sa bouche. Elle frappe son buste, ses hanches en cadence. Naît alors une musique étrange. Lior sou­rit, chan­tonne une langue venue d’ailleurs. Est-ce bien une langue ? Dans les pre­mières minutes — ins­tants fra­giles pour nous appri­voi­ser — elle vient même tou­cher les spec­ta­teurs, s’amuser un peu de leur corps comme du sien. Le public rit volon­tiers de cette ges­tuelle étrange, de cette part d’enfance quand elle s’empare de leurs petites bou­teilles d’eau, arrache leurs éti­quettes, en fait naître des sons… « Faire place à l’inconnu », inven­ter au fil du spec­tacle, faire son, musique de tout. « Tout ce que je vois je le fais son­ner », au risque du n’importe quoi… Au risque de l’échec sans aucun doute.

Le pro­pos de Lior ? « Lais­ser la vie nous tra­ver­ser… et la vie, elle, elle s’en fout ! »

Puis, len­te­ment elle gagne la scène qui s’éclairera par ins­tants d’une guir­lande de petites lampes blanches, par­fois seule­ment une ampoule qui se balance obs­ti­née devant son visage. L’éclairage reste faible, sans cou­leurs mais inti­miste, à moins que ce ne soit l’éclairage noc­turne d’un coin de rue. Il nous semble à l’unisson de la tenue de l’artiste. Lior ce soir est vêtue d’une sorte de cha­suble grise, toute droite, sur pan­ta­lon noir. Elle n’est ni d’aujourd’hui, ni d’hier. Mal­gré ses mimiques, mal­gré son évi­dente maî­trise du jeu de clown, elle pour­rait res­sem­bler à un être reve­nu d’une longue route… pas for­cé­ment joyeuse… une épreuve. Un petit être qui se bat pour gagner sa part de rêve mal­gré tout. D’ailleurs sa voix nous le dit : elle semble s’être bri­sée contre les aspé­ri­tés du che­min, contre des rochers un jour de tem­pête en mer. Contre le vent, un jour, elle s’est voilée.

Musi­ca­le­ment, elle joue de tout petits ins­tru­ments, juste à la dimen­sion néces­saire pour être trans­por­tés dans un sac à dos : pia­no à pouces, uku­lé­lés, clo­chettes. On aime­ra par­ti­cu­liè­re­ment l’instant où elle s’assoit pour jouer du hang qui laisse échap­per ces sons métal­liques et si doux ou bien celui où elle s’attarde à jouer d’un jeu musi­cal pour enfant. S’ensuivent brui­tages d’animaux, plu­sieurs langues… Elle paraît cher­cher, tout le temps. Elle le dit, le chante, on ne sait plus bien… Elle cherche à être là, dans l’intensité de l’instant et nous fait vivre cette quête conti­nue. Elle laisse échap­per ce cri : « Je suis per­due, per­due, per­due »… Car il y a tant à apprendre, à comprendre…

En fin de spec­tacle elle s’en va cher­cher dans le public un spec­ta­teur, engage avec lui un échauf­fe­ment du corps, puis un duo de tubes en plas­tique… Échange improbable !

C’est avec un sac en plas­tique que l’on peut sans doute appro­cher le sens de son spec­tacle, jouant du bruit qu’il pro­voque frois­sé entre ses paumes. « Com­ment tu fais pour être aus­si léger ?… Un jour, j’apprendrai à faire comme toi, me rem­plir et me vider… » Et bien sûr, elle vou­drait faire voler ce sac… et voler avec lui…

Voi­là, Lior Shoov, c’est une invi­ta­tion poé­tique à goû­ter l’inconnu, à se perdre avec elle dans d’improbables expé­riences sonores, dans ce jeu entre le réel et l’imaginaire, entre soi et l’autre.

C’est abor­der l’énigme du spec­tacle vivant.