Jérémie Bossone, Chansons pour coeurs éveillés (© Claude Fèvre)

Jéré­mie Bos­sone, Chan­sons pour coeurs éveillés  (© Claude Fèvre)

21 Juin 2016 – Jérémie Bossone, Chansons pour coeurs éveillés 

Session intensive Déc. 2013 /​Janv.2014 & 2015 – 2 volumes, écrits, composés, arrangés & mixés par Jérémie Bossone

La Route Productions

Avec ces Mix­tapes Acous­tiques : ni vir­tuo­si­té sonore, ni per­for­mance épique. Plu­tôt un micro qui souffle, une gui­tare qui frise, une chaise qui grince, l’odeur du bois, des mélo­dies en copeaux, des refrains fraî­che­ment taillés. Bien­ve­nu dans l’atelier du char­pen­tier… D’ailleurs, je ne vois pas de meilleure façon d’écouter ces chan­sons que posé le soir dans un fau­teuil, en siro­tant un bon verre de vin à mesure qu’elles égrainent leurs arpèges, leurs images, leurs histoires…

Jéré­mie Bossone

Et si ce 21 juin, fête de la musique était pré­texte à décou­vrir le conte­nu du cour­rier qui vient d’arriver : les deux pre­miers volumes des « Ses­sions inten­sives » de Jéré­mie Bos­sone ? Et si c’était tour­ner le dos à cette occu­pa­tion de la place du Capi­tole à Tou­louse, par France 2 ? A cette confis­ca­tion des valeurs de la fête popu­laire au point de réser­ver l’accès de la dite place aux seuls accré­di­tés… Et si c’était oublier ces 200 000 €, cinq fois la somme inves­tie par la ville en 2014 ?

Alors, écou­tons ces « mix­tapes », ces com­pi­la­tions, entiè­re­ment de la patte de l’artiste. Jetons un « regard par le trou de la ser­rure sur l’œuvre en train de naître…sous son ver­sant le plus épu­ré, le plus râpeux, le plus intime ».

Pas moins de 43 titres, plus de deux heures d’immersion, en deux séquences de créa­tion d’une quin­zaine de jours.

L’univers de Jéré­mie Bos­sone ne nous est pas étran­ger. Nous en avons appro­ché les rives, bien sou­vent, devi­né les contours, sen­ti les effluves. Entre pur et impur, entre cha­rogne et par­fum enivrant, entre aspi­ra­tion vers un idéal et des­cente dans les bas-fonds de notre condition.

Jéré­mie s’est nour­ri de la lit­té­ra­ture, de la chan­son, de la musique dont on retrouve là bien des échos. L’un des plus signi­fi­ca­tifs est dans Hugo Wolf, « mes larmes ont le goût de Vienne »…

On aurait une pré­fé­rence pour le pre­mier volume, écrit dans l’hiver 2013 – 2014 quand d’autres sans doute se noyaient dans des vapeurs d’alcool, celles de la fête qui accom­pagnent les fins d’année. Jéré­mie a choi­si d’autres ivresses. On le retrouve dans son goût des his­toires (La man­sarde en den­telle), dans sa recherche de la méta­phore. Celle qui pein­dra au plus juste son par­cours d’homme confron­té à la dou­leur d’aimer (La tour des sup­plices, les amours à mer), à la dou­leur de vivre, comme cette répé­ti­tion ad libi­tum « Les ombres autour de nous s’étendent »

On note­ra volon­tiers une jour­née ins­pi­rée, celle du 4 jan­vier 2014 qui vit éclore Le soleil et moi – si proche de Bar­ba­ra ! – et La page Blanche qui a notre pré­fé­rence, pour les fris­sons qu’elle nous donne, pour le souffle retrou­vé de La tombe, pour cet appel à l’idéal dont nous pour­rions être, tous et cha­cun, des créa­teurs… Bien sûr on se délecte aus­si dans l’écriture, ins­pi­rée de Bras­sens (un Bras­sens qui aurait été cen­su­ré pour sûr!) Le téles­cope… Enfin une chan­son opti­miste où la salope, la coquette devien­drait le soleil de son univers !

Dans ce pre­mier volume on découvre aus­si des chan­sons courtes (Emile, Les sai­sons) qui seront plus nom­breuses – et sou­vent déli­cieu­se­ment per­verses – dans le second volume. L’humour y affleure dès la pre­mière chan­son (Le croque –notes & le chat). Est-ce parce qu’elles sont écrites au prin­temps que la chair se rap­pelle alors à l’auteur avec insis­tance ? Que l’amour se décline en Libel­lule & papillon ? Que la nature offre ses images, comme celle de la feuille qui tombe quand vient l’heure ? Ou que la menace et la colère s’expriment clai­re­ment dans Cocard ou Cannes, « J’aimerais voir de temps en temps les connards au soleil »… ? Preuve que l’écriture inten­sive ne dis­pense pas de regar­der le monde comme il va !

Dans les deux volumes enfin tout ama­teur de sa grande et belle chan­son, La vieille, aime­ra retrou­ver cette thé­ma­tique de la vie en bande, en groupe dans Fran­gins de Mont­fau­con (Vol 2) « Tou­jours par­tant pour boire un verre /​Ce soir à la pomme de pin /​Demain au Caba­ret Vert » ou bien dans Ban­dits de grands che­mins (Vol 1).

On trouve même une chan­son titrée Bos­sone, pour­quoi t’écris ?… « Pour­quoi ce car­go noir ne jette pas l’ancre ? » Comme un écho à notre chro­nique http://​chan​ter​cest​lan​cer​des​balles​.fr/​j​e​r​e​m​i​e​-​b​o​s​s​o​n​e​-​p​o​u​r​q​u​o​i​-​t​u​-​c​h​a​n​t​es/

Et cette réponse : « J’écris pour faire chan­ter la terre…par amour de l’homme… » Comme Bar­ba­ra l’écrivit dans ses Mémoires : « J’ai ain­si cou­ru de la lumière à la nuit, du bruit au silence, de l’amour au déses­poir, folle de chan­ter, folle de ce métier qui fut ma manière pri­vi­lé­giée d’aller vers les autres ».

Alors Jéré­mie Bos­sone, chante, chante encore ! Va vers les autres !