Barjac, Torreton, Mec (© Stéphane Thabouret)
30 juillet 2016 ‑Barjac m’en Chante, Philippe Torreton, Mec !
avec Philippe Torreton voix, Allain Leprest, textes, Edward Perraud, percussions
Cour du château – Barjac (Gard)
Je trouve ça hyper agréable de passer de Cyrano de Bergerac, qui me demandait 1h30 de maquillage tous les soirs, de s’échauffer et cetera, à ce spectacle, où on débarque de voiture, on fait les raccords, et on est prêt à jouer. Le côté léger me fait du bien. Après avoir joué 175 fois Cyrano, je suis très content de cette parenthèse. Je n’avais pas envie d’enchaîner avec du théâtre. Comme quand on a remué de l’eau, il faut que ça décante un peu… Ce n’était pas prémédité comme ça, ce sont les hasards du calendrier. Edward Perraud est très pris, on avait depuis belle lurette gardé ce créneau en octobre novembre pour tourner. Il se trouve que c’est réellement bien que ça soit comme ça. Le support est léger, mais dans ce qu’on dit, il y a beaucoup d’émotion, on le voit chaque soir avec le public. Et puis ça fait peur, c’est fragilisant. On n’a que ça, deux personnes sur scène, un petit jeu de lumière, pas de décor. C’est 100% Leprest ! C’est ce que l’on voulait. Ce sont les textes qui prêtent à penser, à imaginer. C’est une poésie tellement forte que si on arrive à le faire entendre, c’est déjà pas mal…
Barjac m’en chante, une première et quelle première !
On assiste bien volontiers au rituel de l’ouverture du festival à laquelle l’équipe des « mutants d’Octobre » – dixit Monsieur le maire – n’a pas changé grand-chose. On est sous les platanes, place Charles Guynet. Par grappes, par petits groupes, seul ou bien à deux, les festivaliers se retrouvent, s’embrassent… Ce sont des retrouvailles pour beaucoup. On vient en juillet à Barjac de partout … de partout où la Chanson fait des siennes, quoi qu’on dise. On se demande seulement à bien se regarder, quand donc la jeunesse viendra se joindre à nous… On ne peut s’empêcher de songer à ce renouvellement, cet élargissement du public qui devient une urgence.
Mais chut ! L’heure n’est pas aux regrets mais à l’espérance !
Si cette édition n’est pas tout à fait comme les précédentes, chacun, Président de l’association organisatrice Chant libre, Jean-Michel Bovy, tout comme le nouveau directeur artistique, Jean-Claude Barens , chacun se fait particulièrement discret sur le sujet. Au fond, le vrai et seul message se trouve dans la programmation, les quelques nouveautés qui vont vers plus d’occasions de partage et plus d’ouverture. Le public jugera. On sait bien par avance que Barjac, c’est le lieu du débat, des controverses, des chamailleries parfois. Même que cette année le festival a prévu un moment pour ça, Les rencontres de 11h11…
Monsieur le Maire, Edouard Chaulet, fidèle à sa parole militante, a des envolées lyriques pour dire combien ce festival est cher à sa commune, à la communauté de communes de Cèze Cévennes, au point d’augmenter son soutien quand partout on rogne les budgets de la culture. Et quand il évoque les violences qui viennent d’assombrir notre été, la valeur symbolique de notre assemblée, on ne peut qu’adhérer à son discours.
S’ensuivent l’arrivée festive des Rustines de l’ange, groupe d’accordéonistes hauts en couleurs et le verre de l’amitié offert.
Au soir, c’est donc Philippe Torreton qui ouvre le bal. On ne peut être davantage dans la tradition de ce festival avec un hommage aux textes de Leprest. Le texte, rien que le texte ! « Chanson de parole, de caractère, de texte, de mots ciselés » selon les termes de Jean-Claude Barens dans son édito.
Dès les premières secondes c’est un choc. C’est frontal, sans concession. Violent même. Dans le geste, dans la voix. Ca vous frappe en plein cœur, ça vous cloue sur votre siège. Le musicien aux côtés de l’acteur, au milieu des éléments de sa batterie, frappe, effleure, caresse, fait grincer… Il fait plus qu’accompagner la voix…
C’est un jeu fascinant. Sa gestuelle autant que les sons qu’il crée, deviennent langage. Ces deux là, Philippe Torreton et Edward Perraud s’épient, se guettent, se répondent. « Je lâche mes corbeaux noirs sur les blés de ta tête /Pourtant même silencieux, t’es là, ça m’fait du bien » C’est un duel là, une lutte sous nos yeux, une connivence bien entendu, un partage unique ! A croire que ce sont eux qui déchaînent les éléments…
L’orage menace. Il est annoncé … Le ciel se déchire. Les éclairs et les premières gouttes de pluie, de grosses gouttes une à une d’abord viennent ponctuer le texte : « Ca mouille la pluie, c’est du temps perdu … Il pleut sur la mer et ça nous ressemble /De l’eau dans de l’eau, c’est nous tout crachés»… On aimerait pouvoir rester là. Continuer d’assister à ce moment unique de spectacle où le ciel se met de la partie. Inoubliable moment ! Trop court hélas ! Philippe Torreton porté par la scène nous invite à résister … Son accompagnateur quitte le plateau. Sécurité oblige. Bientôt la pluie abondante aura raison de notre désir commun de prolonger cet instant. On se retrouvera agglutinés dans le bar, dans une étuve où très vite l’équipe s’active pour que le concert de Michèle Bernard puisse avoir lieu. On peut compter sur son immense talent pour répondre aux circonstances les plus périlleuses.
Bien entendu, c’est la loi du spectacle vivant de plein air qui doit composer avec les imprévus, les impromptus de la météorologie… On se contentera d’espérer le prochain rendez-vous avec ce « Mec », un rendez-vous d’amour pour sûr , « Promis demain j’arriv’rai pile… Si on t’avait demandé l’heure /On saurait qu’le temps c’est d’l’amour… » Un rendez-vous avec cet acteur qui sublime les textes d’Allain Leprest, leur donne une dimension théâtrale inouïe. Oui, malgré l’interruption, Barjac nous en chante déjà !!