Guillaume Farley, Ma perspective 2021(©Vanessa Verillon)
13 février 2022, De clip en clip # 13
Au loin le saxophone californien
Avec,
Andréel, Mr Bizarre (Paroles et musique Andréel) live enregistré au Studio Ferber, Captation : Why So Serious, album éponyme, sortie le 18 mars 2022,
Guillaume Farley, Ma perspective (Paroles Guillaume Farley/Musique G. Farley/E. Coquard), Album Blindé, à paraître en mars 2022, illustrations Vanessa Verillon, animation Yamoy
Thieu, Rupture (Paroles et musique Thieu) EP six titres à paraître Quarant4ine, réalisationde l’artiste américaine Jessieart sur un scénario de Thieu
Hélène Piris, Comme dirait mon cher Jean-Jacques, (Paroles et musique Hélène) album On va s’en sortir, sorti en septembre 2021, réalisation Aurélien Mariat sur une idée de Bruno Cariou, avec la participation d’Amélie les Crayons et Fred Radix
C’est précisément un saxophone et l’image de la saxophoniste Florence Kraus qui ouvrent l’enregistrement au studio Ferber du titre éponyme, Mr Bizarre, d’Andréel. Ce n’est donc pas à proprement parlé un clip, un scénario original, mais une captation en direct. Et si nous ouvrons cette sélection avec ce titre c’est pour souligner l’émouvante métaphore de l’artiste, dans la lignée d’un Charles Baudelaire avec son célèbre L’albatros, ou d’un Théophile Gautier dans Le pin des Landes : « Le poète est ainsi dans les Landes du monde… » Et c’est ainsi que se décline l’image de l’incompris, de l’exilé, de celui dont le langage reste ignoré du grand nombre, pourchassé, quelquefois même assassiné… Mr Bizarre dont le chanteur a pris les traits, le regard qui vous toise, la bouche peinturlurée de rouge, sur la pochette de son album, ne trouve des sourires qu’auprès des enfants, « les bambins, les mioches ». Il « grimpe dans les arbres »… et « prétend parler la langue des oiseaux » avant que, pourchassé, il ne s’envole « vers un monde peuplé d’arc-anges poètes, de gargouilles errantes… ». On vous le dit, vous le répète depuis des siècles, il n’est pas étonnant que l’artiste se sente différent, mal aimé avec ses « idées plein la tête »… Dans cette chanson, la voix reste douce, l’accompagnement guitare, piano, batterie, chœurs féminins chaloupent tendrement… Et ce saxophone qui revient quand Mr Bizarre est tout là-haut.
Dans le clip de Guillaume Farley le saxophone se fait californien, un soupçon moqueur. Avec l’humour et l’autodérision qu’on connaît à l’auteur, il est ici le refrain récurrent d’un désir amoureux – ne pas manquer sa superbe illustration florifère et ses pistils – celui de Ma perspective qu’il fait rimer avec « odeur de ta lessive »…
Le rêve est mis en scène, une série de dessins naïfs, aux couleurs pimpantes, façon publicité des années soixante signée Bernard Villemot. Elles défilent dans un long travelling, homme à la moustache épaisse, lunettes noires, chemise fleurie, ouverte sur un torse velu, longue décapotable, plage californienne, pin-up, verre de drink, coucher de soleil… avant que la voix de crooner ne réduise le rêve à sa juste proportion. « Là, toi, moi, bon tous les deux quoi, tu vois /J’espère que t’aimes les chansons à l’eau d’rose/ Parc’ que je vois rev’nir au loin le saxophone californien… »
Départ, voyage, voiture « blindée comme un char … Mes yeux s’embuent et je démarre… C’est ainsi que débute le clip du titre Rupture de Thieu. Ce sont ces images dessinées qui nous offrent l’opportunité de découvrir ce chanteur expatrié. Originaire de la champagne « pouilleuse » qui nous est chère, il vit aujourd’hui à Murcia, en Espagne, à la frontière de l’Andalousie. Notons qu’il accompagne son clip du texte en trois langues : Français, anglais, espagnol. Et c’est de là-bas qu’il nous fait parvenir ces images dessinées qui défilent et nous font vivre une ascension. « Voyons‑y comme un commencement/La vie s’étale, un rien banale /À nous d’en tracer les tournants » Le premier dessin en noir et blanc s’attarde sur une fenêtre, une plante qui s’étiole puis renaît avec les couleurs… Commence alors le voyage vers demain, le paysage quitte le gris de la ville pour gagner la nature fertile, « fruits murs de cette rupture » même si de sentiments contradictoires s’interpellent, « C’est tout Picasso dans ma tête ». Parvenue à destination, on voit s’écouler les saisons sur la petite maison au sommet : de la valse des feuilles mortes au ballet des flocons de neige, en passant par l’éclosion des verts printaniers et des fruits mûrs…
Voici, pour finir, un nouveau clip du dernier album d’Hélène Piris. Et de façon surprenante, il illustre aussi le thème de Mr Bizarre, comme vous allez voir. Patience…
Toujours inspiré par Bruno Cariou que nous soupçonnons sérieusement d’être le Monsieur Loyal de cette orientation de la violoncelliste chantante qui s’affiche doigt dans le nez sur la pochette, ce clip, Comme dirait mon cher Jean-Jacques, n’échappe pas à l’humour, à la satire… En 3 min10 nous assistons à un véritable court métrage. La première séquence se déroule sur fond jaune comme le précédent clip du titre éponyme de l’album On va s’en sortir. La chanteuse, la contrebassiste et le batteur ourdissent un plan d’action avec l’aide d’accessoires empruntés à Playmobil… Ils passent à l’action et finissent par neutraliser leurs « ennemis », huissier et huissière, déjà vus dans le précédent clip et qui synthétisent à eux deux tout ce qui dérange, empêche, décoiffe, empoisonne… en somme, ce que distille la chanson : « Encore un lundi… Une semaine… Encore un bébé… Encore un album de Julien Clerc (ô les méchants !)… Encore un nouveau crabe… Encore une pétition… » Franchement il faut avoir vu Amélie-les-Crayons sur son transat au bord de la piscine mangeant sa glace, Chantilly jusque sur le menton et les lunettes, et Fred Radix obnubilé par son écran de portable, avant d’être ficelés tous les deux par le trio d’activistes musiciens… Et voilà qu’ils peuvent enfin s’adonner à leur art, bientôt rejoints par les deux autres délivrés de leurs liens. C’est ensemble qu’ils peuvent chanter – ça y est, nous y sommes à l’idée de Mr Bizarre – Comprend qui peut, qui veut…
« Encore un album d’une chanteuse inconnue
Encore un album
Encore un album qui pass’ra pas chez Ruquier
Ni chez Nagui ni chez Drucker
Comme dirait mon cher Jean-Jacques… »