Symphonie confinée – La tendresse – mars 2020  (©Droits Réservés)

26 au 30 mars 2020, épi­sode 3 du confi­ne­ment contre le COVID-19

Comme des fenêtres – épi­sode 3

Avec

musi­ciens, auteurs, chan­teurs, en gras dans le texte


Rions un peu avec Wal­ly

Wal­ly (A) chan­tant et son double (B) qui sur­vient pour l’interrompre. 

  • A : Elle m’a dit d’aller sif­fler là-haut sur la colline…
  • B : Ben, non !
  • A : Elle des­cen­dait dans le Midi
  • B : Mais non !!!
  • A : Si tu va à Rio
  • B (criant) : non !!!
  • A : Puisque vous par­tez en voyage
  • B : Sur­tout pas !
  • A : On vit les uns contre les autres
  • B (criant encore plus fort) : non !!!!
  • A : Je marche seul
  • B : Là d’accord, mais dans un rayon d’un kilo­mètre autour de chez soi !

Jour après jour, mal­gré le flot inces­sant de nou­velles alar­mantes, mal­gré les consignes qui ont réduit nos liber­tés les plus fon­da­men­tales, mal­gré l’incurie des plus hauts res­pon­sables, mal­gré la vio­lence aveugle d’un virus dont on ignore à peu près tout, se déroule sous nos yeux d’internautes une créa­tion per­ma­nente. Elle nous éba­hit, nous émeut, nous ouvre des hori­zons, et nous donne à espérer.

Alors, on conti­nue de vou­loir hum­ble­ment en sau­ver quelques épi­sodes, entre­vus par le hasard d’une navi­ga­tion quo­ti­dienne où tout peut adve­nir. Et même le refus… Oui, le refus de se prê­ter à l’une de ces vidéos de chan­son en direct, ou de concert dont on nous abreuve pour le meilleur et par­fois, c’est vrai, le presque pire… Et ce refus est magni­fique, disons-le. C’est celui de Ber­nard Joyet qui, après avoir joué l’un de ces petits tours dont il a le secret, a rédi­gé un texte de « résis­tance », superbe hom­mage au spec­tacle vivant où il avoue son inca­pa­ci­té à en faire de même, face à un ordi­na­teur qui le regar­de­rait comme une salle vide… Il énu­mère alors tout ce qui lui man­que­rait bien trop, depuis le voyage, la décou­verte du lieu de concert, le casse-croûte offert, « ces ultimes secondes dans les cou­lisses, où l’on se serre les poings comme des spor­tifs, avant d’en­trer dans l’a­rène, dans une autre vie, dans un autre monde. » jusqu’à la ren­contre avec le public, « sa res­pi­ra­tion, son rire, son cœur qui bat… ». Cha­peau bas Bernard !

Bien sûr, comme on pou­vait s’y attendre, les auteurs, com­po­si­teurs riva­lisent pour rendre hom­mage à ces héros de l’ordinaire, à ces petits métiers que nous avions oubliés de voir, et par­ti­cu­liè­re­ment ceux qui sont sur le front de la lutte contre l’épidémie… Quelle trou­blante chan­son que celle que nous rap­pelle Cla­ri­ka, titrée Patri­cia, por­trait émou­vant d’une infir­mière bien ordi­naire. A écou­ter de toute urgence ! Cer­tains créent pour l’occasion, comme Ben Her­bert Larue qui, dans un long poème, évoque tous ces petits riens dont on avait oublié la saveur… On vou­drait aus­si s’arrêter à la chan­son de Thé­rèse, qu’elle sous-titre avec l’humour, le poids des mots et la déri­sion qu’on lui connaît « Concert pri­vé d’une seule chan­son en public mais sans public ». Elle rap­pelle « Rien ne sert de cou­rir, il faut lever le poing », elle qui avait dis­pa­ru de nos radars pour cause de mala­die mal diag­nos­ti­quée qui a bien failli l’emporter sur l’autre rive. On avoue avoir aus­si été tou­chée par la chan­son adres­sée aux soi­gnants de Samuel Ben­che­trit et de Vanes­sa Para­dis, sans aucun apprêt, dans ce qui sem­blait être une chambre à cou­cher. On retien­dra aus­si la chan­son toute simple, très proche du vécu de beau­coup d’entre nous, offerte par Calo­ge­ro sur un texte de Bru­no Gugliel­mi : « C’est un drôle de silence qui vient de la rue, comme un dimanche impré­vu /​Un homme chante là-bas sur un bal­con, sa voi­sine l’accompagne au vio­lon /​On a dit aux enfants des mots qui ras­surent /​C’é­tait comme une aven­ture /​On a col­lé leurs des­sins sur le fri­go /​On a éteint les chaînes d’in­fo ». Il pré­ci­se­ra que les droits et recettes de cette chan­son seront rever­sés au per­son­nel soi­gnant, via la Fon­da­tion des Hôpi­taux de Paris – Hôpi­taux de France, met­tant ain­si l’accent sur une ques­tion que l’on avait un peu oubliée…

Pen­dant ces der­niers jours on s’est ima­gi­né réunir les duos – couples dans la vie – que nous aimons… Bien sûr, il y aurait Thier­ry Cha­zelle & Lili Cros qui ne manquent aucun ren­dez-vous quo­ti­dien, fil­més dans le même cadrage. On s’amuse – petit plai­sir sup­plé­men­taire – à rele­ver les détails ves­ti­men­taires et de coif­fure de Lili…Dans ce domaine, le duo AJM (André-Jean Mirou et Marie-Ange) riva­lise d’inventivité. Chaque chan­son est une véri­table say­nète. Bien sûr, on invi­te­rait aus­si Alcaz’, dont l’amour reste le fil conduc­teur de tout un réper­toire, puis Fré­dé­ric Bobin enfin réap­pa­ru aux côtés d’Hélène Piris, … Fré­dé­ric était jusque là dans un confi­ne­ment créa­tif, constam­ment en lien avec son frère Philippe…14 nou­velles chan­sons pour un futur album. Voi­là une nou­velle qui met l’eau à la bouche !

On a conti­nué aus­si à se lais­ser char­mer sou­vent par ce que Thi­baud Defe­ver nomme « chan­sons sans paroles », par la musique seule. On l’écoute dans La jeune fille et la mort de Schu­bert, juste le thème de l’Andante con moto, sur des images de l’appartement, la rue, les mouettes, un jour de confi­ne­ment… Sur la page de Steve Nor­man­din, l’accordéoniste voya­geur, tou­jours prompt aux par­tages, on découvre au pia­no Alexan­dra Stre­lis­ki… une impro­vi­sa­tion pro­pice au recueille­ment, avant d’écouter Anne Quef­fe­lec dans la sonate au clair de lune de Bee­tho­ven. Chaque jour le vio­lo­niste Renaud Capu­çon offre quelques minutes pour notre apai­se­ment et c’est indé­nia­ble­ment à Jean-Sébas­tien Bach que va notre pré­fé­rence : sonate 1, Pres­to – Suite 2, Badi­ne­rie ou Par­ti­ta 3, Pré­lude… Une musique à tutoyer les anges…

Enfin, pour ter­mi­ner cet épi­sode – somme toute, un bien petit aper­çu de tout ce que nous avons pu voir et entendre – nous choi­sis­sons d’évoquer deux réa­li­sa­tions excep­tion­nelles pour deux chan­sons. La pre­mière Qu’est- ce qu’on attend pour être heu­reux (André Hor­nez /​Paul Miras­ki) jouée et chan­tée, en ver­sion confi­née, par l’Or­chestre Sym­pho­nique L’i­nat­ten­du en Région Centre-Val de Loire le soir où il aurait dû jouer La Tra­via­ta… Une prouesse artis­tique et tech­nique qu’accomplit aus­si Valen­tin Van­der en réunis­sant 45 chan­teurs et musi­ciens autour de La Ten­dresse immor­ta­li­sée par Bour­vil… C’est beau et fort ! Et cer­tai­ne­ment inoubliable !