Détours de Chant 2015 – Découvertes (© droits réservés)
31 janvier 2015 – 14e Détours de Chant, Coups de pousses
Journée et soirée dédiées aux découvertes
Le Bijou (Toulouse)
Un jardinier aux doigts verts, un jardinier talentueux veille sur la terre fertile de Midi-Pyrénées, semant ses graines qui régulièrement donnent de jolies pousses ! Ce festival hivernal se charge de nous exhiber quelques rejetons de l’année écoulée. Le public averti du Bijou ne s’y trompe pas. Il répond présent et c’est aussi devenu un rendez-vous pour quelques programmateurs. Voilà donc un moment que l’on ne saurait manquer et l’on s’en réjouit par avance même si cinq concerts dans la journée ce n’est pas rien, surtout quand, au passage, on prend le risque de la déception. C’est le jeu !
Commençons donc par la déception, ou plutôt l’incompréhension. Boloc ouvre cette journée. Un duo (Jérôme Boloch et Jean-Pierre Soules) qui a l’originalité de faire entendre un accompagnement rare de la guitare : le cor d’harmonie. Ce n’est pas déplaisant, mais pas franchement convaincant. Mais ce n’est pas là le problème. Même si le chanteur s’efforce de proposer des interludes teintés d’humour, les textes restent d’une maladresse « adolescente », sauf que l’auteur des chansons a dépassé de loin cet âge ingrat. On en serait gêné, on pourrait même en rire quand il s’avoue en difficultés pour accorder sa guitare ! Oublions donc cette fausse note de la programmation.
On le fait sans mal car le duo qui suit, Les coloriés (charmant clin d’œil à Alexandre Jardin ?) est un vrai régal d’intelligence, d’humour, d’efficacité théâtrale… Léa (voix superbe !) et Pablo au chant et à la guitare, nous entraînent dans le tourbillon de leur « couple » infernal et sans le soutien de la sonorisation, s’il vous plaît ! Qu’ils évoquent leurs vies antérieures à l’état animal, qu’ils se lancent dans la chasse aux moustiques ou dans la voyance, qu’ils s’amusent des styles de chansons, le public les ovationne ! C’est certain, ces deux-là feront parler d’eux ! On veut bien en prendre les paris !
L’après-midi s’achève joliment avec Camu, alias Corentin Grellier, accompagné de Youssef Ghazzal à la contrebasse (et à la composition !) et Fabien Valle à l’accordéon, tous deux excellents. Il y a quelques mois à peine, nous avions assisté aux premiers pas du jeune Corentin sur la scène de « Chez ta Mère », seul à la guitare. Quel travail depuis ! La finesse de l’assemblage des mots ourle une poésie aux accents marins (métaphore filée un soupçon redondante) portée par une présence toute en douceur, souriante, suave – osons le mot ! Parfois la voix qui s’élève dérange un peu, et l’on regrette le peu d’expressivité de l’accordéoniste… mais le trio offre un pur moment de bonheur.
Quand les concerts reprennent en soirée, on bascule avec Aurore Chevalier dans un univers aux antipodes du précédent. Accompagnée par deux musiciens (machines, clavier, basse), Aurore dans un slam sans concession nous abreuve de son mal de vivre, aux confins de la folie. Cette parole féminine qui ose tout, qui se moque de la convenance, des interdits qui ont muselé des générations de femmes, c’est absolument bouleversant… et nécessaire aujourd’hui ! On voudrait l’en remercier. On pense à l’écriture d’Annie Ernaux, à ses audaces, à l’affrontement avec sa vie pour rejoindre nos vies de femmes. Sauf qu’ici on est en droit de s’interroger sur le sens à donner, sur le projet artistique. Y en a‑t-il un ? Pas sûr, si l’on se réfère à la jeune artiste elle-même, rencontrée hors scène.
C’est sur une note joyeuse, avec le quartet de Sale Pierrot (guitare, contrebasse, accordéon, chant) que s’achèvent ces découvertes qui n’en sont pas vraiment en ce qui concerne cette formation. On a vu et revu cette chanson-là, cette chanson qui se dit « à boire et à déboires » ! On retrouve les incontournables petits gilets, les « gapettes », et c’est loin d’être désagréable à voir et à entendre, d’autant plus que nous aimons ces climats de ginguette où l’on irait volontiers guincher ! L’énergie est là, la connivence entre les musiciens aussi, mais côté « découvertes » on reste sur sa faim malgré quelques tentatives pour aller vers plus d’exigence poétique. Ma foi, quand on s’appelle Sale Pierrot, on pourrait davantage aller flâner du côté de Gaston Couté, de sa verve, de ses thèmes, non ?