Guilam, album Debout 2019 (© peinture Antoine Josse)

Gui­lam, album Debout 2019 (© pein­ture Antoine Josse)

27 Sep­tembre 2019, sor­tie offi­cielle du nou­vel album de Gui­lam, 12 chan­sons & 12 tableaux

Debout

Avec

Antoine Josse (Pein­tures), David Des­reau­maux (pho­to­gra­phies), Gui­lam (Art­work)

Gui­lam (Paroles, musiques, sauf les textes Je chante et Les p’tits béguins Eloïse Combes, La robe de lin Clé­mence Mar­ti­net­ti, Un jour je te connaî­trai mieux Ber­nard Dimey – arran­ge­ments – cla­vier, gui­tares, man­do­line, per­cus­sions, pro­gram­ma­tion, voix), Phi­lippe Sou­lié (contre­basse, basse) Séve­rin Dela­haye (chœurs) Camille Dela­haye (voix, chœurs) & Isa­belle Mazoyer (voix, chœurs)


Voi­ci un album de ren­trée qui illustre super­be­ment ce que nous aimons dans l’objet même… L’avoir en mains pour prendre le temps d’observer le choix des illus­tra­tions, des carac­tères, de la pré­sen­ta­tion des textes in exten­so. C’est un lan­gage, un dis­cours, une part impor­tante du pro­jet sur lequel l’artiste s’est lon­gue­ment penché.

Aujourd’hui, il est conve­nu de nous lais­ser le choix du sup­port. Numé­rique ou phy­sique ? Pour nous, la ques­tion ne se pose même pas. La réponse va de soi… Cer­tains heu­reu­se­ment vous envoient d’emblée leur album com­plet, c’est –à‑dire l’objet tel qu’ils l’ont rêvé, conçu, livret com­pris. Notons qu’il s’agit essen­tiel­le­ment des artistes « auto-suf­fi­sants », ceux qui ne font pas appel à un ser­vice de pro­mo­tion. Il s’agit le plus sou­vent de ceux dont nous pou­vons être très proches et qui nous assu­re­ront de la récep­tion de notre ana­lyse puis se char­ge­ront de sa diffusion. 

Mais lais­sons là ces consi­dé­ra­tions et les incon­tour­nables réflexions sur les impé­ra­tifs éco­no­miques, et consi­dé­rons ce nou­vel album de Gui­lam.

On pour­rait, cette fois, presque regret­ter que le for­mat n’en soit pas plus grand, que ne ce soit pas un véri­table livre-disque, comme ceux qu’éditent LamaOé­di­tions pour Daguerre ou Guillo. Ce qui est cer­tain c’est qu’un sup­port livre aurait don­né toute leur dimen­sion aux douze pein­tures d’Antoine Josse qui illus­trent les douze titres, ain­si qu’aux pho­to­gra­phies. Cet album est donc à triple entrée artis­tique : Chan­son, pein­ture, pho­to­gra­phie. Les pho­to­gra­phies sont signées David Des­reu­maux dont nous appré­cions le regard sur l’artiste, cette façon bien à lui de le mettre en valeur avec élé­gance et sobrié­té. Elé­gance et sobrié­té sont pré­ci­sé­ment deux mots qui s’accordent aux chan­sons de ce nou­vel album, à leurs arran­ge­ments… Tout n’est que légè­re­té. Gui­tares et man­do­line, contre­basse en contre­point, chœurs mêlés de voix fémi­nines… L’apport de la pro­gram­ma­tion est dis­cret, sans osten­ta­tion, loin des modes… Ce sont assu­ré­ment « chanson[s] à prendre, /​à lais­ser fondre, à fre­don­ner »…

La pho­to­gra­phie est donc bien une pre­mière lec­ture, une approche sen­sible de l’univers du chan­teur. Quant aux pein­tures, elles donnent à lire aus­si, à pro­lon­ger les textes, à tra­duire en formes, en sil­houettes minus­cules ces échanges, ces va-et-vient, ces appels et ces doutes sur les­quels les chan­sons posent leurs mots. Car il s’agit bien de nous par­ler de notre rap­port au monde, aux autres, à l’Autre que l’on tente de rejoindre depuis notre caillou… Ce caillou sur lequel cha­cun repose, se pose, par­fois en équi­libre fra­gile, est le plus sou­vent au cœur du tableau. Il est la signa­ture du peintre. Les teintes vont du gris au brun et seules quelques notes de rouge vif, rare­ment de bleu ou de vert, rompent cette uni­for­mi­té : un arbre pen­ché pour Je chante, plan­té bien droit dans C’est aujourd’hui, abri­tant un homme assis contre son tronc, quelques feuilles s’envolant vers l’autre à quelques pas ; un tapis de fleurs sous les pas de la femme dans La robe de lin ; un minus­cule bou­quet dans la main du navi­ga­teur sur sa barque, le jour où il a revê­tu [ses] beaux habits, ce même bou­quet pour le même per­son­nage (?) – comme une his­toire à suivre – mar­chant sur un fil à la ren­contre d’un autre qui tend de toutes ses forces le fil… Le texte (Mais) pré­cise « Y a tout ce qui menace /​Les amou­reux fanés /​Mais ton reflet dans la glace /​Le rouge d’un bai­ser… »

Cha­cun sur son caillou, sur sa minus­cule pla­nète, per­du dans l’univers tente d’échapper à sa soli­tude. Que de fils ten­dus ! Par­fois on prend de gros risques, prêt à se jeter dans le vide Quand ça tangue, quand on ne sait plus… « J’ai pas com­pris /​L’endroit l’envers /​Prin­temps ? Eté ? /​Automne ? Hiver ? » On s’habille de rêves, de toutes ses illu­sions, on met ses « beaux habits » sans trop savoir pour­quoi… On se lie, se délie de toutes les façons, dans ce monde connec­té « On se parle on se noue /​On se skype on dérape »… On s’accroche à des pas­sants sans len­de­main de peur du vide et de l’absence, des « p’tits béguins tout de guin­gois », ceux qui « n’admettent ni les grands cieux /​Ni les grands airs des matins bleus » … Par­fois – mais c’est plus rare ! – on est sûr de la solu­tion, fier de sa mon­ture, cava­lier de l’impossible, confiant dans les ailes qu’on s’est accro­ché dans le dos pour palier à son dés­équi­libre « Je veux tout désap­prendre /​De ces fils emmê­lés /​Puis me lais­ser sus­pendre /​Aux mélo­dies aux mots ailés »… Alors on se sent capable de dire « C’est aujourd’hui que ça com­mence /​Les his­toires d’amour véri­tables »…Et comme Ber­nard Dimey on se croit prêt à com­po­ser avec le futur proche « Avec ton âme en fili­grane /​Je com­po­se­rai des écrits /​Aux pures cou­leurs de Tos­cane /​Et qu’on pour­ra lire à Paris. » Et c’est à deux, en équi­libre fra­gile, assis sur ce banc entre deux cailloux que l’on peut évo­quer le soir qui réuni­ra enfin deux êtres las de « ces mots si déri­soires »… « Nous reste encore cette part de mys­tère /​Qui nous remet­tra nus ce soir… »