Les Z’impromptus du Bijou – Juin 2020 (© Claude Fèvre)
Du 10 au 26 juin 2020 – Se retrouver enfin…
Les Z’Impromptus du Bijou
Avec, dans l’ordre de la programmation
Le « qu’ouis-je » de A Thou Bout d’Chant sur écran, Ericnemo (guitare, harmonica, et autres instruments d’un autre âge…), Claude Juliette Fèvre (lecture d’extraits de La Chanson, une vie…) & Lucien la Movaiz Graine (accordéon, guitare, voix), débat public de L’Université Populaire de Toulouse sur Des avions, des hommes et des femmes, Jourdàa (piano, voix) Chouf & Lise Martin, Le grand jeu du Confinement Déconfiné… mais cette fois en chair et en os : blind-test, blagues, bonne musique et jeux en cascade… , un mini-« osons » auditions publiques, Gaëlle Levallois dans Le cri de la plante verte (théâtre – compagnie Modula Medulla) Jules Nectar avec Milu Milpop et Clément Foisseau, Blind-test de clôture
Le Bijou (Toulouse)
Selon les mots de Wajdi Mouawad « se retrouver comme on se retrouve à la croisée des chemins, pour se donner des nouvelles, échanger, et se revoir dans le réel, débarrassés des écrans et des illusions virtuelles »… recoudre enfin les liens… Cesser de jouer les « petits poissons pilotes » aux côtés du grand squale de la Santé. C’est ce que le Bijou à Toulouse nous a offert. Le mot est juste : il s’agit d’un cadeau, de ceux qui réparent, reprisent, rassurent… Merci pour ces Z’impromptus, ces rendez-vous auxquels nous avons été des premiers et premières à répondre. Et avec appétit, envie, désir de vivantes émotions où le corps ne serait plus interdit de séjour.
Tout a commencé avec des consignes sanitaires qui laissent malgré tout aux salles l’opportunité d’ouvrir. Avec précautions, certes… Et voilà que le Bijou se dit « pourquoi pas ? » et se lance avec d’abord une participation publique au « Qu’ouis-je » de la salle lyonnaise. On installe l’écran dans la salle de restauration, on se regroupe autour de quelques tables – en respectant les règles de distanciation ! – et hop c’est parti pour plusieurs heures d’épreuves où la chanson se tord, se distord dans tous les sens… Jugez un peu, entre autres festivités : des paroles de chansons internationales traduites par Google Trad (un régal !) de reprises sans accordeur (Si, si ! Ils ont osé ! Et même que le guitariste désaccordé s’appelle Rémi) des chansons mimées (Désopilant ! Essayez, vous verrez ! ) des pochettes d’albums détournées, des paroles de chansons masquées avec d’autres mots (Tordu !) le patchwork (Oh là ! 25 chansons à trouver !). On saura que 50 équipes s’étaient retrouvées pour le grand final de ces éditions confinées et que l’équipe du Bijou finissait dans le peloton de tête.
C’est d’ailleurs avec un rendez-vous de semblable teneur que le Bijou referme ce soir l’étrange saison 2019 – 2020, histoire de vérifier que la Chanson est bien cet art populaire qui laisse ses refrains dans nos mémoires et appartient bel et bien à notre goût de la fête.
C’est aussi de cette Chanson là dont il a été question dans la soirée du vendredi 12 où nous avons lu des pages de Chanson, une vie – Abécédaire amoureux, ouvrage paru aux éditions Vox Scriba pendant ce confinement. Des pages sensibles, tendres, amoureuses pour les chanteurs, pour les lieux qui la défendent et l’illustrent. Julien Malherbe /Lucien la Movaiz Graine avait, lui aussi, répondu présent… Quittant pour quelques heures son repaire, son abri au milieu des vignes, il est venu poser sa voix, ses notes d’accordéon et de guitares sur quelques chansons qui nous sont devenues essentielles. Celles dont nous disons qu’elles constituent un patrimoine. 1h30 d’un authentique partage qui valut à certain-e‑s quelques pleurs…
Pas question pourtant de faire de la salle du Bijou un lieu hors du temps présent. La réalité d’une économie sacrifiée s’est rappelée à nous avec l’Université populaire de Toulouse qui abordait la question du devenir de l’aéronautique. Vaste chantier !
Le théâtre aussi s’invite de temps à autre au Bijou. Cette fois ce fut avec un conte écrit et interprété par Gaëlle Levallois de la Cie Modula Medulla : Le cri de la plante verte. D’emblée tout est fait pour que nous puissions nous amuser beaucoup de cette conteuse. Elle vient difficilement à bout de son histoire, se prend les pieds dans le tapis des mots dont elle veut à tout prix éviter les répétitions, incarne des personnages à l’accent aveyronnais (irrésistible !), des vieilles femmes aux allures de sorcières, des animaux – une vache en mal de rôle de princesse, un crocodile libidineux. Au fil du récit, elle invente une dramaturgie désopilante (et savante !). Mais très vite on comprend que le rire pourrait bien une fois encore masquer – à peine ! – des épreuves, des douleurs… Laissons au spectateur sa libre interprétation du « cri de la plante verte ».
Enfin bien sûr, cette quinzaine nous a offert des concerts…
L’occasion de faire des découvertes – c’est l’un des rôles majeurs que s’est assignée cette salle. Pour nous ce fut d’abord Ericnémo, qui nous évoque nos chères années 70 : le motif de sa chemise, son visage de vieux loups de mer, quelque chose d’Antoine ou de Mick Jagger, et la musique, parfois très ouest américain, l’interprétation… Ses chansons nous promènent dans sa vie intérieure, son histoire, son regard sur la monde autour, « un voyage différent chaque matin ». Côté découverte, vint ensuite Jourdàa, accompagné magistralement par l’homme aux multiples claviers, Frédéric Schadoroff. Jourdàa est un artiste, un vrai. Il occupe la scène avec une aisance qui étonne, tant dans sa gestuelle que dans les trouvailles de mise en scène. Très vite nous pensons à Yanowski, à la puissance de ses concerts expressionnistes. Les textes emportent, bousculent. On retient quelques mots comme ceux de cette chanson : « Toi, t’es comme tout le monde /T’es comme une hirondelle qui décolle et qui te cogne /C’est du vent qu’il te faut… Tu cours, tu cours /Tu cours après quoi… une porte qui baille, une épaule ou un toit… » Et enfin il y eut en version écourtée, une soirée « Osons », dévolue aux auditions publiques. Cette fois on déroge un peu à la règle en programmant les proches, tout proches qui, eux aussi, s’adonnent à la chanson. C’est ainsi que l’on a découvert Charlyne Cazes, technicienne du Bijou, armée pour l’occasion de sa guitare, capable de faire chanter toute la salle en un tour de main, et même de nous faire croire aux espérances d’un poing levé. Ce fut ensuite son complice, Kévin Goret, alias Joe, partenaire du Bijou depuis des années, développeur de mille et un projets autour de la communication et… chanteur à ses heures ! On découvre alors un monde de tendresse et c’est franchement bon ! Pour finir, on vit Le faussaire, chanteur de The Band from NY, s’essayer au solo avec une imitation du style, de la voix de nos plus grands, dans des textes de son crû.
Pour conclure, on aime évoquer la présence des fidèles toulousains… D’abord un concert de Simon Chouf et Lise Martin, de quoi nous donner à savourer ce que les heures de confinement ont pu apporter. Le duo, couple dans la vie, a peaufiné ses arrangements, l’harmonie de ses voix… Simon nous fait partager ce qu’il a ressenti au cours de ses derniers mois, il en fait une chanson « La nuit ça se traverse, la nuit… ». Il s’adonne à la reprise, comme beaucoup d’autres dans cette période et nous offre une émouvante interprétation de Barbara Tu ne te souviendras pas. Réunis, ils nous offrent des mots d’amour comme Lise a su le faire chaque jour pendant les 55 jours de confinement… Tété, Allain Leprest…
C’est avec Jules Nectar et ses deux complices Milu Milpop et Clément Foisseau que s’achève cette rétrospective des Z’impromptus du Bijou. Dix –huit chansons en acoustique pour nous donner à chanter ensemble – l’envie de chanter, c’est contagieux ! – à accompagner les heurts et bonheurs, les refus et les rêves d’une vie semblables à beaucoup d’autres. Nous aimons cette simplicité, ce dépouillement, cette authenticité du concert en acoustique qui redonne aux chansons toute leur fraîcheur.