La Rouquiquinante, quelque chose de la môme Piaf (© droits réservés)

La Rou­qui­qui­nante : Hymne à la Môme (© droits réservés)

19 mars 2016 – Hymne à la Môme

par La Rou­qui­qui­nante : Karin Mei­gnan (chant), David Mei­gnan (pia­no, accor­déon) et Domi­nique Robert (accor­déon)

Soirée organisée par l’association Les ailes du moulin, à la salle des fêtes de Cuq (Lot-et-Garonne)

Faire le pari de reprendre les chan­sons d’une inter­prète de la dimen­sion d’Edith Piaf pour­rait être tenu pour de l’outrecuidance. La chan­teuse des rues, que son his­toire plus ou moins roman­cée a éle­vée au stade de mythe, appelle néces­sai­re­ment la comparaison.

Alors, on n’est pas éton­né d’apprendre que Karin Mei­gnan en a fait des cau­che­mars, a piqué des colères, a cru cent fois renon­cer ! Mais c’est fina­le­ment le public qui a eu rai­son de ses doutes et de ses peurs. C’est lui qui lui a récla­mé les chan­sons de la môme. Car, on le sait bien, ses chan­sons, comme son per­son­nage, sont de nos vies, de nos his­toires per­son­nelles et fina­le­ment de l’Histoire de notre pays.

Karin et David Mei­gnan ont pro­me­né sou­vent ce réper­toire en duo pia­no – chant. La ren­contre récente de Domi­nique Robert leur a don­né l’envie de redon­ner vie à leur spec­tacle avec ce son inéga­lable de l’accordéon. C’est qu’il a la ver­tu de nous trans­por­ter en quelques accords dans ce Paris des poètes, des artistes, des poul­bots, ce Paris qui fait rêver le monde entier. Alors, com­men­çons par dire que ce paravent habillé de la pho­to­gra­phie d’une entrée de bouche de métro d’Hector Gui­mard, cette petite table ronde recou­verte d’une nappe rouge sont un simple mais judi­cieux pas­se­port pour Ménil­mon­tant ou Bel­le­ville, Sous le ciel de Paris.

Quand Karin entre dans sa robe noire – idéale par sa coupe, sa lon­gueur – avec sa che­ve­lure rousse et qu’elle entonne La goua­lante du pauvre Jean, on se laisse prendre au jeu. La voix est ample, assu­rée. Elle évite de « trop en faire », de trop insis­ter sur les R. Nous voi­là rassurés.

Elle par­vient au fil des chan­sons, par­mi les plus connues, par­fois les légen­daires, à y mettre pour­tant son empreinte. On aime­ra sin­gu­liè­re­ment la re-créa­tion ryth­mée de John­ny tu n’es pas un ange qui clôt le concert. Mais Karin est une inter­prète par­ti­cu­liè­re­ment bou­le­ver­sante dans les chan­sons pathé­tiques. On sent qu’alors la chan­son l’habite. Et disons-le, son émo­tion fait écho à la nôtre. On fris­sonne à l’écoute de Bra­vo pour le clown, plus encore pour Les amants d’un jour qu’elle achève dans une déli­cate rete­nue ou pour la prière, la sup­plique déchi­rante de Mon Dieu après laquelle elle laisse les musi­ciens seuls en scène. On devine que l’émotion est si forte qu’il lui faut reprendre souffle un ins­tant. Nous aus­si nous en avons besoin.

On appré­cie par­ti­cu­liè­re­ment qu’elle choi­sisse aus­si de chan­ter Tout fout l’camp, cette chan­son écrite à la veille de la seconde guerre mon­diale. On ne résiste pas à en rap­pe­ler quelques mots pour dénon­cer « ce monde en folie ». Le nôtre aujourd’hui ?

« Nous sommes maîtres de la Terre /​Nous nous croyons des presque Dieu Et pan ! Le nez dans la pous­sière /​Qu’est-ce que nous sommes ? Des pouilleux. » Et ce refrain : « Et là-haut les oiseaux /​Qui nous voient tout petits, si petits /​Tournent, tournent sur nous /​Et crient : Au fou ! Au fou ! »

Mais il ne fau­drait sur­tout pas ima­gi­ner que ce concert n’est que pathos car ce serait oublier les néces­saires fan­tai­sies dans l’interprétation – une façon aus­si de prendre de la dis­tance avec le mythe Piaf – les facé­ties de David der­rière son pia­no, le déli­cieux duo avec l’accordéoniste pour inter­pré­ter A quoi ça sert l’amour ?

Le titre du spec­tacle annonce un hom­mage, un hymne. Disons que nous y avons vu sur­tout un immense res­pect pour cette chan­teuse du siècle pas­sé qui laisse une empreinte indé­lé­bile. Et s’il est effec­ti­ve­ment ques­tion d’hymne, c’est un hymne à l’amour de la chan­son, de cette chan­son qui ne cesse de nous han­ter. Tous les témoi­gnages convergent pour dire que même quand la mémoire « fout’l’camp » avec les ans, les chan­sons, elles, y demeurent.

La Rou­qui­qui­nante est de ceux qui mettent leur voix au ser­vice de ce pré­cieux patrimoine.

Hymne à la Môme, choix de chansons

La goua­lante du pauvre Jean (René Rou­zaud – Mar­gue­rite Mon­not, 1953) – Mon manège à moi (Jean Constan­tin – Noël Glanz­berg, 1958) – Non je ne regrette rien (Michel Vau­caire – Charles Dumont, 1960) – Bra­vo pour le clown (Hen­ri Contet – Loui­guy, 1953) – Bal dans ma rue (Michel Emer, 1949) – Le roi a fait battre tam­bour (Marc Her­rand, 1946) – Tout fout le camp (Ray­mond Asso – Juel, 1939) – La foule (Michel Riv­gauche – Angel Cabral, 1957) – Les amants d’un jour (Claude Delé­cluse – Michelle Sen­lis – Mar­gue­rite Mon­not, 1956) – Milord (Georges Mous­ta­ki – Mar­gue­rite Mon­not, 1959) – Édith (Jean Dré­jac – Michel Legrand, 1971) – La vie en rose (Edith Piaf – Loui­guy, 1942) – Sous le ciel de Paris (Jean Dré­jac – Hubert Giraud, 1951) – Mon Dieu (Michel Vau­caire – Charles Dumont, 1960) – À quoi ça sert l’amour ? (Michel Emer, 1962) – Rien de rien (Charles Azna­vour – Pierre Roche, 1951) – L’accordéoniste (Michel Emer, 1942) – Padam (Hen­ri Contet – Noël Glanz­berg, 1951) – L’Hymne à l’amour (Edith Piaf – Mar­gue­rite Mon­not, 1949) – John­ny tu n’es pas un ange (Fran­cis Lemarque – Les Paul, 1953)

Repor­tage : nou­velle ver­sion Hymne à la Môme (2015)