Marion Cousineau –Théâtre du Grand Rond – 2018 (© Claude Fèvre)

Marion Cou­si­neau –Théâtre du Grand Rond – 2018 (© Claude Fèvre)

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14 novembre 2018, Marion Cou­si­neau en apé­ro-concert

Moi qui n’ai pas d’ailes

Avec

Marion Cou­si­neau (Basse, cla­vier, voix)


Le Théâtre du Grand Rond – (Tou­louse)

Marion Cousineau est née…

…deux fois. La pre­mière en France en Avril1984 et la seconde au Qué­bec en Jan­vier 2011.

Sa pre­mière vie la mène de la Bre­tagne à la région pari­sienne, de la musique au sport, de l’in­for­ma­tique à la psy­choa­cous­tique, jus­qu’à sa thèse de doc­to­rat, qu’elle effec­tue au Dépar­te­ment d’É­tudes Cog­ni­tives de l’ENS à Paris. C’est pour appro­fon­dir ses recherches qu’elle s’en­vole vers Montréal.

C’est le début d’une deuxième vie qui la ver­ra tom­ber, sans qu’elle l’ait vrai­ment pré­mé­di­té, dans le spec­tacle vivant… Au fil du temps, l’é­cri­ture, la musique et la scène prennent de plus en plus de place dans sa vie. Après avoir rem­por­té tous les prix en tant que paro­lière au Fes­ti­val en Chan­son de Petite-Val­lée en 2015, Marion com­plète l’an­née sui­vante le cur­sus de l’É­cole Natio­nale de la Chan­son à Granby…

Depuis, elle fait tour­ner son réci­tal solo – chan­sons entre­mê­lées de poé­sies accom­pa­gnées à la basse élec­trique – entre le Qué­bec, la Suisse et la France. Elle conti­nue d’é­crire pour les autres et d’af­fi­ner son » Geste » d’in­ter­prète en le frot­tant à dif­fé­rentes formes d’art de la scène (clown, conte, théâtre phy­sique, cirque, …).

Marion entre dans la salle du bar, sou­rit, passe la main dans sa che­ve­lure fri­sée en un geste enfan­tin, pro­nonce les pre­miers mots : « Même pas peur »… La salle fré­mit. Elle déroule son pre­mier texte par­lé… « Même pas peur du pas­sé qui reste à vivre… Du futur à oublier… De la mort quoi qu’on en dise… De ta bouche et des cerises… » Voi­là, il est déjà trop tard pour échap­per au charme indi­cible de Marion Cou­si­neau qui, sans aucun apprêt, sans le moindre effet ni du corps ni de la voix, sou­met le public à sa loi.

Il nous revient en mémoire les mots d’un ami pro­non­cés à Bar­jac à la sor­tie de son concert sous le cha­pi­teau. C’était en sub­stance ceci : « Que l’on n’aille sur­tout pas lui don­ner des cours de pré­sence scé­nique, la confier à un coach… On cour­rait le risque de lui ôter ce qu’elle a d’unique. »

Alors, ce soir, on revient l’écouter avec la cer­ti­tude de se lais­ser à nou­veau prendre par le cœur. Et comme on ne veut rien perdre de cette émo­tion là, on se pré­ci­pite, à peine ren­trée, sur le cla­vier. Sau­vons ce fris­son, cette envie de fer­mer les yeux comme pour lais­ser péné­trer plus avant les mots. Qu’ils s’en viennent cares­ser, conso­ler, émer­veiller cette part de nous qui désire qu’on lui raconte des his­toires. Et Marion sait nous les raconter…

Elle atten­dra quatre titres pour saluer le public. Quatre textes par­lés ou chan­tés, s’accompagnant à la basse dont elle use comme d’une ponc­tua­tion, d’une res­pi­ra­tion. Toute en dou­ceur, légè­re­té, mini­ma­liste comme elle le fera ensuite au cla­vier. Le temps de vivre un voyage en train, une ren­contre impro­bable très ciné­ma­to­gra­phique, puis de se ques­tion­ner sur la « dis­tance requise » entre deux êtres et dont on ne sait rien…

Ensuite, au gré du concert, Marion adopte le ton de la confi­dence qui sied tel­le­ment bien à cette soi­rée, à ce petit lieu. Elle se raconte, et raconte l’histoire de ses chan­sons nées des cir­cons­tances de sa vie… Une ren­contre, au bar Le Che­val Blanc, celle d’An­gèle… « La moi­tié de la beau­té du monde s’est envo­lé en une seconde » quand « on lui a pris son homme ». Alors Angèle ose lan­cer au Christ de l’Eglise ce cri « Fuck you » qui nous rap­pelle étran­ge­ment la sem­blable malé­dic­tion que pro­nonce Gas­ton Cou­té dans le Christ en bois : « T’as l’vent”, t’as l’coeur, t’as tout en bois ! » Elle évoque son goût de l’écriture, sa cor­res­pon­dance heb­do­ma­daire avec son amie Jo pen­dant cinq ans et celle avec son père qui lui fit écrire un texte d’une beau­té déchi­rante. Elle y refait avec lui un dou­lou­reux che­min dans le cime­tière du Père Lachaise…

Elle rend hom­mage au Qué­bec où elle s’est ins­tal­lée, à cette terre qui a été si « bonne » pour elle, qui lui a fait décou­vrir celui qui est deve­nu le par­te­naire de son duo Many et, au-delà, l’univers de la Chan­son. C’est l’occasion de sou­li­gner qu’elle sait re-créer, habi­ter comme per­sonne, Drouot de Bar­ba­ra, Saint Max d’Allain Leprest ou Cap au Nord d’Anne Syl­vestre qu’elle chan­te­ra a capella.

Le mani­feste de Marion, c’est l’Amour. Doit-on s’en éton­ner ? Elle le dit magni­fi­que­ment « Je vou­drais vivre Amour et ne pas en démordre…faire fris­son­ner Amour jusqu’à ce qu’il déborde ». Et quand il s’agit de l’amour dans le couple, c’est avec le départ qu’elle l’exprime, « être juste un souffle à ton cou »… On vous l’a dit… Elle se veut légère, Marion…

On gar­de­ra le sou­ve­nir de ces mots simples que nous repre­nons en chœur – sa chan­son « dou­dou » nous confie-t-elle, com­po­sée à Gran­by – « Vas‑y dou­ce­ment /​des­serre juste un peu les dents/​un pas à la fois, c’est ça /​regarde pas en bas… » Ou bien cette chan­son où l’on regarde dans le rétro­vi­seur, quel que soit notre âge, « Com­bien de fois et à qui as-tu dit je t’aime ? » Elle com­mence avec le rap­pel d’un tableau de Dali, ten­dre­ment élé­giaque dans ses tons bleus et gris. La jeune fille à la fenêtre non­cha­lam­ment appuyée, regar­dant l’immensité de la mer… Peut-être alors se rêve-t-elle oiseau… ? « Prendre à par­ti le ciel », chante Marion … « un sou­rire de gamin vis­sé au coin des lèvres… Se tenir fer­me­ment, res­pi­rer, beau­coup, sou­vent… »

Toute une leçon de vie dont on emporte la cha­leur, la vibra­tion pour les gar­der le plus long­temps pos­sible en nous.