Claude Nougaro & Yvan Cujious (© Droits Réservés)
26 Septembre 2019 et 1er Octobre, soirées hommage à Claude Nougaro
Commando A3 [Tribute Nougaro]
Une voix Six cordes
Avec
François Dorembus (voix, guitare), Fabrice Aillet /alias Ernest Barbery (voix, guitare électrique, électronique) Olivier Capelle (voix, samplers multi-effets) – Invité Alexis Kowalczewski (clarinettes)
Yvan Cujious et Louis Winsberg – Invités Art Mengo, Magyd Cherfi)
Le Bijou & Salle Nougaro (Toulouse)
Chanter Claude Nougaro, lui rendre hommage, ici, à Toulouse c’est comme une évidence… Et pourtant, on ne saurait dire que cela va de soi. Comme pour tout chanteur de notre patrimoine, direz-vous, qui laisse l’empreinte indélébile de son corps, de sa voix, de ses intonations. « Chanter Claude Nougaro, c’est de la haute montagne » dit Yvan Cujious dans l’article de La Dépêche du 15 septembre dernier. Sans doute oui. C’est un indéniable défi. Tomber dans le mimétisme, l’imitation serait sûrement le pire. Alors pas d’autre alternative que de faire de ses chansons une création nouvelle, de les colorer de sa sensibilité, de ses intonations, de son choix instrumental. Après tout, Claude Nougaro montrait lui-même la voie en adaptant en français des chansons d’ailleurs. Dans la longue chaîne de la création, chacun est toujours redevable peu ou prou de l’histoire qui l’a précédé, de ses rencontres artistiques, de son environnement proche ou lointain…
Ces derniers jours, deux concerts ont ainsi repris le répertoire de Claude Nougaro, renouvelant le plaisir d’appréhender l’immensité, la diversité de son talent d’auteur. Il faut le dire, la matière est immensément riche et belle !
Ce fut d’abord Commando A3, un trio incroyablement inventif et joyeux qu’avait rejoint Alexis Kowalczewski avec ses clarinettes – merveilleux complément ! Le ton est donné d’emblée avec une version décalée de Paris mai, Fabrice Aillet au chant. Un festival instrumental auquel se joint volontiers le public emporté par cette énergie jubilatoire que souligne sans cesse Olivier Capelle, aussi habile aux baguettes qu’aux effets vocaux et samplers. A l’image de leur tenue vestimentaire très colorée, tout est occasion de cadences, de « Tam-tam, /Tam tam, tam tam, oui oui, tam tam d’âme, /Partout, dedans, dehors… » dans le sillage de la Locomotive d’or… On respire à peine entre les chansons…ça swingue méchamment quand s’enchaînent L’amour Sorcier, Sing, sing, Vie violence et les mots tintent, les voix du trio s’échangent et se répondent et les instruments jubilent. Comment ne pas se laisser emportés par ce vent de folie quand ils abordent Bidonville ? François Dorembus, seul à la guitare, laisse un espace à la douceur avec La maîtresse et ce chien qui flaire la menace de l’amant… On entendra même quelques lignes de l’immense Plume d’ange et son message séraphique, pour finir en rappel sur une version inattendue et émouvante de Toulouse.
On ne saurait trop conseiller aux amoureux de l’art « nougaresque », de celui qui « poêtre » peut-être, comme il s’est amusé à l’écrire, on ne saurait trop conseiller d’aller écouter ce Commando A3… On lui pardonnera volontiers son nom aux consonances guerrières pour se réjouir de ses reprises, de ses re-créations nourries de l’énergie musicale, du souffle vital de Claude Nougaro.
Quelques jours après, dans la salle Nougaro qui affiche complet, ce fut le tour d’Yvan Cujious. En écho à l’album de 1991 intitulé Une voix, dix doigts, enregistré tout près de là, à Odyssud (Blagnac) avec seulement Maurice Vander au piano, le concert s’intitule Une voix Six cordes… Les cordes de la guitare de Louis Winsberg pour seul accompagnement. C’est donc une formule intimiste, une scénographie très sobre. Le chanteur et le guitariste sont d’abord assis sur un petit podium dans une ambiance couleur d’ambre, veillés par l’autoportrait de Claude Nougaro en petit taureau. Le concert s’ouvre dans une atmosphère de coin de l’âtre avec le texte de Ma cheminée est un théâtre… « L’homme et la flamme savent s’entendre /Ils se ressemblent tant tous deux /Dresseurs de feu, laisseurs de cendres. /Feu le Feu ».
Mais lorsque Yvan Cujious passe du texte dit au texte chanté avec Le cinéma, Une petite fille en pleurs, et surtout Dansez sur moi, on serait presque dérangé de le voir rester assis, tant le corps nous semble essentiel dans l’interprétation du répertoire de Claude Nougaro. On avoue être soulagé quand il se lève enfin pour accueillir Michel /Art Mengo qui chante Chanson pour le maçon, hommage à l’ami et poète, Jacques Audiberti. Yvan parsème son concert d’anecdotes évoquant sa rencontre avec Claude Nougaro. Il y met la simplicité, le naturel, la gaîté, une pointe d’autodérision qui lui sont propres. Il chante alors, de toute son âme – on n’en doute pas – de tout son corps aussi, quelques titres mythiques. Notons qu’il s’écarte très peu de son modèle, soutenu par la guitare qui lui fait une véritable orchestration : Petit taureau, La pluie fait des claquettes, Jazz et Java, Rimes… Il se lance enfin – non sans évoquer son audace – dans l’incroyable et merveilleux court métrage A bout de souffle… Nous savourons d’entendre des textes peu connus, Jésus, puis le Gardien de phare est rond par Magyd Cherfi. De délicieux moments, plein de la malice de leur auteur ! C’est la douceur de Cécile qui clôt le récital en rappel avant qu’Yvan ne nous offre sa version de Toulouse à la trompette, précédée de quelques mesures du Bolero de Maurice Ravel. Le public lui fait une ovation debout très méritée.
La soirée s’achève sur Le papillon et le troubadour dit par les trois complices de cette soirée : une galéjade, une truculence de Claude Nougaro où s’exprime, sur un ton très rabelaisien, son appétit vital et hautement viril. C’est alors qu’Yvan annonce la parution d’un album et la reprise de leur concert Toulouse Con Tour pour l’été 2020.
Promesse d’entendre encore les chansons de Claude Nougaro qui leur collent à la peau.