Ô Quintet & Orchestre de Chambre de Toulouse, Nougaro (© Claude Fèvre)
15 juin 2017 – Ô Quintet et l’Orchestre de Chambre de Toulouse, Nougaro
Création
Avec :
Ô Quintet : Michel Baulo (vocal), Michel Marcos (guitares), Frédéric Teysseyre (piano), Pierre Costes (batterie) et Alain Jubert (contrebasse)
L’Orchestre de Chambre de Toulouse (OCT) : Manon Bonnaric, Ana Sanchez-Hernandez, Nicolas Kononovitch, Patrick Lapène, Anaïs Holzmann, Aurélie Doriac (violons), Vincent Gervais, Carlos Vizcaino Gijon (altos), Nabi Cabestany, Étienne Larrat (violoncelles), Alexandre Klein (contrebasse)
Direction : Jean-Sébastien Cambon
Auditorium de Saint-Pierre-des-Cuisines (Toulouse)
S’il en est un qui par sa vie, son répertoire, bouscule les frontières du genre c’est bien Claude Nougaro. Avec ses chansons, voici une occasion de rappeler la richesse émotionnelle que nous livrent des rencontres artistiques comme celles de ce soir, dans ce lieu majestueux du vieux Toulouse. Dire que les hautes voûtes ajoutent de la beauté, c’est une évidence.
La ville de Toulouse, ses musiciens de toutes générations, ne cessent d’en revenir à ce don que lui fit Claude Nougaro. Dans tous les styles, ses chansons continuent de s’en aller baguenauder sur les rives de la Garonne, de s’encanailler dans les petites rues écrasées de soleil, de pétiller leurs bulles de jazz dans les verres en terrasse…
Claude Nougaro appartient pour toujours et à jamais à Toulouse.
Les spectateurs continuent à ovationner la chanson éponyme de leur ville rose, aux premières notes… Ce fut encore le cas ce soir. Seul moment, notons-le, où le public est sorti de son écoute quasi religieuse… Influence du lieu ? Influence du répertoire classique de l’Orchestre de Chambre ? Chaleur suffocante ? Un peu tout à la fois sûrement. Ou peut-être seulement, un immense hommage d’un public mêlé, toutes générations confondues, même des enfants…
On aurait aimé pourtant je ne sais quel souffle, quelle respiration, quels battements de cœur, quelle circulation d’énergie communicative à l’écoute de ce répertoire. On s’est sentie souvent à l’étroit. Quelque chose de trop sage, trop parfait pour interpréter cette force sauvage, tellurienne, souvenir puissant que Claude Nougaro en scène nous a laissé…
Car c’était parfait ! À commencer par la voix de Michel Baulo qui colle à celle de Claude, qui en connaît toutes les intonations, les nuances… Parfait !
On ne peut qu’admirer, la rencontre, le partage subtil de ces deux ensembles, les arrangements « au cordeau » des cordes de l’Orchestre de Chambre de Toulouse qui se mêlent au quintet de jazz, sous la baguette de Jean-Sébastien Cambon. Elles donnent de l’amplitude, de la hauteur lyrique au chant. Avec elles, on entre dans des univers très cinématographiques. Quand le texte déroule son paysage, Beaucoup de vent, paysage paisible, sauvage, et ce « vent émouvant, enivrant, déchirant » ou septembre à l’Île de ré, « Regardant les teintes /Allumées, éteintes /D’une toile peinte /Par un génie clair… » Quand il raconte une histoire, Un été, tendre, émouvant souvenir d’adolescence, « Sous la jupette jaune brunissait l’or des jambes »… Le piano jazz fait son solo.
Parfois Ô quintet seul accompagne les chansons, comme pour Bidonville ou Brésilien, cette dernière avec seulement guitare et percussions. Parfois au contraire les deux ensembles réunis magnifient la chanson en lui donnant toute son intensité, sa force tragique dans Vie Violence ou épique dans Paris Mai. On est particulièrement touchée par les atmosphères créées pour Une petite fille, La pluie fait des claquettes à petits coups de « pizz » des violons en écho aux notes du piano, et surtout pour Bonheur « C’est à croire qu’on ne te mérite pas /Que l’homme n’est pas fait pour toi » aux sons de l’alto profond.
Car ce que cette « relecture » prestigieuse de vingt-cinq chansons – ce n’est pas rien ! – nous offre, c’est la réminiscence de la portée humaniste de ce répertoire. Claude Nougaro a dit de mille et une façons son rapport à la vie (Prisonnier des nuages), au temps (Il faut tourner la page) au vieillissement (Allée des Brouillards) à la souffrance, jusqu’aux portes de sa propre mort.
Pathétique, troublante et sage Fleur Bleue : « Baladons-nous encore un peu /À travers les chardons ardents /Encore un pas, serrons les dents /Elle attend peut-être nos yeux. »
Ce qu’il nous laisse c’est un superbe hommage à l’amour toujours recommencé… Tu verras, bien sûr… mais aussi chanson nettement moins connue, Bras dessus bras dessous…
L’amour, « C’est plein ciel » !
Et surtout, surtout ce qui nous est légué par Claude Nougaro c’est un hymne à la musique, aux musiques, comme l’illustrent magnifiquement la soirée et cette chanson, Vieux Vienne, interprétée piano voix et, comme il se doit, avec des cordes langoureuses pour valser :
« Toutes les musiques sont bénies
D’où qu’elles viennent, quels que soient leurs nids
Elles appartiennent à l’âme humaine »