Concèze, Noga– / Patrick Bebey(©Dominqiue Condou)

Concèze, Noga– /​Patrick Bebey (© Domi­nique Condou )

15 août 2016 – Concèze, Noga /​Patrick Bebey

avec la lec­ture de Pas­cale Anglès (recueil D’Ors et de ciel) accom­pa­gnée par Etienne Cham­pol­lion (pia­no) - Noga, voix, Patrick Bebey, pia­no, Oli­vier Koun­dou­no, Vio­lon­celle – Tatia­na Gous­set, Péné­lope-Rose Lévèque, Jus­tine Thi­bau­dat, Can­nelle Car­ré-Cas­saigne et Julie Delarme dans Poé­sie en Liber­té et Place de la Sorbonne

Salle du Foyer rural – Concèze (Corrèze)

Tra­di­tion oblige à Concèze : c’est de la volon­té de Mat­thias Vin­ce­not, créa­teur du fes­ti­val, Chan­son ET Poé­sie, Poé­sie ET Chan­son… Cette nou­velle soi­rée n’y déroge pas et le public offre une atten­tion, une qua­li­té d’écoute, un silence si sin­gu­lier… Eton­nant fes­ti­val ! Fes­ti­val gra­tuit où l’on vient en aver­ti ou sim­ple­ment en voi­sin, en famille. En ami tou­jours. Le res­pect est donc de mise bien que toutes les portes soient grandes ouvertes sur la place. A voir la conduite exem­plaire de tous, y com­pris les enfants, on en est à se deman­der quelle divi­ni­té répand son pou­voir chaque nuit sur Concèze. Est-ce Apol­lon appe­lé à la res­cousse ? A tant fré­quen­ter les poètes et la poé­sie Mat­thias Vin­ce­not pour­rait bien avoir obte­nu sa conni­vence… Allez savoir.

La soi­rée s’ouvre donc en poé­sie. Celle de Pas­cale Anglès qui nous invite à feuille­ter son der­nier recueil D’ors et de ciel, avec le sen­sible, déli­cat, sub­til accom­pa­gne­ment au pia­no d’Etienne Cham­pol­lion. Incon­tes­ta­ble­ment le temps sus­pend son vol dans cette étreinte avec les mots qui disent l’eau, le feu et le vent. Le cœur de la terre pal­pite. On l’entend battre. Et lorsque Pas­cale Anglès offre un poème à son père qui vécut sa vie de rude labeur dans la pous­sière d’une car­rière, le public offre une ovation…

Pou­vait –on ima­gi­ner meilleure mise en condi­tion pour accueillir Noga et ses deux musi­ciens qui lui font escorte ? C’est d’abord Oli­vier Koun­dou­no et son jeu éton­nant au vio­lon­celle, cordes pin­cées une à une, rythmes et per­cus­sions déli­cats pour lais­ser la voix de Noga prendre son envol sur le texte épo­nyme du récent album Lais­ser par­tir. Ces deux – là, tout au long se cherchent, se devinent, se guettent… comme si chaque chant était à créer. Les mots délivrent en ouver­ture – comme on le dit d’une sym­pho­nie – leur mes­sage de liber­té et de paix à par­ta­ger… Coûte que coûte, conti­nuer à aimer et à le dire. « Tis­ser le fil d’or qui tous nous réunit. » Femme enfin déli­vrée, Noga invite à la suivre, « Je suis la femme vivante ». Le pia­no de Patrick Bebey, nour­ri du jazz, des musiques d’Ailleurs, sa voix aus­si la rejoignent. Magni­fique osmose de Sta­bat mater où les langues se mêlent… hébreux…anglais… La main de Noga trace inlas­sa­ble­ment dans l’espace ses ara­besques. Son chant a capel­la en hébreux ensor­celle. Bien enten­du c’est invi­ta­tion à croire. C’est incan­ta­tion sans dieu d’aucune sorte, sans reli­gion, à moins que l’on ne s’attache à redon­ner son sens pre­mier au mot : Reli­gion, « reli­gere », relier… le temps de chan­ter, dans ce vil­lage de Cor­rèze où le monde semble arrê­ter ses délires, les mettre hors champ. On aime­rait croire sim­ple­ment que cette voix conti­nue­ra de réson­ner et de répandre sa soif d’amour bien au-delà. Certes, ce sont mots empha­tiques. Pour­tant on aime­rait qu’ils donnent envie de répandre ce chant. Qu’il aille Loin… long­temps… On aime­rait tant que les pro­gram­ma­teurs, que les acteurs de la Chan­son l’entendent…

Musique des mots, d’où qu’ils nous viennent, quelle que soit la terre qui les a vus naître, quelle que soit la langue qui les porte, fussent-ils inven­tés là, à l’instant… D’ailleurs ce sont les mélo­pées de Noga qui nous ont atteint l’âme à petits coups de rames. On les a sen­tis s’emparer de nous, nous embar­quer. Noga invite au voyage, sans bagage. Voyage inté­rieur s’entend.

Après le trio de Noga, vien­dront les voix de jeunes comé­diennes dont on remarque l’élégance. On aime­ra rap­pe­ler com­bien on est sen­sible à cet effort là en scène où tout est lan­gage. C’est hono­rer l’évènement, le public que de s’en sou­ve­nir. Il sem­ble­rait que le mot « Poé­sie » soit ici par­ti­cu­liè­re­ment asso­cié à l’élégance et à la beau­té… Petit bon­heur en sup­plé­ment donc… Les voix fémi­nines, toutes en délié et en grâce, diront des textes de lycéens, étu­diants, appren­tis puis ceux d’auteurs de la revue inter­na­tio­nale Place de la Sor­bonne. Mes­sage ras­su­rant pour ceux qui doutent : la poé­sie a de beaux jours devant elle.