DDC 2016 Lady Raymonde (©Philippe Matsas)

DDC 2016 Lady Ray­monde (© Phi­lippe Matsas)

3 février 2016 – 15ème Détours de Chants– Lady Raymonde aux Amériques

avec Lady Ray­monde, Denis d’Archangelo (chant), Sébas­tien Mes­nil (accor­déon, pia­no) sur une mise en scène de Juliette

Salle Bleue, Espace Croix Baragnon (Toulouse)

On lais­se­ra volon­tiers la parole à d’autres, pour pré­sen­ter Madame Ray­monde  « avec son rouge à lèvres sur les dents et le cœur sur la main, la diva diva­gante a plus d’un tour dans son sac à main » (Le Canard Enchaî­né). Et qui trou­ver de plus auto­ri­sée que Juliette ?

« Et si elle se pré­sente comme une chan­teuse « réa­liste » elle est bien plus que ça, pour moi. Son cœur à l’unisson de celui de ses frères humains, à tra­vers un réper­toire abso­lu­ment impec­cable, où les perles côtoient les scies, où Ara­gon donne la réplique à Dol­ly Par­ton, Lady Ray­monde de sa voix gri­voise et déchi­rante chante tout ce qui nous concerne depuis tou­jours : l’amour, la mort, la peur. Le tout cer­né d’un humour déli­cieux et tout à fait à mon goût, absurde s’il le faut, noir quand il le faut. »

Pro­gram­mer ce spec­tacle, dans le fes­ti­val Détours de Chant, c’est une fois encore bous­cu­ler les bar­rières, faire fi des cata­logues et des éti­quettes. Faire écho à K ! (kari­na Duha­mel), à La Reine des aveugles (Emi­lie Per­rin) à Kari­mouche qui, dans cette pro­gram­ma­tion, bous­culent joli­ment elles aus­si les conven­tions dans la forme et le fond…

Denis d’Archangelo, Lady Ray­monde chante, certes, mais offre bien davan­tage encore : tra­ves­tis­se­ment, théâtre, caba­ret… Certes il nous emmène dans un ailleurs, nous prend par le rire, la déri­sion, mais sans jamais nous lais­ser oublier notre monde d’aujourd’hui où la dif­fé­rence se paie par­fois très cher. D’ailleurs c’est elle, Lady Ray­monde qui l’annonce en début de spec­tacle, tout en s’attablant pour ava­ler un petit coup de rouge : « Les thèmes touchent au divin, à l’humain »… avant d’entonner Allain Leprest : Le temps de finir la bou­teille.

Dans la pénombre son accor­déo­niste, sur­nom­mé Le zèbre, s’est ins­tal­lé d’abord. Le temps d’apercevoir sa petite cas­quette, son nœud papillon blanc assor­ti aux chaus­sures, de l’entendre égre­ner quelques notes d’accordéon, pas­se­port vers le Mont­martre des pau­més, des clo­chards. Au cla­que­ment de ses talons, appa­raît Lady Ray­monde, avec son sac noir de petite vieille à la main. C’est immé­dia­te­ment un remous dans la salle, des rires à l’entendre chan­ter de sa voix de chan­teuse réa­liste, fati­guée de la vie, de la rue, Moi je cherche un emploi. Et ce sera là toute l’histoire, son fil conduc­teur : Madame Ray­monde cherche un emploi dans le monde des paillettes, des illu­sions, des rêves pour oublier la dure réa­li­té. Être « divine au rouge des néons »… S’adresser aux Mes­sieurs en leur deman­dant de « saluer l’impératrice, l’archiduchesse, la belle en cuisse, la belle abbesse… » Cette chan­son de Juliette, La Belle abbesse, ouvre et ferme le récit.

Elle raconte Lady Ray­monde… depuis ses douze ans. Il fau­dra plus de vingt chan­sons – en anglais pour un bon tiers – sans que l’histoire vrai­ment ne s’achève, pour nous trans­por­ter dans son rêve amé­ri­cain. Mais il fau­dra sur­tout des moments car­ré­ment jubi­la­toires où l’on ne peut s’empêcher d ima­gi­ner le duo, met­teur en scène-acteur, Denis & Juliette, en pleine répétition…

Il faut avoir enten­du l’arrivée en bateau et l’apparition de la sta­tue de la Liber­té qui fait écho à l’incroyable his­toire du gar­dien de phare de Join­ville ! Ellis Island, l’île où débarquent les émi­grants, l’allusion aux 28 jours d’emprisonnement de Charles Tre­net pour soup­çon d’homosexualité… Les sons de New-York quand on débarque. Les images de New-York où l’on aurait pu voir appa­raître la sil­houette du Char­lot de l’Emi­grant… Le rêve de Brod­way… L’attente d’un pro­duc­teur et l’inénarrable inter­pré­ta­tion avec la com­pli­ci­té du Zèbre de Rac­cro­chez c’est une hor­reur. L’attente de l’homme pro­vi­den­tiel, « J’voudrais qu’un homme se tue pour moi », sui­vie d’une autre chan­son – ter­ri­fiante celle-là !- chan­son de Gains­bourg pour Zizi Jean­maire : Les Bleus. Avant qu’on n’en arrive au clou du spec­tacle, quand Lady Ray­monde, à défaut de gagner la gloire en scène, devient ouvreuse de ciné­ma : vingt minutes d’un récit épous­tou­flant, inou­bliable dans sa vir­tuo­si­té comique, entre­cou­pé des strophes de L’histoire de Ben-Hur qu’interpréta Berthe Sylva.

Après cet acmé du spec­tacle, en pas­sant par l’épisode de la chan­teuse coun­try dans un bar les­bien (pas mal non plus !), on sent que l’on revient à l’émotion pure, à ce com­bat (I’m still here), « beau fixe ou sale temps, faut tenir »… Arrive le mal du pays sur un texte d’Aragon, Paris 42, et l’évocation, au son de la trom­pette nos­tal­gique d’un pia­no bar du Kansas.

L’image finale de Lady Ray­monde reve­nue en scène en robe rouge scin­tillante, s’en allant à petits pas au bras de son Zèbre, son regard en direc­tion du public à ce moment là, sont un tendre et émou­vant salut.

Elle a gagné Lady Ray­monde, elle est « divine au rouge des néons ».

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LISTE DES CHANSONS de LADY RAYMONDE

(Paroles /​Musique /​Créa­teur)

1 – Moi je cherche un emploi (de l’opérette « Yes ») Albert Wille­metz /​Mau­rice Yvain /​Arlet­ty – 2 – Le temps de finir la bou­teille Allain Leprest /​Romain Didier /​Allain Leprest -3 – La belle abbesse (pre­mière par­tie) Pierre Phi­lippe /​Juliette Nou­red­dine /​Juliette Nou­red­dine – 4 ‑J’ai douze ans Luc Pla­mon­don /​Ger­main Gau­thier /​Diane Dufresne – 5 – The Love Boat (de la série « Love Boat ») Paul Williams /​Charles Fox /​Jack Jones -6 – Le gar­dien du phare de Join­villeGeor­gius, Ber­tal-Mau­bon /​Tre­mo­lo /​Geor­gius- 7 ‑You­ka­li (de la pièce « Marie Galante ») Roger Fer­nay /​Kurt Weill /​Flo­relle – 8 – Grand-maman c’est New-York Charles Tré­net /​Charles Tré­net, Albert Las­ry /​Charles Tré­net – 9 – Hot Dog Spe­cial Buck Owens, Den­ny Ded­mon, Albert Kas­sa­bi /​Buck Owens, Den­ny Ded­mon /​Les For­bans – 10 – Speak Soft­ly Love (du film « The God­fa­ther ») Nino Rota – 11- Brook­lyn By The Sea Étienne Roda-Gil /​Mort Shu­man /​Mort Shu­man – 12- Everything’s Coming Up Roses (du musi­cal « Gyp­sy ») Ste­phen Sond­heim /​Jule Styne /​Ethel Mer­man – 13- Rac­cro­chez c’est une hor­reur Serge Gains­bourg /​Serge Gains­bourg /​S. Gains­bourg, Jane Bir­kin – 14 – J’voudrais qu’un homme Patrick Jean /​Rol­land Claude /​Odette Laure – 15 – Les bleus Serge Gains­bourg /​Serge Gains­bourg /​Zizi Jean­maire – 16 – L’histoire de Ben-Hur Louis Pote­rat /​Paul Ster­man /​Berthe Syl­va – 17- Jolene Dol­ly Par­ton /​Dol­ly Par­ton /​Dol­ly Par­ton -18 – I’m Still Here (Tenir) (du musi­cal « Fol­lies ») Ste­phen Sond­heim, Pierre Phi­lippe /​Ste­phen Sond­heim /​Juliette Nou­red­dine – 19 – Paris 42 Louis Ara­gon /​Lino Léo­nar­di /​Monique Morel­li – 20 – Good Night Ladies Lou Reed /​Lou Reed /​Lou Reed – 21 – La belle abbesse (suite et fin) Pierre Phi­lippe /​Juliette Nou­red­dine /​Juliette Nou­red­dine – 22 ‑À Mada­gas­car (de l’opérette « La route fleu­rie ») Ray­mond Vin­ci /​Fran­cis Lopez /​Bour­vil – 23- Ah Paree ! (du musi­cal « Fol­lies ») Ste­phen Sond­heim /​Ste­phen Sond­heim /​Fifi D’Ors