16ème Festival DécOUVRIR – Tulle - Trio Bodie (©Claude Fèvre)

16ème Fes­ti­val DécOU­VRIR – Tulle – Trio Bodie (©Claude Fèvre)

13 au 18 août 2018 16ème Fes­ti­val DécOUVRIR

De décou­verte en découverte

Avec quelques coups de cœur

Fré­dé­ric Zei­toun En chan­teurWil­fried Cor­bier, Antoine Coe­sens, Eric Guille­ton, Garance, Mar­gaux Guille­tonInès Deso­rages, inter­pré­tant Fran­çois Cor­bierEric Guille­ton et Mat­thias Vin­ce­not dans 20 ans com­muns – Les poèmes des lau­réats 2018 de Poé­sie en Liber­téFlo­rence Guer­fi – Bodie (Emi­lie Marsh, Joko et Cécile Her­cule) – Domi­nique Tho­mas et la poé­sie d’Oli­vier Sowins­kiNico­las Pey­racMècheSmaïn Belle du Ber­ryDavid Lewis (Paris Com­bo) – Gati­ca- Pha­nee de Pool /​Fan­ny Dierck­sen

Et tou­jours l’ensemble DécOUVRIR

Etienne Cham­pol­lion : pia­no, accor­déon, gui­tare, arran­ge­ments, Louis Thé­ve­niau : cla­ri­nette, Vincent Imbert, pre­mier vio­lon, Ben­ja­min Clou­tour : second vio­lon, Flo­rian Texier : alto, Astrid Bâty, vio­lon­celle


Ter­rasse du châ­teau et média­thèque à Pom­pa­dour – Salle du Foyer rural à Concèze – Salle Latreille à Tulle – (Cor­rèze)

Bien sûr, c’est dif­fi­cile d’élire quelques ins­tants quand six jours de pro­gram­ma­tion vous ont don­né tant de fris­sons. Ima­gi­nez, c’est avec Nil­da Fer­nan­dez et Alexis HK que tout a com­men­cé sur les ter­rasses du châ­teau de Pom­pa­dour. Ima­gi­nez l’incroyable ensemble d’Etienne Cham­pol­lion empor­tant la chan­son Le ceri­sier d’Alexis HK, loin, très loin dans la dou­ceur. Déjà nous rêvions dans ce décor irréel, avant que Nil­da Fer­nan­dez, tou­jours aus­si simple et cha­leu­reux, ne nous entraî­nât dans le chant pro­fond de l’Andalousie, avec les poèmes de Fede­ri­co Gar­cia Lorca. 

Nous y sommes donc en terre poé­tique… Cette poé­sie qui est un art de vivre, un art d’être au monde, en lien avec l’univers, le pré­sent et le pas­sé, ain­si que l’écrit et le vit un autre poète invi­té, Gio­van­ni Doto­li citant Frie­drich Höder­lin : « C’est en poète que l’homme habite la terre ».

Notre pre­mière décou­verte c’est le regard posé par ceux qui l’aiment sur Fran­çois Cor­bier, ami du fes­ti­val, par­ti sur cette phrase que l’on nous fait entendre : « Si vous ne me voyez pas c’est que je suis mort, sinon je serai là… » Fran­çois n’est pas là… Et ce n’est pas l’une de ses der­nières facé­ties, hélas. On connais­sait l’artiste tou­jours far­ceur, on connais­sait moins la dou­ceur et la ten­dresse que ses amis, son fils aus­si, ont choi­si de nous faire par­ta­ger. On aime que la musique de sa chan­son Plante un jar­din soit en quelque sorte l’hymne du fes­ti­val 2018… Pour­quoi pas aus­si celui des futures éditions ?

Quelques artistes que nous avons élus dans notre pan­théon de la décou­verte, un pan­théon très per­son­nel – empres­sons- nous de le sou­li­gner – ont été à l’unisson de cette émo­tion là. On com­men­ce­ra par nom­mer Eric Guille­ton qui met en musique cer­tains textes de Mat­thias Vin­ce­not. Les deux amis sont réunis en scène autour des poèmes du der­nier recueil de Mat­thias qui com­mence si joli­ment ain­si « Quand je serai jeune /​Je n’aurai pas de mal avec /​L’âge que les gens me donnent /​Je remet­trai à plus tard, avec joie et /​sans crainte… ». On aime­ra aus­si l’humeur légère de Fré­dé­ric Zei­toun qui, quoi qu’impose la vie – et dieu sait si elle ne lui a pas fait de cadeau ! – nous incite à « mettre du swing dans son cafard »… Il l’a déci­dé une fois pour toutes « Je ne désaime pas » !

Dans cette tona­li­té on aime­ra Mèche, qui de dou­leur en dou­ceur, et de sa belle voix, déroule ses émo­tions dans un lyrisme en images tein­tées de roman­tisme… « Je sor­ti­rai des­sous le givre après l’automne »… On aime­ra aus­si voir cet artiste de nos jeunes années, Nico­las Pey­rac, l’entendre évo­quer ses dix-sept ans, son admi­ra­tion pour Brel, son album de duos. On aime­ra son invi­ta­tion « Suf­fit que tu veuilles, suf­fit que tu oses… Suf­fit que t’inventes d’autres mots… pour peut-être regar­der plus loin, bien plus loin »… Et c’est là le miracle d’un concert, on a le sen­ti­ment que c’est à notre oreille qu’il s’en vient mur­mu­rer ces mots là… On aime­ra cette séré­ni­té à la fin : « Même s’il n’en reste rien j’aurai fait de ma vie ce qu’il fal­lait qu’elle soit ».

On accor­de­ra ensuite une men­tion spé­ciale à toute cette jeu­nesse qui par­ti­cipe, par­tout dans le monde fran­co­phone, au concours Poé­sie en liber­té. Les poèmes des lau­réats lus, inter­pré­tés devrait-on dire plus jus­te­ment, par des comé­diens sont une invi­ta­tion à l’espérance. Pour ceux qui dou­te­raient des jeunes, de leur capa­ci­té à écrire, à sen­tir comme ils ont pu le faire eux-mêmes en d’autres temps.Voilà un remède à la moro­si­té. Ils jouent avec les mots aus­si bien que l’ont fait leurs aînés.

C’est aus­si l’occasion de rap­pe­ler que la lec­ture en scène est un exer­cice spé­ci­fique du spec­tacle vivant qui demande cer­taines qua­li­tés et du tra­vail. On l’oublie trop sou­vent… Et par­fois il nous est arri­vé de ne pas nous atta­cher à des textes lus sim­ple­ment parce qu’ils ne sont pas por­tés, his­sés vers nous, par la voix, la ges­tuelle, les regards. Tra­vail d’acteur en somme.

C’est pour­quoi on adres­se­ra un coup de cha­peau au comé­dien Domi­nique Tho­mas lisant les textes de son ami Oli­vier Sowins­ki, qui entre­lacent sub­ti­le­ment ima­gi­naire et réa­li­té. Sa sta­ture impo­sante, sa voix nous ont rap­pe­lé le moment d’intense émo­tion que nous avait offert l’an pas­sé la lec­ture par Jean-Claude Drey­fus de la nou­velle de Zola, L’inondation.

Dans une tout autre tona­li­té, sui­vant le pré­cepte de la comé­dienne Flo­rence Guer­fi enten­du le même soir, « C’est jamais trop tard pour mal faire » le trio Bodie (Emi­lie Marsh, Joko et Cécile Her­cule) trois vilaines filles en cavale nous ont empor­tés dans leur jeu, dans leur pop enle­vé. Un spec­tacle qui allie théâtre et chan­son, charme et humour, qui pour­fend joyeu­se­ment la bien­séance et les idées conve­nues ! Un régal !

On ter­mi­ne­ra par le soir de la der­nière qui a réuni trois tem­pé­ra­ments fémi­nins avant que Smaïn ne nous raconte son his­toire en totale impro­vi­sa­tion, fai­sant de cet ins­tant un spec­tacle unique. Sans tota­le­ment se dépar­tir bien sûr de son humour irré­sis­tible, mais sou­vent pour en sou­li­gner l’aspect dou­lou­reux, il se livre à nous sans fausse pudeur, feuillette son livre d’images intimes d’enfant adop­té, de jeune comé­dien refou­lé des conser­va­toires et des scènes avant que son sta­tut d’arabe qui se rit de son sort ne lui accorde le suc­cès… Il ouvre son recueil de textes, nous parle de sa ren­contre de Michel Legrand, de sa fille… Il nous émeut. Profondément.

Enfin, si coup de cœur il y eut, c’est bien pour Pha­nee de Pool qui ce soir là vécut sans aucun doute, elle aus­si, un ins­tant inou­bliable avec l’ensemble DécOU­VRIR à ses côtés. Cette jeune chan­teuse – un pro­jet de deux années à peine, déjà très récom­pen­sé – le buste san­glé dans sa veste à bou­tons dorés, comme pour rap­pe­ler ses années accor­dées à la fonc­tion de poli­cière, nous a tous empor­tés dans ses textes sin­gu­liers ponc­tués de boucles, sons élec­tro, gui­tare élec­trique. Tou­jours sou­riante, géné­reuse en scène, elle évoque pour­tant par­fois des réa­li­tés bou­le­ver­santes comme avec sa chan­son,Holo gramme, consa­crée à la schi­zo­phré­nie. Elle sera sui­vie par la lumi­neuse, éner­gique Gati­ca, puis Belle du Ber­ry accom­pa­gnée par David Lewis au pia­no. Une échap­pée belle de Paris Com­bo, une irrup­tion élé­gante dans un monde jazzy.

La grande classe pour point d’orgue à la Chanson.