1er festival Grain de Sel – Lise Martin en trio (© Claude Fèvre)
13 mai 2017 – 1er festival Grain de Sel
« Découvertes » – 1re partie
Avec, par ordre de passage :
Julie et le Vélo qui pleure en quartet : Julie Lagarrigue (chant, piano, accordéon), Anthony Martin (guitare, dongey, percussions sur bicyclette), Marc Mouches, Ziad Benyoussef (luth) – Makja (voix) accompagné par Mickaël Bentz (claviers, violon) – Lise Martin en trio, accompagnée par Aude Bouttard (contrebasse) et Chouf (guitares) – Erwan Pinard (guitare, trompette, chant) en trio avec Jérôme Aubernon (guitares, violon) et Lionel Aubernon (batterie)
Scène Descazeaux – Castelsarrasin (Tarn & Garonne)
Qu’on le veuille ou non, en arrivant en début en d’après-midi à Castelsarrasin, pour ce premier tour des « Découvertes » de Grain de Sel il plane encore comme une réminiscence du « Magic Mirror » qui accueillait les « Découvertes » sur le festival Alors Chante. Ici la jolie salle du centre-ville – bien qu’un peu éloignée du cœur du festival en bord de canal – n’a pas à rougir de la comparaison… D’ailleurs le légendaire artiste peintre, Daniel Boulangeot, qui croque les artistes d’un trait de pinceau est là. Nous apprenons aussi que des prix seront attribués, Prix du Jury, Prix du public, pour l’essentiel des dates de concerts. C’est une histoire qui continue sa route…
Quant à la programmation, on sait déjà qu’elle mérite qu’on s’y attarde. On notera d’ailleurs qu’il est peu fait mention du terme de « Découvertes » dans le dépliant-programme. Il n’est utilisé que dans les éditos. Dominique Janin, chargée de la programmation préfère, elle, parler de « talents »… Il est vrai que l’on peut légitimement se poser la question de l’opportunité, légitimité du mot « Découvertes ».
Les artistes que nous venons voir sont des habitués de la scène, très aguerris. Ils ne bénéficient pas, tout simplement, d’un éclairage suffisant, qui les hisserait sur la scène du Chapiteau. Mais c’est aussi, sûrement, pour certains, des choix et bien plus souvent qu’on ne le pense.
On mesure très vite que venir à Castelsarrasin, à ce tout neuf Grain de Sel, ce n’est pas rien même si chacun n’aura que trente minutes, l’équivalent de sept chansons. Alors on met les petits plats dans les grands… On habille ses chansons, on les pare de tous leurs atouts, on se dit que l’on va croiser des diffuseurs, des journalistes…
Premier round donc, même si le mot est un peut-être un peu violent en la circonstance. Quoique… Si l’on s’arrête d’abord aux deux artistes masculins, Makja et Erwan Pinard il y avait un peu de cette énergie-là. On s’empare de la scène comme d’un ring et les mots et les sons fusent, viennent se cogner à nos vies, à notre monde. Makja choisit d’apparaître avec en fond de scène ce signe – une sorte de doigts d’honneur retourné ?? – qui accompagne toute sa communication et qui n’est pas sans nous déranger. Le contenu de son flow toujours sur le même tempo, les interpellations continues, les roulements de tambour, la gestuelle, bras et doigts tendus vers le public et soudain cette phrase qui se détache et qui définitivement nous cloue sur place : « Couper net la tête des charmeurs de serpents ! » Makja s’en prend à tout ce qui nous muselle, surtout à tous ceux qui manipulent des slogans terrifiants. Mais faut-il vraiment les scander sur une scène ? Faut-il encore propager ces images même s’il s’agit d’un appel à les déchirer… ? N’en avons-nous pas eu notre lot ?… On se posera d’autant plus la question qu’Erwan Pinard, lui, ne fait pas non plus de cadeau à cette engeance. Avec cette version très rock que nous n’avions pas encore vue, l’intention ne fait aucun doute. Lui aussi voudrait secouer les apathies, les inerties… « Par-delà les murs et les couvertures »… quand il chante, crie… « Et tu comptes laisser faire ça ? » Ou bien « Va pas te tromper de colère… Arrête ! » Tout est dit, non ?
Mais il joue avec les registres, avec une écriture où l’humour, la dérision sauvent du pire. Surtout nous l’entendrons avec toujours la même émotion mettre à nu des sentiments amoureux dans lesquels il se débat… « J’ai l’amour mal fichu… Il ne faut pas me laisser seul… » Heureux aussi de l’entendre chanter « Il y a des arbres à refleurir… Par-delà l’absence, il y a ta joie qui éclabousse »…
Au fond cette première après-midi était savamment orchestrée puisque nous pouvions aussi nous laisser chavirer par les chansons de Julie Lagarrigue dont nous avons tout récemment salué l’album. On a pu retrouver le charme de leur orchestration en studio avec cette signature du luth mêlé au piano, aux petites percussions de ce vélo en scène… Les thèmes nous font faire des incursions dans des univers très différents, et c’est aussi un plaisir supplémentaire que d’entendre la chanson titre Fragile debout, car elle résume plutôt bien ce que nous avons vu aujourd’hui… On la sentait fragile cette Julie, sa voix aussi qui risquait parfois la déchirure dans les aigus. Peut-on ajouter que cette fragilité-là, c’est la vie même et surtout la vie sur scène où « tout est électrisé… tu es hors de toi » écrit avec tellement de justesse Barbara.
Nous finirons donc en évoquant Lise Martin que nous découvrions tous avec la contrebasse d’Aude Bouttard, accompagnatrice sensible de bien des projets sur Toulouse, et les guitares de Simon Chouf. Nous avons beaucoup aimé ce moment-là. Nous avons aimé en effet les regards échangés entre les deux accompagnateurs, l’habillage qu’ils offraient aux chansons. Nous avons aimé la voix de Lise, décidément exceptionnelle dans son grain, sa puissance. On s’y attache. Tout comme à ses textes qui sont autant de voyages intérieurs, souvent amoureux bien sûr… C’est délicatement écrit. On aura aussi tellement d’émotion à entendre le texte de Rémo Gary… la promesse d’une naissance, un « cœur qui s’arrondit »…
Une respiration dans cet après-midi de mai…