Festival des voix, Michel Legrand (© Claude Fèvre)
23 juin 2016 – Festival des Voix 2016 – Michel Legrand invite Vincent Niclo
avec Michel Legrand en formation quartet (Pierre Boussaguet, Pierre Perchaud, François Laizeau) et Vincent Niclo au chant
Le Cloître de Moissac (Tarn & Garonne)
Le Festival des Voix, des lieux… et des mondes peut s’enorgueillir de nous avoir offert une soirée d’anthologie. Pour fêter ses vingt ans, il s’est taillé la part du lion ! Certes le prix de la place a sensiblement pris son envol pour la circonstance mais on ne saurait y trouver à redire quand tant de spectacles sont gratuits.
Ce soir c’est fête assurément dans ce lieu prestigieux qu’est le Cloître de Moissac. Le jeu des couleurs sur la pierre, le piano à queue, ce quartet de jazz avec Michel Legrand… c’est d’abord un enchantement de voir les mains de cet homme, qui nous a tant fait rêver, courir sur le clavier, se jouer des noires et des blanches avec une dextérité rare, et nous embarquer dans des envolées où le rejoignait le trio batterie, basse et guitare qui ne le quittait pas des yeux !
Le concert commence par deux morceaux, la merveille de l’échange, du partage qu’offre le jazz. « On ne prépare rien », s’exclame Michel Legrand, enthousiaste comme au premier jour. « Les morceaux n’existent pas… ils se créent là, à l’instant… et l’énergie, c’est le public qui la donne ».
Très vite il enchaîne pour parler de son amour de la Chanson. Croyez-moi, c’était délectable de l’entendre raconter sa petite enfance sous l’occupation allemande, au sein d’une petite bourgeoisie « minable » où, enfermé toute la journée, il se réfugie dans son amour de la Chanson. C’est le temps de Trenet, Mireille, Jean Nohain… Il brosse le portrait d’un petit garçon qui n’aime pas l’école, qui fait partie des petits que les grands malmènent. Il évoque ses études musicales classiques, rend hommage à ses professeurs et souligne qu’il écrivit trois cents à quatre cents chansons, souvent restées inconnues.
Et voilà qu’il proclame qu’il donnerait plusieurs opéras italiens pour une belle chanson française avant d’introduire son invité Vincent Niclo.
L’homme est élégant, chante d’une belle voix de ténor, occupe l’espace à la façon d’un chanteur pour dames sur une traversée chic… Ma foi, on serait parfois un peu chagriné, surtout quand il chante Nougaro (Les Don Juan, Alcatraz dont Michel Legrand se délecte à relire le texte) et le prive de sa sensualité, sa chair. On apprend qu’il a participé à la sixième édition de l’émission Danse avec les stars d’où, peut-être, les bouquets offerts à la fin par quelques admirateurs… On pencherait pour des admiratrices…
Mais trêve de coups de griffes ! On ne boudera pas l’illustration du talent du compositeur qui nous est donnée là. Et surtout pas le plaisir d’entendre ce répertoire magnifique qui nous ramène au joli temps passé, sans frontières entre les styles, les genres. La Chanson dans tous ses états. Celle qui chante la vie, l’amour, qui accompagne le cinéma, celle qui fait tourner tous les moulins de nos cœurs !
Au fond, dit aussi Michel Legrand, « la chanson c’est un petit opéra, de deux, trois minutes » avant d’en revenir au jazz et de nous offrir encore quelques instants magiques, comme ceux qu’il partagea jadis avec Miles Davis, ce morceau « qui voudrait bien être un rock mais ne l’est pas » ou bien cette composition – la grande classe vraiment ! – Family fugue qui confond les univers musicaux, classique et jazz.
On aimera entendre encore cet homme qui aujourd’hui multiplie les projets dont un enregistrement avec Nathalie Dessay, un concerto au piano avec le grand orchestre symphonique de Philadelphie, une comédie musicale pour Barbara Streisand…
Et le cinéma lui demande La dépêche du midi ? Une adaptation de l’histoire d’un célèbre chef d’orchestre…
Immense, on vous le répète, immense artiste !