Le festival Alors Chante ! transféré à Castelsarrasin ? (© droits réservés)

Le fes­ti­val Alors Chante ! trans­fé­ré à Cas­tel­sar­ra­sin ? (© droits réservés)

« Je suis de Cas­tel­sar­ra­zin /​Y’a du tabac, y’a du rai­sin /​C’est pas du Havane il s’en faut /​Et le vin c’est pas du Bor­deaux /​Mais les gens y sont accueillants. »

Les bénévoles d'Alors Chante ! (© droits réservés)Au point d’accueillir le fes­ti­val que Mon­tau­ban vient de se pri­ver par la bêtise de sa maire ? C’est ain­si que Cas­tel­sar­ra­sin, deuxième ville du dépar­te­ment (un peu plus de 13 000 habi­tants contre plus de 73 000 à Mon­tau­ban, dont elle est dis­tante de 22 km) et sous pré­fec­ture du Tarn-et-Garonne s’adjugerait le fes­ti­val Alors Chante ! Nos confrères de La Dépêche, quo­ti­dien régio­nal du sud-est, ébruitent l’info sans grande pré­cau­tion : « Ban­ni de Mon­tau­ban, le « Fes­ti­val Alors… Chante » inté­resse Cas­tel­sar­ra­sin » titrent-ils sur leur édi­tion de ven­dre­di dernier.

Dans ce dos­sier où rien n’est simple, la presse locale acte sim­ple­ment une ou deux étapes : le divorce clair et net entre le fes­ti­val Alors Chante ! et Mon­tau­ban, sa ville d’origine, et le pos­sible rap­pro­che­ment avec Cas­tel­sar­ra­sin que confirme son maire Jean-Phi­lippe Bésiers décla­rant à La Dépêche : « L’association orga­ni­sa­trice du fes­ti­val Alors… Chante ! qui est en recherche d’un nou­veau point de chute, est venue nous sol­li­ci­ter. Ils ont ciblé la sous-pré­fec­ture avec une pro­po­si­tion étof­fée. » L’accord de prin­cipe est don­né qui, heu­reux hasard, ren­contre l’une des pro­messes de cam­pagne de la liste Bésiers : doter Cas­tel­sar­ra­sin d’un grand fes­ti­val quand sa voi­sine, Mois­sac, en pos­sède un, fin juin : le Fes­ti­val de la Voix (dix-hui­tième édi­tion cette année). Qui plus est un fes­ti­val Chan­son, dans la ville natale de Pierre Per­ret ! Alors, un fes­ti­val qui arrive comme ça, tout chaud tout rôti, doté d’une répu­ta­tion enviable, fleu­ron des métiers de la Chan­son, à l’aube de son tren­te­naire, c’est une oppor­tu­ni­té qu’il faut savoir sai­sir. Cas­tel­sar­ra­sin a donc dit oui.

De là à affir­mer que la tren­tième édi­tion du fes­ti­val Alors Chante ! se tien­dra comme pré­vu dans cinq mois cette fois-ci à Cas­tel­sar­ra­sin (du 11 au 16 mai 2015), il n’y a qu’un pas, un Rubi­con, que par pru­dence nous ne fran­chi­rons pas. C’est loin d’être fait, même si la ville de sub­sti­tu­tion existe, dans le même dépar­te­ment du Tarn-et-Garonne (d’autres villes, semble-t-il, exté­rieures au dépar­te­ment, ont fait savoir à Alors Chante ! leur vif inté­rêt…). « C’est un peu pré­ma­tu­ré » confirme à NosEn­chan­teurs Roland Ter­rancle, le pré­sident de l’association Chants libres, qui orga­nise le fes­ti­val. Car res­tent des pro­blèmes. Finan­ciers, on s’en doute. Sur le pas­sé d’Alors Chante ! : c’est son pas­sif. Sur l’avenir : le tour de table n’est peut-être pas bou­clé. Mais aus­si tech­niques. Les infra­struc­tures cas­tel­sar­ra­si­noises ne sont évi­dem­ment pas les mêmes. À l’Euryth­mie de Mon­tau­ban, il va fal­loir sub­sti­tuer un cha­pi­teau, ce qui leste plus encore les finances. Fau­dra-t-il réduire la voi­lure festivalière ?

Il sem­ble­rait qu’un fes­ti­val de cette ampleur gagne­rait pour le moins à être por­té par un regrou­pe­ment de com­munes, rejoi­gnant par là même l’entité de « Pays » chère à la Région Midi-Pyré­nées, qui en compte 32 sur tout son ter­ri­toire. Le Pays « Garonne Quer­cy Gas­cogne », pré­si­dé par Jean-Michel Bay­let (emblé­ma­tique pré­sident du PRG qui vient de perdre son poste de séna­teur) repré­sente une popu­la­tion de plus de 90 000 habi­tants. Cette remarque conduit à pen­ser que d’autres enjeux sont peut-être en train de se jouer, bien au-delà de la sur­vie du fes­ti­val, à l’heure où il est gran­de­ment ques­tion de défi­nir en France de nou­veaux territoires.

« On ne peut rien dire avant d’avoir tout calé » ren­ché­rit le pré­sident qui, est, comme d’autres dans l’équipe, par monts et par vaux pour sau­ver et péren­ni­ser son fes­ti­val. Reste qu’à cinq mois du début du 30e fes­ti­val, il va vite fal­loir lever les der­niers doutes, solu­tion­ner les pro­blèmes tech­niques (l’accueil du public n’étant pas le moindre), lever un cer­tain nombre d’options d’artistes, signer les contrats : le temps presse mais le démé­na­ge­ment d’une telle mani­fes­ta­tion d’ampleur ne peut se conce­voir dans la totale pré­ci­pi­ta­tion, dans l’improvisation. Même si « les gens y sont accueillants. »

Festival Jazz Montauban (© droits réservés)

MONTAUBAN : TROIS FESTIVALS MOINS TROIS = ZÉRO !

Résu­mons. De trois fes­ti­vals (un de chan­son [Alors Chante !], un de danse, un de jazz), l’inspirée maire de Mon­tau­ban vou­lait en faire un seul, mais un gros, plu­ri­dis­ci­pli­naire, géné­ra­liste, en plein été. Sous la direc­tion de l’association en place, Syner­gie Club, qui orga­ni­sait le célèbre fes­ti­val Jazz à Mon­tau­ban. Asso­cia­tion qui, der­rière un enthou­siasme de façade, condi­tion­nait son accord au res­pect de ce que la mai­rie lui avait fait miroi­ter, ques­tion finances (pas loin d’un mil­lion d’euros au départ, trois fois moins ensuite…), orga­ni­sa­tion et indé­pen­dance. Hélas ! Rien de cela ne sera res­pec­té (entre autres pour des pro­blèmes juri­diques que la mai­rie ne pou­vait pas ne pas connaître) et Syner­gie Club renonce à por­ter le pro­jet muni­ci­pal. Mieux encore, elle se fait hara-kiri, ren­voyant vio­lem­ment la maire, Bri­gitte Barèges, dans les cordes.

Résul­tat, à ce jour : plus rien ! Plus un seul fes­ti­val. Et plus de béné­voles, perte sèche de savoir-faire et de dons de soi. Mon­tau­ban est au point zéro, désert cultu­rel et image cala­mi­teuse. Dépar­te­ment et Région grincent des dents. Le pire sera sans doute le com­merce local qui se ver­ra pri­vé d’une manne finan­cière non négligeable.

Bien sûr la ville peut elle-même (et dit en avoir l’intention) mettre sur pied son « fes­ti­val unique ». Encore faut-il avoir le talent, les com­pé­tences et le per­son­nel en nombre. Cer­taines asso­cia­tions, dans leur compte d’exploitation, aiment bien « valo­ri­ser le béné­vo­lat » en le chif­frant. La mai­rie de Mon­tau­ban va devoir le faire en le bud­gé­tant : ça risque de coû­ter cher, très cher, aux contri­buables si la maire Barèges ne veut pas perdre la face. Son pro­gramme aux récentes élec­tions disait vou­loir « ras­sem­bler » : elle divise. Il disait vou­loir la créa­tion « de nou­veaux évé­ne­ments en com­plé­ment des fes­ti­vals déjà exis­tants » : pour faire la place à du nou­veau, à du pipeau, elle a sim­ple­ment détruit l’existant.

Par Michel Kemper

Article initialement publié sur le site Nos Enchanteurs :
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