Lève ton vers 2017, le Bijou (© Geluck)

Lève ton vers 2017, le Bijou (© Geluck)

20 avril 2017 – Fes­ti­val Lève ton vers

Bilan et perspectives

Avec Pas­cal Chau­vet, direc­teur du Bijou


Le Bijou (Tou­louse)

Cette fois, c’est fait, les mots ont pris le Bijou pour caravane !

Claude Nou­ga­ro aurait pu écrire sur son paper­board fami­lier, au soir du der­nier concert de Lève ton vers :

« Ah ! Les mots, quels dro­ma­daires, il suf­fit d’un sty­lo, un revol­ver à encre, pour s’enfouir ou se détacher

Cra­cher sa clarté

Au lieu des ténèbres

Cra­cher du limpide

Du lim­pide !! »

On a lais­sé dou­ce­ment décan­ter le trop-plein de sen­sa­tions, d’émotions et nous voi­ci un après-midi de soleil en tête à tête avec le patron du lieu, Pas­cal Chau­vet. Ins­tal­lés dans la petite cour dite « la ter­rasse », on savoure la dou­ceur de l’air et ima­gi­nons ce que pour­ra deve­nir à nou­veau cet espace après quelques tra­vaux. Il flotte dans l’air comme un par­fum suave, une musique douce, celle dont s’habillent les rêves. Mais quand on est res­pon­sable d’un lieu comme le Bijou, les rêves prennent sou­vent de drôles de formes qu’ailleurs on appelle papiers, pape­rasses, dossiers…

Rêvons donc ! Emma et Pas­cal Chau­vet ne manquent ni de rigueur, ni d’imagination. L’alliance des deux nous pro­met de grands soirs. Nous en sommes convaincus.

Pour l’heure, nous en sommes au bilan du tout pre­mier fes­ti­val du Bijou et c’est un homme heu­reux qui nous parle. Heu­reux et enthou­siaste, encore ébloui des ren­contres impromp­tues géné­rées par la pro­gram­ma­tion. Au final, c’est au-delà même de ses attentes. « Magique, tota­le­ment magique » s’écrie-t-il en début d’entretien.

On pour­ra relire nos comptes ren­dus des concerts qui ont réuni d’abord Archi­bald et Govrache – autour d’un verre est né d’emblée le désir de mêler leurs uni­vers, tout à trac, à peine trois heures avant d’être en scène ! « Un coup de foudre artis­tique » selon Pas­cal – puis Zob’ et Erwan Pinard – qui tard dans la nuit, auront bien du mal à se quit­ter ! – et enfin Louis-Noël Bobey, Éric Car­tier et Zédrine qui ont pas­sé deux jours à peau­fi­ner un concert tota­le­ment inédit, mêlant des uni­vers sonores très dif­fé­rents. Ces soi­rées avaient le charme et la fra­gi­li­té des pre­mières fois. Pas­cal Chau­vet s’enflamme en les évo­quant. Et nous par­ta­geons sa joie.

Il passe très vite sur le constat que le public n’a pas été aus­si nom­breux qu’attendu. Mais bien sûr il n’a pas man­qué d’en faire l’analyse : un fes­ti­val éta­lé dans le temps – quinze jours, c’est beau­coup – un défi­cit peut-être de com­mu­ni­ca­tion, la période des vacances sco­laires, et par-des­sus le mar­ché, les pré­oc­cu­pa­tions pré-élec­to­rales de tous et cha­cun ! Ce qui motive ou démo­tive un spec­ta­teur reste si mystérieux !

On évoque aus­si d’autres temps forts, notam­ment le café slam ani­mé par Jérôme Pinel (brillant auteur de Strange Enquête). Il a réuni une dou­zaine de sla­meurs, très dif­fé­rents dans leur ins­pi­ra­tion, leur flow. Une vraie réus­site pour une pre­mière édition !

Le « bœuf ver­bal » » devait venir ponc­tuer les ate­liers de l’après-midi ouverts aux pro­fes­sion­nels mais à l’heure pro­gram­mée, ils ne se sont pas empa­rés du bon­heur sug­gé­ré : par­ta­ger le plai­sir de mettre en voix un texte nou­vel­le­ment né avec d’autres voix, d’autres textes…

Reste à par­ler des ate­liers d’écriture aux­quels Pas­cal et Emma Chau­vet, « friands de textes », tiennent beau­coup. Des ate­liers pour aller au-devant des plus jeunes notam­ment, ceux qui tordent le nez dès que l’on pro­nonce le mot « Chan­son » dont, en réa­li­té, ils ignorent à peu près tout. Des ate­liers pour les récon­ci­lier avec leur langue, avec leurs émo­tions aus­si. Pas­cal se pro­met de revoir cette dimen­sion de son fes­ti­val en recher­chant en amont, en tout début de sai­son, la col­la­bo­ra­tion d’une struc­ture, d’une ins­ti­tu­tion, lycée, MJC, centre de loi­sirs… L’inscription spon­ta­née res­tant trop difficile.

Aujourd’hui on en est sûrs, 2018 connaî­tra une deuxième édi­tion de Lève ton vers. Une édi­tion qui sera écour­tée, peut-être du mer­cre­di au same­di en inten­si­fiant le conte­nu des jour­nées. Et pour­quoi pas un petit concert pour la clien­tèle du matin qui vient prendre son café ou celle du res­tau­rant à midi ? Quant au conte­nu, la réflexion est en route… Un fes­ti­val autour des mots certes, mais Lève ton vers ne sera pas exclu­si­ve­ment dédié au slam. On pour­ra s’autoriser à choi­sir une esthé­tique, dit Pas­cal, la goguette par exemple que vient d’illustrer brillam­ment Patrice Mer­cier, l’humour ou la lec­ture musi­cale… On évoque aus­si des thèmes comme le fait le Prin­temps des Poètes… Emma et Pas­cal rêve­raient d’une créa­tion – nou­veaux textes, nou­velles chan­sons mises en scène, sur une orien­ta­tion préa­la­ble­ment don­née – qui pour­rait ensuite par­tir en tour­née avec le sou­tien du Bijou, se pro­lon­ger ailleurs.

En conclu­sion Pas­cal rap­pelle que Le Bijou garde plus que jamais l’ambition d’être un acteur incon­tour­nable pour la Chan­son. Dans sa ville de Tou­louse certes, pour les artistes régio­naux bien enten­du, mais aus­si pour l’ensemble de la francophonie.

Ce fes­ti­val Lève ton vers est plein de pro­messes. Il a tout pour deve­nir le temps fort de la sai­son au Bijou : un ren­dez-vous incon­tour­nable pour les amou­reux des mots dits, lus, écrits, chan­tés. Des mots qui se pressent au bout des doigts, des mots qui veulent sor­tir, des mots qui s’échangent, se par­tagent… Comme l’a chan­té Claude Nougaro :

« Je vou­drais écrire comme l’hirondelle
Dans un cri per­çant un chant vrai­ment neuf
M’accoucher de toi, langue maternelle
Comp­ter jusqu’à neuf et sor­tir de l’œuf ».

Nous le savons, même si elles deviennent plus fra­giles, plus rares dans nos ciels et sous l’avancée de nos toits, les hiron­delles reviennent au prin­temps de leur migra­tion loin­taine. Si nous en croyons la déter­mi­na­tion de Pas­cal et Emma Chau­vet, il se pour­rait bien qu’en avril 2018 elles se posent à nou­veau au Bijou.