Camu en quartet, Le Bijou 2017 (© Claude Fèvre)

Camu en quar­tet – Le Bijou – 2017  (©Claude Fèvre )

3 mars 2017 – Camu en quartet

avec Coren­tin Grel­lier (gui­tare, voix), Fabien Valle (accor­déon), Yous­sef Ghaz­zal (contre­basse) Dimi­tri Kogane (bat­te­rie)

Le Bijou (Toulouse)

On peut faci­le­ment ima­gi­ner qu’hier soir au Bijou, bien peu étaient ceux qui savaient que ce 3 mars était veille d’un grand jour : l’ouverture du 19ème Prin­temps des Poètes ! Et pour­tant c’est avec ces mots là que Coren­tin Grel­lier est mon­té d’un bond enthou­siaste sur la scène : « Bien­ve­nue en poé­sie ! » La musique l’escortait alors en fan­fare ! Il ser­rait quelques mains dans la salle. C’était fête ! Fête à tout cet ima­gi­naire qui galope dans sa tête, qu’il tra­duit en mots sonores, cor­tège de mots « tis­sant l’émotion ». Le ton est don­né avec ce texte qu’il dit en ouver­ture et qui signe sa paren­té avec la poé­sie, une énu­mé­ra­tion qui nous pro­jettent autant d’images comme ces mots « Les femmes et leurs enfants rêvant au blé /​Et le blé ne rêvant à rien »… Pour conclure « Et moi j’aime tout /​L’idée d’être un homme ! » Il a soif et faim de mots ce jeune homme. Nous le savons depuis ces deux années où nous l’avons sui­vi à la trace, pres­sen­tant qu’il ne fal­lait rien man­quer de ce parcours.

Voi­là qu’aujourd’hui non content de l’accompagnement sub­til de Fabien Valle à l’accordéon et de Yous­sef Ghaz­zal à la contre­basse, il nous pré­sente un nou­vel accom­pa­gna­teur : le bat­teur Dimi­tri Kogane qui le rejoint en jeu­nesse et en sen­si­bi­li­té sur­tout. C’était un bon­heur de le regar­der, fer­mant les yeux ou les levant au ciel, arti­cu­lant les paroles pour lui-même, sou­riant, heu­reux d’être là… On ne pou­vait échap­per à la déli­ca­tesse de son jeu.

Chaque musi­cien a revu à cette occa­sion ses arran­ge­ments. L’accordéon se fait sou­vent per­cus­sif, tout comme la contre­basse. Mais ils se font tout aus­si bien lan­gou­reux, nos­tal­giques, amou­reux… Cha­cun a aus­si son moment solen­nel, son escorte des mots en majes­té. On retien­dra le texte qui s’attaque au macho de la pire espèce et pour lequel l’accordéon seul déroule ses sono­ri­tés baroques. Il n’est pas éton­nant d’entendre alors des voix fémi­nines s’élever pour crier « Bra­vo ! ». Et c’est ample­ment méri­té ! On pour­rait y ajou­ter « Merci ! »

On retien­dra aus­si ce face à face avec la bat­te­rie, dans une atti­tude très « nou­ga­resque » : Feu /​Folie /​Fon­taine … ! Il y a bien long­temps que je n’ai pas cou­ru comme les che­vaux ! » Et bien enten­du, on aime­ra entendre la contre­basse accom­pa­gner seule « le bateau frêle », celui qui pour­rait si bien le repré­sen­ter en prise aux vagues et aux vents, à l’odeur de la mer, le par­fum le plus éro­tique qui soit à sa mémoire d’amant.

Même quand il s’en vient à par­ler d’amour, d’amours contra­riés, l’angle de vue n’est pas banal. Camu pré­fère, au moment des adieux, se sou­ve­nir de la petite musique du bon­heur qui bat, rendre hom­mage à cet amour : « Et cha­peau bas à nos ébats » ! On aime sur­tout que les textes échappent au repli sur soi, à l’enfermement. Qu’ils ouvrent sur des espaces que l’imagination du spec­ta­teur peut habi­ter. Même quand il s’agit d’évoquer dans « Les goé­lands » – chan­son dont on ne se lasse pas – la sil­houette de la mère res­tée sur le quai… On aime que le souffle de l’auteur prenne de la hau­teur pour embras­ser l’humanité entière dans Un homme…. « Un homme tra­verse la rue, à ses lèvres un doux chant, le soleil est cou­chant… Un homme cuillère à la main … du sucre dans les idées… Un autre… et un autre »… Pour finir, essouf­flé de ce long périple, avec le mot « ten­dresse ». Il enchaîne alors sur une autre chan­son qui en appelle à la com­pas­sion : « Ecou­tez nos défaites … ten­dez l’oreille au cœur qui bat /​Ten­dez vos mains à qui se perd /​Ne par­tez pas sur l’autre rive … » Car Coren­tin Grel­lier, lui, pose ce regard tendre sur les autres, comme sur cette pas­sante, cette vio­lo­niste dont il ima­gine les pen­sées et les rêves.

En somme, on aime beau­coup les chan­sons de Coren­tin Grel­lier en quar­tet. Ce quar­tet lui a offert l’opportunité de mettre plus de nuances dans sa voix, de tra­vailler l’interprétation, le par­tage avec les musi­ciens qui l’accompagnent. On le voit peu à peu gagner en assu­rance et en finesse. Quant à son écri­ture qui nous touche beau­coup, nous atten­dons avec impa­tience les nou­veaux textes.

« L’impossible n’est pas marin ». Il nous l’a dit : « il n’y a pas de fin au spec­tacle, il n’y a pas de fin au voyage ».

C’est beau­coup d’amour à don­ner et à rece­voir, la poé­sie. Et pas seule­ment au printemps…