Céline Caussimon, Chantons sous les toits, 2017 (© Claude Fèvre)

Céline Caus­si­mon, Chan­tons sous les toits, 2017 (© Claude Fèvre)

26 mars 2017 – Chantons sous les toits, Concert de Céline Caussimon,

avec Céline Caus­si­mon (Textes & Chant) David Dou­ce­rain (gui­tare)

Tauriac (Tarn)

Éton­nante Céline Caus­si­mon ! Elle déboule en scène comme un ani­mal dont on vien­drait d’ouvrir la cage. Elle arrive du fond de la salle en cou­rant – ici pas de cou­lisses, pas d’effet de rideau – à l’image de la pho­to­gra­phie qui illustre son der­nier album. Une femme qui court, vole plus qu’elle ne marche ! Elle rit, s’empare du micro, jette ses che­veux en arrière et se met à chan­ter une scène de… trans­port en com­mun ! « Elle n’est pas dans le sens de la marche /​Pas de chance que ça marche » comme une pre­mière say­nète qui donne le ton ! « Mal de cœur » ? Tant pis, on continue.

Pas ques­tion pour elle de tour­ner sans fin autour de sa petite vie. Les autres sont d’emblée du voyage. Les autres ? Nous d’abord, spec­ta­teurs amu­sés de sa pré­sence incroya­ble­ment éner­gique, déter­mi­née, enjouée. Elle n’aura de cesse de s’adresser à nous, d’en appe­ler à notre atten­tion, notre vigi­lance, notre conni­vence. Nous sommes du même voyage, c’est une évidence.

Il nous faut faire avec ce monde un peu fou­traque, où les amis vir­tuels pul­lulent. Elle l’égratigne gaî­ment ce monde mais, sous la méta­phore, le mes­sage est clair, sans ambigüi­té : « Vous voyez les ver­rous qui se serrent, un par un /​Quand on serre les écrous len­te­ment on sent rien. »

Que faire alors dans cette « grande salade com­po­sée » ? Que faire de cette exis­tence que régit, tapie dans l’ombre, la macro éco­no­mie ? Céline pro­pose un remède « Cares­sons-nous du bout des doigts ! ». « La vie mode d’emploi », selon Céline. Joli pro­gramme qu’elle énonce aus­si avec ses mains, par­te­naires de jeu de la comé­dienne, au ciné­ma comme au théâtre.

Et quand elle parle d’elle, de la femme rat­tra­pée par la cin­quan­taine, celle qui n’intéressera bien­tôt plus les publi­ci­taires, elle y met sa pin­cée d’humour, d’autodérision. Pas ques­tion de se mor­fondre sur le temps qui passe, sur la ride véloce ou autre joyeuseté !

Le jeune gui­ta­riste David Dou­ce­rain, l’accompagne de sa gui­tare qui ne pou­vait être qu’électrique. On le voit à ses côtés, atten­tif au moindre de ses souffles, à cha­cun de ses mots, à sa ges­tuelle sin­gu­lière qui sou­ligne de sa cho­ré­gra­phie le texte des chan­sons. Quand il lui faut véri­fier l’accord de son ins­tru­ment, elle en pro­fite pour racon­ter que le plus dif­fi­cile à obte­nir dans l’organisation d’un concert, c’est pré­ci­sé­ment l’accord de l’instrument… Car elle aime ain­si jouer avec les mots, avec leur asso­cia­tion inat­ten­due, leurs images poé­tiques. Ain­si elle évoque, dans une chan­son ten­dre­ment mélan­co­lique, ses rêves d’enfant, « fra­giles comme les fils de cara­mel trans­pa­rents comme paille ». Ou bien l’« hor­rible mala­die » qu’est la soli­tude résu­mée dans ces simples mots : « J’ai trois écharpes autour du cou, car tu n’es pas là. » La dou­leur de la sépa­ra­tion, le départ de l’homme aimé lui vaut ce sou­hait, sans larmes et sans pathos : « Rap­porte-moi des alcools forts de ces pays où je ne vais pas. » Quant à la tra­hi­son ou sim­ple­ment l’indifférence, elle en fait un texte pro­pre­ment déli­rant : « Je vou­drais savoir pour­quoi quand tu m’appelles, tu te trompes tou­jours de numé­ro »… Et tenez- vous bien, l’animal fait pire ! Il se couche dans le lit d’à côté !!…

« La vie mode d’emploi » selon Céline, c’est en fait une alliance, un accord (encore un !) avec une être vivant qui l’a choi­sie, qui est venue vers elle, l’a ser­rée contre elle, qu’elle nomme « mon aveugle, ma mutique, ma boi­teuse » : la vie ! Deux êtres qui vont l’amble, bon an mal an.

On aime cette écri­ture sub­tile et tendre, cette poé­sie, ce regard aigui­sé sur le monde, sans amer­tume. On aime cette pré­sence en scène joyeuse, sans fan­fa­ron­nade, qui trans­pire le goût des autres et du par­tage. Quelle déli­cieuse idée de faire par­ti­ci­per le public, en fin de concert, dans « un chant tra­di­tion­nel du XXIème siècle », un chant à répons de son crû, qui met en scène trois maro­cains – bien­tôt rem­pla­cés par trois rou­mains – qui « taillent la vigne pour nous faire du bon vin ». Au pays du Gaillac, ces mots là ont un écho.

D’ailleurs elle y revient très bien­tôt, le 31 mars exac­te­ment, pour par­ti­ci­per aux Ptits bou­chons, 6ème fes­ti­val de Gaillac et ses envi­rons. Vin et chan­son au pro­gramme ! Qu’on se le dise !

Dany et Patrick, les « accueillants » de Chan­tons sous les toits peuvent être fiers de leur choix. Au plein cœur de ce minus­cule vil­lage de Tau­riac - pas même 250 habi­tants – entre Mon­tau­ban et Gaillac, ils nous ont réunis dans un café qui a retrou­vé vie le temps de ce concert.

On ne dira jamais assez com­bien les ren­contres et par­tages géné­rés par une orga­ni­sa­tion sem­blable à Chan­tons sous les toits sont pré­cieux. Com­bien ils redonnent espoir dans notre huma­ni­té créa­trice et solidaire.