du 27 au 31 janvier 2017 – 14e Détours de Chant
Concerts de Jérémie Bossone
Avec Jérémie Bossone (chant, guitare électrique, harmonica), Daniel Jéa (guitare électrique), Benjamin Bossone (clavier)
Théâtre du Grand Rond (Toulouse)
Il fallait l’avoir entendu souvent seul, depuis au moins sept ans, avec sa guitare acoustique, comme au printemps dernier sur la scène de musiques actuelles d’Art’cade en Ariège ; il fallait être là cette semaine aux apéros concerts du Grand Rond deux soirs de suite pour s’interroger sur ce qui peut restreindre l’élan d’un artiste tel que Jérémie Bossone. Son nouvel album Gloires sort enfin en février après des mois d’attente, quitte à être enfin distribué quand ces chansons-là perdent sûrement de leur pertinence aux yeux de l’artiste lui-même. Car auteur, il l’est, Jérémie, compositeur aussi. Et nous le devinons impatient d’ouvrir une nouvelle page du livre.
Mais pourquoi donc, amis de Détours de Chant, pourquoi donc lui avoir offert seulement cet espace de découvertes et d’expérimentation (précieux, au demeurant, pour les chanteurs locaux surtout) qu’est la formule « apéro concert » du Grand Rond ? Heureusement, exception a été faite : Jérémie Bossone et ses musiciens ont été reçus sur la scène du théâtre et non dans le bar. Sans avoir pu approfondir la question, on a bien compris que la sonorisation y a souffert de quelques réglages à la va-vite et l’inquiétude des musiciens était bien légitime.
Surtout, surtout, précisons que l’entrée est libre, que des tirelires attendent à la sortie pour recueillir l’obole du spectateur que l’on espère conscient de ce que représente son geste. Hélas, conscient et responsable, le spectateur l’est si peu ! L’expérience le démontre, quel que soit le spectacle. Il aurait été pour le moins respectueux de prévoir une billetterie.
Et le concert me direz-vous ? À lui seul Jérémie Bossone prolonge nos questionnements sur la place de la chanson dans les musiques actuelles.
En duo d’abord, il a eu du mal à donner toute sa mesure, malgré le soutien de Daniel Jéa, à deux mètres derrière lui. Il manquait d’espace au sens strict de l’expression. On le sentait comme embarrassé dans un costume trop petit pour lui. Mais on a pu aussi apprécier une version plus feutrée, plus intériorisée de La tombe. Certes très vite, Jérémie a retrouvé sa puissance, ses sauts de rocker, cette énergie qui bouscule et bouleverse, s’offrant et nous offrant même, le format épique de sa chanson, le Cargo Noir, point d’orgue de son set et de son album. Nous en serons privés le lendemain, le trio ayant distribué autrement les chansons du set, ce qui nous donne une raison de plus de regretter la formule offerte à cet artiste qui a dû « débarrasser » sans retard le plateau au bout d’une heure.
Mais quel bonheur ce trio ! Disons tout net que Jérémie trouve là une formule rêvée, plus ample, une formule qui prolonge l’état de grâce, les couleurs, le relief de l’album enregistré par Ian Caple. Avec Daniel Jéa, le fidèle, le discret, et son frère au clavier, le mot partage prend tout son sens et les chansons en sont magnifiées. D’emblée en entrant en scène, Jérémie avait gagné en confiance, en aisance, il prenait enfin son envol ! Quelques moments ont marqué l’osmose entre les musiciens et le public et leur valurent des applaudissements et des bravos nourris : Érotique ainsi que la reprise de Göttingen. Ce n’est que justice !
Mais que diable, que la chanson comme celle de Jérémie Bossone, comme celle de Manu Galure – pensons aussi à Dimoné, à Nevche pour ne citer qu’eux – trouve enfin la place qui lui est due dans les musiques actuelles, dans leurs salles, auprès de leur public !