Des fourmis dans les mains (© Serge Sang)

Des four­mis dans les mains (© Serge Sang)

29 jan­vier 2015 – 14e Détours de Chant

Concert Des four­mis dans les mains

Avec Camille Durieux (pia­no, chœur), Coren­tin Que­me­ner (bat­te­rie, chœur), Laurent Fel­lot (textes, com­po­si­tion, contre­basse, basse, voix), Jérôme Rio (sono­ri­sa­tion)


Le Bijou (Tou­louse)

On est lit­té­ra­le­ment son­né, grog­gy, étour­di, là, sur le trot­toir mouillé en retrou­vant la ville, le froid, la pluie. C’est « alerte orange » sur Tou­louse et sa région. Et c’est alerte, à ce moment pré­cis, dans les têtes où résonnent encore des voix venues d’ailleurs. À vous dire vrai on ne sait plus bien où l’on est en quit­tant le navire – enfin, enten­dez le Bijou – qui pour un troi­sième soir accueillait le trio Des four­mis dans les mains.

À quelle céré­mo­nie, sans dieu, ni litur­gie vient-on d’assister ? Les mots dits, les voix ampli­fiées, la bat­te­rie comme un cœur qui pal­pite, le pia­no, et cette contre­basse en majes­té, tissent une émo­tion à vous en faire perdre le nord.

Alors en feuille­tant le livret du der­nier album, Par­tout des gens, on trouve réponse à cette déroute des sens : « Et lorsque vous per­dez le nord /​Par­tez donc droit devant pour vous lan­guir de lui /​Allez voir l’océan, les immenses grands champs /​De par­tout dans le pays… »

Car ce spec­tacle est une invi­ta­tion au voyage, de pré­fé­rence sur un bateau, un rafiot, un radeau, « toutes les pages d’un vieux bou­quin » suf­fi­ront. C’est une prière : « Don­nez-nous une gon­dole, une barque ou même rien /​Mais lais­sez nous prendre un dif­fé­rent demain /​Mais lais­sez nous res­ter un peu… Des gamins. »

Des fourmis dans les mains - Partout des gens (© droits réservés)Chan­son ? Est-ce encore de la Chanson ?

C’est bien davantage.

Même si Laurent Fel­lot vient par ins­tants nous bous­cu­ler, nous entraî­ner vers l’humour, la déri­sion, les textes et l’interprétation vous emportent irré­sis­ti­ble­ment sur les rives de la pen­sée humaine la plus bou­le­ver­sante, parce qu’universelle : l’enfance qui taraude, celle des « pan­ta­lons trop grands et des pulls trop courts », celle que l’on confronte à sa réa­li­té de grand (Regarde), celle de la perte du père (« J’aurais dû te ser­rer mon vieux /​J’aurais dû prendre tes yeux »), celle des regrets amou­reux (« J’aurais dû savoir /​J’aurais dû res­ter debout /​j’aurais dû sen­tir /​Que je vou­lais juste déni­cher ton cou »), et puis celle de ce fichu temps qui nous arrache à tout (J’ai oublié) car l’homme n’a rien du Gink­go, cet arbre appa­ru il y a plus de 270 mil­lions d’années. Alors il lui reste le rêve, celui d’être comme cet arbre dans une autre vie :

« On aura des pré­noms gra­vés sur nos peaux /​Et des feuilles en forme de cœur /​On dépas­se­ra vos mai­sons pour voir le ciel d’un peu plus haut /​Et on chan­te­ra les feuilles mortes /​Que c’est beau /​Que c’est beau /​Que c’est beau /​Et on nous appel­le­ra Gink­go Biloba. »

Article initialement publié sur le site Nos Enchanteurs :
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