Gilles et Auguste, pour quelques pièces dans la tirelire (© Mathias Cloetens pour Festiv’Art)

Gilles & Auguste (© Mathias Cloe­tens / Festiv’Art)

Mer­cre­di 22 février 2012, Toulouse,

Apé­ro concert au Théâtre du Grand-Rond à Tou­louse. Un de ces petits lieux qui s’ouvrent à des décou­vertes du spec­tacle vivant chaque soir à l’heure des ren­dez-vous entre copains… Quelques tables, tabou­rets, chaises dis­pa­rates. On peut s’asseoir par terre aus­si. Le ton est don­né : petit vin blanc sec, à moins que vous ne pré­fé­riez un demi avec une assiette de fro­mages ou de char­cu­te­rie. Et les langues se délient. Mais, à 19 h tapantes… Nous sommes nom­breux ce soir à nous entas­ser contre le bar pour entendre le duo chan­son de Gilles et Auguste. On pour­rait s’attendre alors à ce que cette entrée se fasse dans le bruit mais non. Ici, on connaît les habi­tudes de la mai­son… Quand le spec­tacle com­mence c’est silence et on ne com­mande plus au bar. Res­pect pour les artistes ! Gilles entame une petite his­toire comme il en a le secret et ques­tionne le public : « Pour­quoi les Irlan­dais dansent-ils deux pas en avant, trois en arrière ? » Ne comp­tez pas sur moi pour vous dire la suite. Ce serait faire du tort à ce « joyeux cirque », selon les mots de Phi­lippe Pagès, du Bijou. Et nous voi­ci embar­qués en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire dans un monde oni­rique où tanguent les âmes errantes, les cœurs bri­sés, « sur la falaise, face à la mer ». Pour­tant ils ne nous lais­se­ront jamais nous com­plaire dans cette mélan­co­lie que sou­lignent l’accordéon dia­to­nique de Gilles ou les arpèges du vio­lon­celle d’Auguste. Ils mêlent à leurs chan­sons des moments de franche gaî­té, d’humour – certes par­fois cruel – où le duo fait son numé­ro… de cirque ! Auguste, sans doute ins­pi­ré par son pré­nom, danse, mime, fait de son vio­lon­celle un bateau qui tangue, adopte une bille de clown. Oui, de clown. Et ces pitre­ries, les his­to­riettes de Gilles, ses contes, donnent à ce spec­tacle sa teinte singulière.

Voi­là main­te­nant quatre ans que nous avons fait la connais­sance de ces deux artistes et ils n’en étaient pas à leurs débuts. Je conti­nue de me deman­der pour­quoi diable ont-ils tant de mal à être dif­fu­sés ? Comme tant d’autres me direz-vous… Dans cette ville de Tou­louse, ils viennent d’accéder à la scène du Bijou, ce qui est en soi une recon­nais­sance… Mais ce soir, pour­quoi étaient-ils pro­gram­més en apé­ro décou­vertes, ce qui signi­fie au « cha­peau »… enfin, plus exac­te­ment à la tire­lire ? C’est en effet le rite au Grand-Rond. Des tire­lires sont pla­cées sur les tables et on rap­pelle gen­ti­ment au public qu’ils ne doivent pas oublier de glis­ser quelques pièces avant de par­tir. Je sais aus­si que les artistes ne béné­fi­cient pas de l’assiette de fro­mage ou de char­cu­te­rie après leur pres­ta­tion. Gilles et Auguste sont du crû, ils sont chez eux… Mais ima­gi­nons le coût pour un musi­cien qui doit en plus se loger à l’hôtel. Bien sûr, pen­dant ces soi­rées d’apéro concerts, on peut se dire que quelques pro­gram­ma­teurs vont se dépla­cer ou qu’ils auront l’opportunité de contacts fruc­tueux. Mais ils se font de plus en plus rares ces pro­gram­ma­teurs, on le sait bien. Ce théâtre pos­sède une salle de spec­tacle avec une pro­gram­ma­tion où Gilles et Auguste me parais­saient dignes de figu­rer. Et puis, où les « vrais » débu­tants peuvent-ils alors se faire connaître, si ceux qui sont aguer­ris prennent la place ?

Pour ter­mi­ner sur une note opti­miste, le pas­sage de Gilles et Auguste sur notre scène Festiv’Art l’été der­nier leur a valu d’être repé­ré par le Fes­ti­val Ber­nard-Dimey. Qui sait, peut-être vont-ils faire de belles ren­contres à Nogent au mois de mai pro­chain ? J’aimerais tant qu’ils puissent offrir encore long­temps la dégus­ta­tion de leur uni­vers poé­tique et joyeux.