Une tenue et une posture à faire tourner de l’œil (© droits réservés)
Avant-hier après-midi, « coups de pousses » du festival Détours de Chant au Bijou, à Toulouse. Ceux, nombreux, qui sont fidèles lecteurs de NosEnchanteurs, se souviennent peut-être que j’allais y retrouver la petite sirène Lizzie. Mais à 16h30, après avoir quitté mon petit village transi de froid sous la neige, c’est le duo de La Reine des Aveugles qui m’a cueillie tout juste réchauffée d’un gros chocolat chaud et surtout de l’accueil si chaleureux du Bijou où transitent les mordus toulousains de la chanson.
Me voici, impatiente de redécouvrir Emilie Perrin que je connais dans son Duo Parleur avec Nicolas Dimier depuis 2003 où ils ont été finalistes de notre premier tremplin Festiv’Art… Elle y excelle en facéties, en coups de marron, dans un répertoire de « pitreries chantées » selon les mots prononcés par Philippe Pagès en page d’accueil de leur site. Que nous réserve son association, depuis dix huit mois environ, avec un autre déjanté : Claude Delrieu ? Claude – pur produit du terroir ariégeois, empressons-nous vite de le souligner ! – c’est le musicien prêt à tout. Lui-même auteur compositeur, il n’aime rien tant que de s’acoquiner avec le premier poète, musicien à condition qu’il soit aussi risque tout que lui … Les aventures artistiques, ça le connaît ! Ici, en Ariège, nous l’avons vu en 2005 trois soirs durant à La Charmille (petit lieu hélas disparu) où il invitait ses amis musiciens de tous poils. Plus récemment on l’a vu accompagner le texte de Philippe Léotard dans Pas un jour sans une ligne pour la Compagnie toulousaine Beaudrain-de-Paroi, et sans doute certains d’entre vous le connaissent aux côtés de Loïc Lantoine… Est-ce assez pour évoquer le personnage au talent sans frontières ?
Auprès d’Emilie, compositeur et arrangeur de ses textes, il devient homme orchestre, jonglant avec grosse caisse au pied, sampler… se saisissant de la guitare électrique dont il tire des sons étranges pour s’emparer ensuite de son accordéon : main gauche sur les touches et main droite sur les cymbales… Enfin, un festival de sons… Et pourtant, le set commence dans un minimalisme qui m’a mise sous tension… J’attendais obscurément que tout explose ! – ce qui n’a pas manqué en effet.
Voici la Reine des Aveugles : elle est vêtue d’un petit corset lacé dans le dos du plus bel effet érotique, surmonté d’un chemisier rouge garance (Claude arbore une chemise du même ton de rouge), d’une jupe de dentelle noire découvrant des bas résille et chaussée de bottines aux hauts talons… une tenue à vous faire chavirer, messieurs… Des documents vidéo nous la montrent vêtue de cuir… Elle nous promène, nous malmène, nous bouscule, nous amuse aussi, dans son musée imaginaire où se côtoient une vieille qui se fait la belle avec l’héritage, des adolescents au portrait acide mais tellement vrai, Audrey dans sa souffrance de fille que l’on persécute à l’école – trop grosse, trop moche – puis cette femme qui revendique de vivre en toute stérilité, celle qui dit sa peur ne pas avoir le temps, celle qui a égaré son amoureux, celle qui nous raconte son rêve d’une nuit et finit avec ce texte – coup de poing final – de Jacques Brel, emprunté à L’homme de la Mancha : « Mais chassez donc vos nuages et regardez moi telle que je suis… Ne me parlez plus de Dulcinéa… Je suis Aldonza, la putain. »
En attendant que ce duo puisse sortir un album – « ça coûte cher » dit Emilie à la spectatrice qui lui réclame son CD – en attendant que vous puissiez les voir prochainement en scène, c’est à Claude Nougaro parlant de Léotard que j’emprunte la conclusion : « J’aime les poètes qui claudiquent sur les marelles du mystère d’être. »
Mystérieuse Reine des Aveugles qui parle à notre imaginaire, à nos peurs, à nos colères.