Gaëlle Vignaux (© Albert Weber)

Gaëlle Vignaux (© Albert Weber)

7 mai 2015 – 15e fes­ti­val Ber­nard Dimey

Jour 2 – Concert de Gaëlle Vignaux

Avec Gaëlle Vignaux (chant), Ben­ja­min Lehe­ris­sey (gui­tare élec­trique) et Stan Augris (bat­te­rie, percussions)


Centre cultu­rel Robert Hen­ry – Nogent (Haute-Marne)

Ce fes­ti­val prône éclec­tisme et ouver­ture, nous l’avons déjà dit. Et c’est un réel bon­heur que de per­ce­voir, au fil de sa pro­gram­ma­tion, l’infinité de formes et de styles que peut prendre la Chan­son. Ce deuxième jour ne nous démen­ti­ra pas.

Ce soir, Gaëlle Vignaux, aux anti­podes de la pres­ta­tion sans failles et tirée au cor­deau de la veille, se pré­sente à nous avec une authen­ti­ci­té bou­le­ver­sante. Ce petit bout de femme vou­drait bien s’arracher à ses peurs, à sa peur de la grande scène, du trou noir, là devant elle. À la voir remon­ter sans façons son jean qui glisse sur ses hanches, à pro­non­cer dis­tinc­te­ment ces mots « J’en ai marre de moi » quand elle achoppe au démar­rage d’un nou­veau mor­ceau, on la per­çoit désar­mée, fra­gile, funam­bule qui tente sans cesse de réta­blir l’équilibre pour le pas sui­vant. Et ce n’est pas un jeu de scène. Elle est comme ça, Gaëlle, sans artifices.

Elle a pour­tant deux hommes auprès d’elle qui ont de quoi ras­su­rer. Côté jar­din, Ben­ja­min Lehe­ris­sey à la gui­tare élec­trique et, côté cour, Stan Augris à la bat­te­rie et aux per­cus­sions. On pense même par­fois que leur accom­pa­gne­ment pour­rait lui offrir un peu plus de ron­deur. Mais est-ce seule­ment une ques­tion d’intensité sonore… ou même d’implantation scé­nique ? Ils sem­blaient déci­dé­ment loin d’elle.

Mais quand elle débute avec ce por­trait de « la moche », dont en ne sait plus bien si elle nous faire rire ou pleu­rer, ce por­trait de celle qui garde le sac des copines sur la plage, de celle qui vou­drait bien finir un jour aux « objets cher­chés », on com­prend qu’elle a des res­sources en elle, Gaëlle : les res­sources des mots, de l’écriture, de la créa­tion, celle qui sauve de la déses­pé­rance ou des attaques de panique (Tha­na­to­pho­bie). Auteure, elle l’est, sans contes­ta­tion possible.

Gaëlle Vignaux et ses musiciens sur la scène du festival Dimey (© Albert Weber)Fran­che­ment, si l’on est femme, a for­tio­ri femme d’une géné­ra­tion que l’on ten­tait encore de muse­ler, on se réjouit de cette parole-là. N’allez sur­tout pas croire, si vous n’avez pas encore enten­du Gaëlle, qu’il s’agit là d’un fémi­nisme brut et facile. Non, tout est en nuances, en clair-obs­cur et c’est si émou­vant. L’une des plus belles chan­sons est sans nul doute celle qui trace l’histoire du couple qui naît dans le rêve de la fusion et ne sait pas voir à temps son erreur. Quelle est celle d’entre nous qui n’a pas eu ce rêve-là ?

Les por­traits défilent et chaque fois, peu ou prou, ils parlent de nous : aux côtés de la moche, on croise la mini-miss affu­blée d’une mère qui fait d’elle une marion­nette ridi­cule, ou la chia­leuse - « C’est tous les mots /​maux qu’elle abrite qui finissent par prendre la fuite » – Et que dire de ce texte qui s’adresse à son fœtus, « pas­sa­ger du des­tin, graine d’un dimanche de juin » ? Gaëlle s’adresse à nos his­toires de femmes, non sans humour (J’aime tes ex) et c’est là, source d’une forte émo­tion. « Bien vite on se recon­naît », nous dit-elle, « on s’entend quand on se tait. »

Pour ces mots-là de sœur, d’amie, pour cette fra­gi­li­té d’artiste en scène, de celle qui ne se la joue pas, on vou­drait sim­ple­ment dire mer­ci à Gaëlle Vignaux et à ceux qui nous ont per­mis cet espace d’émotion.

Article initialement publié sur le site Nos Enchanteurs :
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