Barjac m’en chante 2019 – Laurence Keel & Jonathan Mathis (© Luc Allegier)

Bar­jac m’en chante 2019 – Lau­rence Keel & Jona­than Mathis (© Luc Allegier)

27 juillet au 1er août 2019 – Les nou­veaux amé­na­ge­ments du festival

Bar­jac m’en chante 2019, « Des cou­rants d’air frais »

Avec
Jean-Claude Barens et Jean-Pierre Ber­to­mèreLa Cie Chi­loé – Les souf­fleurs de vers : poèmes de Jean Vas­ca par Lau­rence KeelJona­than MathisLes scènes ouvertes de minuit trente avec Laurent Malot de la Manu­fac­ture Chan­son et Florent Richard (pia­no) – Les ren­contres de onze heures moins onze avec Patrice Demailly (jour­na­liste), Denis Col­li­not ( direc­teur de fes­ti­val), Fran­cis Vern­het ( pho­to­graphe) – Michel Tri­ho­reau et Gil­bert Lafaille (auteurs) – Les Mômes piaffent avec Agnès Doher­ty, Bri­ca­brac Orches­tra, Mathieu Bar­bances – Les concerts du Jar­din des papo­tages avec Cla­ra San­chez et Elie Guillou – Les effeuillages poétiques… 


Salle du châ­teau, Espace Jean Fer­rat (cour du châ­teau), Salle Trin­ti­gnant, Jar­din des papo­tages, Cha­pi­teau du Pra­det – Bar­jac (Gard)

C’est l’édito de Jean-Claude Barens qui nous le dit : « Des cloi­sons ont été sup­pri­mées, et la créa­tion de nou­velles ouver­tures a per­mis une cir­cu­la­tion d’airs frais. » Il serait injuste en effet de rendre compte de cette édi­tion sans s’accorder une halte à la dimen­sion nou­velle appor­tée par ce direc­teur artis­tique, « bâtis­seur dans l’âme ». Certes « les fon­da­tions étaient solides, les murs patiem­ment mon­tés par des maçons sen­sibles et exi­geants, le toit bien char­pen­té. » Certes il est impor­tant de rap­pe­ler le tra­vail pré­cé­dem­ment accom­pli, avec la même pas­sion, la même exi­gence, pour la Chan­son de qua­li­té. De se souvenir.

Soyons sin­cère, de cette édi­tion 2019, il ne nous aura pas été pos­sible de tout voir. Quel regret de n’avoir pu assis­ter aux Effeuillages poé­tiques de 15h30 ! Notre per­cep­tion du fes­ti­val est donc par­tielle mais nous aimons trop la ren­contre, le croi­se­ment des domaines artis­tiques pour ne pas avoir été enthou­sias­mée par quelques ini­tia­tives. On cite­ra d’abord « L’instant des souf­fleurs de vers ». Ce sont quelques petites minutes, un souffle de poé­sie, en pré­am­bule aux concerts du châ­teau. L’an pas­sé les chan­teurs qui allaient se pro­duire sur cette scène pres­ti­gieuse avaient choi­si et enre­gis­tré un poème de leur choix. Cette fois, il s’agissait exclu­si­ve­ment de poèmes de l’un des fon­da­teurs de ce fes­ti­val, Jean Vas­ca, dits en direct par la comé­dienne Lau­rence Keel, accom­pa­gnée par le mul­ti ins­tru­men­tiste Jona­than Mathis… Ain­si on enten­dra se poser déli­ca­te­ment sur les mots un accor­déon, une minus­cule orgue de Bar­ba­rie, un uku­lé­lé, une kora… Accom­pa­gne­ment tout en légè­re­té, en grâce… Le duo fini­ra par se pro­duire dans l’encadrement d’une ouver­ture dans le mur de fond de scène. Court ins­tant de beau­té pure où les mots du poète prennent toute leur saveur : « Vivre c’est encore boire à la source /​Au gou­lot des uto­pies des cépages à venir […] C’est cou­rir dans l’haleine bleue des gelées blanches […] /​C’est alors /​Qu’une évi­dence monte et fleu­rit /​Je chante donc je suis /​Et quand je suis j’écris /​Et quand j’écris je vis. » (L’incertitude, l’insoumission… et les étoiles in La concor­dance des chants. Poèmes et Chan­sons, 1964 – 2014)

On n’oublie pas, non plus, les ren­dez-vous d’après-minuit, Scènes ouvertes, où des spec­ta­teurs nom­breux trouvent encore le goût et l’envie d’écouter des chan­sons sous le cha­pi­teau… 18 à 25 chan­teurs et chan­teuses de pas­sage ou fes­ti­va­liers au long cours chantent une ou deux chan­sons, s’offrant ce fris­son d’être sur la scène, à Bar­jac… Sans doute pour cer­tains, avec le secret espoir de faire mouche… La Manu­fac­ture Chan­son, par l’entremise de Laurent Malot orchestre ce moment. Florent Richard, pia­niste, se met à la dis­po­si­tion de ceux qui ne s’accompagnent pas eux-mêmes. Mais plus sûre­ment notons que c’est à l’extérieur, autour de la buvette que se déroule très tard dans la nuit le meilleur… Une ren­contre spon­ta­née entre chan­teurs… Un « bœuf » sans autre pré­ten­tion que la joie du partage. 

Pour ceux qui aiment les débats, les réflexions, les aveux, les confi­dences, c’est aux Ren­contres de 11h moins 11 qu’il faut aller. Outre cer­tains artistes pré­sents, on pou­vait écou­ter les témoi­gnages d’un jour­na­liste musi­cal (Patrice Demailly /​RFI – Libé­ra­tion) d’un direc­teur de fes­ti­val (Denis Col­li­not /​Fes­ti­val de Marne) ou d’un pho­to­graphe (Fran­cis Vern­het)… Mais on a pu aus­si écou­ter, plus tard dans la jour­née, Michel Tri­ho­reau par­cou­rir 50 ans de Chan­sons, 50 ans d’une rela­tion peu com­mune entre Cathe­rine Sau­vage et Léo Fer­ré, ou bien se faire dédi­ca­cer le livre Kaléi­do­scope (édi­tions Chris­tian Pirot) par son auteur Gil­bert Laf­faille qui livre là une véri­table épo­pée, une immer­sion dans des décen­nies à regar­der le monde comme il va et à en faire des chan­sons et des sketches.

Les petits ont aus­si eu leur ins­tant avec Les mômes piaffent dans la cour de l’école. Les chan­sons de Boby Lapointe y sont deve­nues des jeux, des contes avec Agnès Doher­ty. Le Bri­ca­brac Orches­tra y a bri­co­lé à l’envi des sons et des chan­sons. Quant à Mathieu Bar­bances et sa contre­basse, ils ont rap­pe­lé le sort des enfants chas­sés par la guerre… Une façon de dire que les petits ne comptent pas pour du beurre. Ici, à Bar­jac, on les prend très au sérieux… C’est pour­quoi Mathieu revien­dra ani­mer des ate­liers avec des enfants de l’école primaire. 

Mais le lieu que nous affec­tion­nons par­ti­cu­liè­re­ment c’est ce jar­din, mali­cieu­se­ment nom­mé Jar­din des papo­tages. Edouard Chau­let, maire de Bar­jac peut être fier de l’acquisition de sa muni­ci­pa­li­té. On attend avec impa­tience de décou­vrir ce que devien­dra aus­si la belle mai­son de pierre et sa vaste ter­rasse, juchée sur des voûtes où le fes­ti­val a d’ores et déjà ins­tal­lé des expo­si­tions d’art contem­po­rain. En exté­rieur, une expo­si­tion facé­tieuse signée Jean-Pierre Ber­to­mère et Jean-Claude Barens (il n’est donc pas seule­ment direc­teur artis­tique du fes­ti­val !), s’amuse et joue avec les attri­buts de nos villes… Et c’est là aus­si que l’on a pu durant deux jours s’entendre mur­mu­rer à l’oreille de la poé­sie grâce à une ingé­nieuse ins­tal­la­tion, le Poè­ma­ton d’Isabelle Paquet et Julien Belon de la Com­pa­gnie Chi­loé. Pour nous, un ins­tant déli­cieux d’écume, de vent, de vagues qui devait s’achever sur ces mots d’Antoine Emaz : « on est seul à pas­ser /​vrai­ment /​seul à tra­ver­ser /​cou­per dans l’espace /​sauf peut-être le vent »

C’est dans ce jar­din, dans l’espace magni­fi­que­ment ombra­gé, que sont accueillies des petites formes de spec­tacles en acous­tique de 35 à 40 mn en fin de mati­née, comme Cla­ra San­chez et son accor­déon, ou la lec­ture chan­tée d’Elie Guillou… Ce sont des ins­tants pri­vi­lé­giés d’écoute. « Moins de son et plus de sens » pro­met­tait l’édito. C’est exac­te­ment ce qui se passe là, comme à 15h30 avec Les effeuillages poé­tiques… Une heure pour « mettre le temps debout », comme le dit si bien Chris­tian Camer­lynck et le public aver­ti de cette rare­té s’y pré­ci­pite, au point que la salle ne peut accueillir tous les prétendants…

La poé­sie dans tous ses états a encore de beaux jours devant elle à Bar­jac pour peu que l’on pro­tège ces ouver­tures et leurs cou­rants d’air frais.