François Puyalto– Le nom des animaux – 2017 (©Artwork Matthias Lehmann)

Fran­çois Puyal­to – Le nom des ani­maux, 2017 (© Art­work Mat­thias Lehmann)

3 jan­vier 2018 –Pre­mier album de Fran­çois Puyalto

Le nom des ani­maux, date de sor­tie le 10 novembre 2017

Avec
Fran­çois Puyal­to (chant, basse élec­trique), Tarik Chaouach (rhodes, pia­no), Rafaël Koer­ner (bat­te­rie) 


Mar­cher /​Mar­cher jusqu’au bout /​Au bout de la jetée /​S’y jeter
Nager /​Nager jusqu’au bout /​Jusqu’au bout de ses forces
Nager, nager, nager

Ce pre­mier album de Fran­çois Puyal­to vous cueille d’abord avec sa pochette au bes­tiaire fan­tai­siste, sous le trait de l’auteur de BD Mat­thias Leh­mann qui croque au pas­sage le trio ins­tru­men­tal. Le mes­sage semble clair, il s’agit bien d’un voyage musi­cal, d’une iti­né­rance entre monts et val­lées, villes et cam­pagnes, mers et montagnes.

Pas vrai­ment ici, pas vrai­ment là-bas. Pas vrai­ment hier ou demain. Un peu par­tout à la fois.

Pas vrai­ment hommes, pas vrai­ment bêtes. Un monde poé­tique, étrange, au croi­se­ment des ima­gi­naires d’un Pré­vert et d’un Camille Saint Saëns d’aujourd’hui. On y ajou­te­rait – pour­quoi pas ?- les poèmes de Fran­cis Blanche et conclure. « Ne riez pas ! /​Les bêtes ne sont pas /​les plus bêtes, /​en somme. /​Et si vous en dou­tez un brin, /​Ren­dez-vous dimanche pro­chain /​Au Car­na­val des hommes. »

C’est un peu ce que nous disent la chan­son épo­nyme et sa longue énu­mé­ra­tion de noms d’animaux plus incon­grus les uns que les autres, accom­pa­gnés de sons impro­bables. Voi­là pour l’humanité que seule la créa­tion sauve du pire, sur­tout de la mort. Œuvres ouvertes sur L’infiniPoèmes à Lou d’Apol­li­naire ou Médi­ta­tions du musi­cien de jazz John Col­trane. Voi­là les références.

On ne sait dire vrai­ment ce qui touche d’abord dans cet album. Est-ce la voix lim­pide, claire, une belle voix d’homme res­ti­tuée dans toutes ses inflexions ? Dès la pre­mière chan­son elle nous acca­pare et ne nous lâche pas. Elle devient fami­lière au fil des titres.

Est-ce plu­tôt l’accompagnement ins­tru­men­tal qui navigue entre jazz et rock, qui donne un rôle de tout pre­mier plan à la basse, comme le pro­lon­ge­ment des mots de l’auteur ? On la découvre lan­ci­nante, san­glo­tant par­fois comme à la fin de Laisse moi quand la bat­te­rie, elle, se déchaîne. Cette bat­te­rie escorte seule la voix dans So long une chan­son qui déci­dé­ment nous rap­pelle Arthur H, Le cher­cheur d’or, Adieu Tris­tesse  On aime le pia­no qui des­sine une atmo­sphère pai­sible dans Demain. On aime le final, un reg­gae non­cha­lant, les chœurs pour dire Le Bon­heur. C’est tout simple, le bon­heur. Encore faut-il ne pas le lais­ser passer.

Car on vous avoue­ra sans mal que cet album nous touche tout autant par les textes. Et c’est là sa réus­site. Il est bien ques­tion d’un voyage comme le confirme l’astucieuse page pliée qui sert de livret, illus­trée des textes cal­li­gra­phiés, agré­men­tés de des­sins. L’album s’ouvre sur une note répé­tée, elle ne nous lâche pas, un peu comme une seconde après l’autre – ce fichu temps qui passe – ou bien ce pas de l’homme qui marche, mu par une force invin­cible ; par­fois même il se retourne, revient sur ses pas (Le che­min, Chan­son pour la mai­son). Mais que faire d’autre dans une vie, sinon avan­cer, prendre de la hau­teur par­fois (La jetée) pour aller vers Demain dont on ne sait rien. D’ailleurs connaî­trions –nous ce qu’il sera, que ferions-nous ? La vie est si impré­vi­sible, si fan­tasque « C’est tout, c’est rien, des fois c’est à hur­ler, de peine, de joie, de faim, de froid »…

Au cours de cette vie – de ce voyage au long cours- il arrive que l’on cherche « ses frères éga­rés ». On vit des amours aux­quels on ne com­prend pas grand-chose « Des grands écarts des amou­reux /​La véri­té est au milieu /​Aux deux pôles de leur amour /​Il fait tan­tôt nuit tan­tôt jour ». On croise ses sem­blables. Par­fois ils nous pour­rissent la vie, avec du pas grand-chose ou du pire… « Le Klaxon comme la mode, la panique ou la guerre /​Pour peu qu’il y en ait un qui démarre, tout le monde s’y met… Pour­quoi ? Mys­tère. » On laisse en che­min un ami, on retrouve un amour, on en laisse un. On ne sait plus bien com­ment ni pour­quoi comme dans ce récit de Louis- Fer­di­nand Céline et cette décla­ra­tion d’amour de Bar­da­mu à « la bonne, admi­rable Mol­ly » qu’il a pour­tant aban­don­née en Amé­rique. Voi­là un titre qui donne sa note ori­gi­nale à un album nour­ri de quan­ti­té de réfé­rences, de pay­sages, de par­tages dont Fran­çois Puyal­to, auteur, com­po­si­teur, garde l’empreinte et qu’il nous restitue.

Puisse-t-il conti­nuer ain­si sa route Mar­cher, mar­cher jusqu’au bout… Puis­sions-nous être nom­breux à écou­ter sa musique, ses mots, sa basse, le pia­no de Tarik et la bat­te­rie de Rafaël et dire :

J’aime ta p’tite musique
De nuit, de jour
Der­rière tes car­reaux
J’vois tes amours

Infi­nis, infinis