François Puyalto trio – Café Plùm - 2018 (© Laure SML)

Fran­çois Puyal­to trio – Café Plùm, 2018 (© Laure SML)

28 octobre 2018 – Fran­çois Puyalto

Concert en trio

Avec

Fran­çois Puyal­to (basse, chant), Rafaël Koer­ner (bat­te­rie), Tarik Chaouach (cla­vier Rhodes)


Café Plùm – Lau­trec (Tarn)

« Cette basse qu’il caresse, frotte, arpège comme une gui­tare ou mar­tèle comme un beat de grosse caisse, il l’a trim­bal­lée chez Néry, Ber­trand Belin, Kyrie Krist­man­son et sur­tout Emi­ly Loi­zeau qui, de bas­siste, lui a don­né l’envie de deve­nir chanteur.

Chan­teur parce qu’à presque qua­rante ans il y avait urgence à poser des mots sur ses cordes, pour dire le monde avec le grain de la voix et l’élan du cœur. »

Ce concert nous l’attendions depuis un an, depuis novembre 2017 où nous écri­vions pour la sor­tie du pre­mier album de Fran­çois Puyal­to, Le nom des Ani­maux. Après l’Ariège, cette fois nous sommes dans le Tarn, au café Plùm à Lau­trec. Ce lieu jouit aujourd’hui d’une cer­taine renom­mée, bien au-delà de l’Occitanie. Espace cultu­rel, entre café de vil­lage, librai­rie, concerts de musiques – toutes les musiques – où la Chan­son se fraie son che­min. Une fois encore on se doit de sou­li­gner l’importance de cette « chan­son en campagne ».

Nous voi­ci donc par un froid dimanche aux allures de novembre devant cette petite scène – ô com­bien cha­leu­reuse dans son décor hété­ro­clite d’objets artis­ti­que­ment détour­nés – où les pro­prié­taires du lieu accom­plissent l’exploit de faire res­pec­ter le silence au bar…

Le trio qui va nous emme­ner loin, très loin n’est pas de cir­cons­tance. C’est une his­toire humaine, de longs et vieux par­tages qui donnent à sa musique en scène l’image ras­su­rante d’une conni­vence fluide. Un regard, un geste à peine esquis­sé de Fran­çois Puyal­to, et les trois ins­tru­ments se mettent à dis­cou­rir comme les jazz­men savent le faire. Ces trois là en effet vous enve­loppent très vite, vous des­sinent leurs pay­sages où vous met­tez libre­ment vos cou­leurs, et s’adonnent à de longs échanges.

Au final ce concert est à double entrée. Il satis­fait les ama­teurs de jazz et ceux de la Chanson.

Ama­teurs de chan­son, vous êtes séduits par la pré­sence élé­gante, la voix de Fran­çois, dont vous ne per­dez pas un mot. Cha­leu­reuse voix d’homme qui trace sa route « Le long des sen­tiers, des val­lées, des rivières » et croise la vôtre au détour de ses rêves, de ses échap­pées vers Ailleurs. Le plus sou­vent c’est à cha­cun de nous- pour un soir frères et sœurs de route- qu’il s‘adresse, en pri­vi­lé­giant dans ses chan­sons le tutoiement…

Le temps et l’espace sont abo­lis et, pour­tant, nous sommes incon­tes­ta­ble­ment dans ce monde d’aujourd’hui. La ville est là, sa jungle et ses klaxons et ses hommes pres­sés. Mais aus­si ses fon­taines, « L’eau qui connais­sait nos peines et nos farces », les sou­ve­nirs qu’on y laisse, les ani­maux qui s’y risquent… Et sur­tout quelqu’un. Quelqu’un « qui [nous] tien­drait chaud, qui serait [notre] pareil » … Même si l’amour c’est un drôle de voyage avec ses « grands écarts », ses para­doxes, « Il fait tan­tôt nuit, tan­tôt jour ». Mais c’est un si pré­cieux jar­din de sou­ve­nirs qui sont autant de cadeaux, comme le dit de la douce Mol­ly le nar­ra­teur du Voyage au Bout de la Nuit, ou comme ce par­fum qui reste, têtu, quand tout est fini…

Tout, dans la musique de ce trio, nous entraîne vers demain, vers d’autres espaces. Marches, courses, galops, nages, au gré des sons de cette basse incroya­ble­ment diverse et chan­geante sous les doigts experts, de ce cla­vier Rhodes fami­lier des seven­ties, de la bat­te­rie qui sait se faire tout aus­si bien caresse que cadence, remous. Tout ce que des­sine aus­si la cohorte des mots, leurs images sonores, cor­tège tin­tin­na­bu­lant, comme celui des noms des ani­maux qui font à eux seuls un poème sans fin « Nono de Kawaï, Petit Phi­lé­mon, Mama­ta à frange, Cra­paud cor­nu, Camé­léon bilo­bé, Cné­mi­do­phore ponc­tué… »

Pen­dant ce concert, on rêve. Indu­bi­ta­ble­ment on rêve… Éva­dés de nos réa­li­tés, à la suite de celui qui chante « Good bye, Good bye, So long », cette unique fois sans sa basse, avec la seule escorte de la bat­te­rie, tout en nuances feu­trées. On rêve de voyages, d’espaces, de routes. On croise « En guise de bien­ve­nue / Un arbre / Pour se chauf­fer l’hiver /​On s’arrête devant la dou­ceur d’une image « Et le pli de la mai­son / Encais­sée dans la falaise /​C’est là /​Qu’on donne le lait… » Puis on reprend sa route, on avance, on avance. Pas vrai­ment le choix, quand bien même on nous aurait pré­ve­nu avant … La vie « C’est tout, c’est rien, /​Des fois c’est à hur­ler de peine, /​De joie, de faim /​De froid, d’amour, /​De rire, et de plai­sir ! »

La vie, c’est le mou­ve­ment. « Dis –toi que demain, c’est tant que t’es vivant ».

**Vœu

Si j’étais la feuille que roule
L’aile tour­noyante du vent,
Qui flotte sur l’eau qui s’écoule,
Et qu’on suit de l’œil en rêvant ;

Je me livre­rais, fraîche encore,
De la branche me détachant,
Au zéphyr qui souffle à l’aurore,
Au ruis­seau qui vient du couchant.

Plus loin que le fleuve, qui gronde,
Plus loin que les vastes forêts,
Plus loin que la gorge profonde,
Je fui­rais, je cour­rais, j’irais ![…]

Vic­tor Hugo, Les Orien­tales