Aïda– Extra Terrienne – La Bijou - 2018 (© René Pagès)

Aïda – Extra Ter­rienne, Le Bijou 2018 (© René Pagès)

1er novembre 2018 – Aïda en quintet

Extra Ter­rienne

Avec
Aïda San­chez (textes, voix), Etienne Rou­ma­net (textes, musiques, arran­ge­ments, contre­basse, basse), Patrick Gora­guer (bat­te­rie), Alain Mar­ti­nez (alto, trom­pette) et Benoït Medry­kows­ki (gui­tares)


Le Bijou (Tou­louse)

Les pieds sur terre, les boucles en l’air, cares­sant les mys­tères de la lune, s’éclairant de ceux du soleil, Aïda porte depuis sa nais­sance une des­ti­née mer­veilleuse. Chan­ter les mots d’Homme, gué­rir les maux d’âme. Une ter­rienne extra « ordinaire ».

Aïda, la cha­ris­ma­tique chan­teuse du groupe Orlan­do le trio, s’élance enfin seule et heu­reuse. Nais­sance char­nelle d’une chan­teuse orga­nique. La Dépêche du Midi

Aïda au Bijou, Chan­son extra terrienne 

Regar­dez- la, Aïda, entou­rée de ses hommes au moment du salut. Regar­dez-la bras ten­du en signe de remer­cie­ments pour les tech­ni­ciens qui l’ont escor­tée au son et aux lumières. Regar­dez son sou­rire radieux et celui des quatre musi­ciens. On pense, à ce moment là, à la chan­son de Bar­ba­ra. Ils peuvent être heu­reux et fiers ces hommes là, ceux qui l’accompagnent et offrent à ses chan­sons un si bel écrin ins­tru­men­tal. Le public les ova­tionne à juste titre. Car il n’est pas près d’oublier de si tôt le moment qu’il vient de vivre.

Est-elle, Aïda, un peu comme Bar­ba­ra si l’on en croit ses textes, « Fille des brumes/​En somme /​De la nuit et de la lune, tout comme » ? Et quand elle arrive en scène, déjà féline, flûte de cham­pagne à la main, d’une élé­gance sobre dans son cos­tume pan­ta­lon-veste et son che­mi­sier d’un vert à faire pâmer tous les super­sti­tieux de la scène, n’est-elle pas reine en son palais ? En sa sou­coupe volante, dit-elle, à peine atter­rie ? Oui, Aïda rayonne et de tout le concert ne quit­te­ra pas ce sou­rire de femme épa­nouie et conquérante.

Conqué­rante, ensor­ce­leuse plu­tôt. Bien sûr on s’empresse de dire que la musique joue aus­si de tous ses pou­voirs orphiques. D’ailleurs on per­çoit très vite que tout est cal­cu­lé entre elle et les quatre musi­ciens. Au mil­li­mètre. A la fin de chaque chan­son, Aïda se tourne vers eux comme pour mieux s’assurer de leurs accords, comme pour reprendre une res­pi­ra­tion, dos au public, puis repar­tir vire­vol­tante, face à lui. On aime ce mou­ve­ment qui se répète, ce rituel.

Gui­tare élec­trique, alto, contre­basse et bat­te­rie, quelques sub­tiles intru­sions de la trom­pette, sont à l’unisson de cette pré­sence qua­si enchan­te­resse. Déli­vrée de tout ins­tru­ment Aïda donne la mesure de son talent d’interprète. « Je m’étais endor­mie /​Mais voi­là je m’éveille /​Pour une vie d’ange heu­reuse /​Suivre son res­sen­ti… » Sa voix sin­gu­lière, son corps qui cha­loupe, qui danse et mime ses émo­tions, ses mots, sont autant de philtres magiques. Tan­tôt l’un vous attrape, tan­tôt l’autre, tan­tôt tout à la fois… On vous défie d’y échapper !

Dans ce concert, Aïda rend un hom­mage vibrant aux mots. Aux bruits des mots. C’est d’ailleurs avec eux, avec sa chan­son Poé­sie du dimanche qu’elle com­mence : « Où vont les mots tus, les mots tus /​Ils résistent, dansent… » Très vite on com­prend qu’il ne nous sera pas pos­sible de sai­sir, l’instant d’une chan­son, toute la quin­tes­sence du mes­sage… Aus­si, sou­vent, on avoue­ra se lais­ser aller à la musique et à sa seule pré­sence, en atten­dant de reve­nir plus tard à l’album.

Les textes de ses chan­sons- les siens comme ceux d’Etienne Rou­ma­net – sont autant de rap­pels de la puis­sance de l’amour, du désir sur­tout. Aïda sait, comme per­sonne, en don­ner l’image, la chair… Il suf­fit par­fois d’un par­fum et alors, inutile de résis­ter, « La soli­tude vacille ». On sait pour­tant le prix qu’il va en coû­ter et toutes ces guerres qu’il faut mener et leurs inévi­tables corol­laires, les amours déchues. « De désa­mours en petites morts »… Les textes évoquent nos vies de ter­riens éga­rés « En ago­nie de vous, et de rien… Je vais seul face à la lune /​Jusqu’au bout de mon infor­tune… » La chan­son fétiche de ce concert, comme de l’album Extra Ter­rienne, ne demeure-t-elle pas incon­tes­ta­ble­ment Je suis morte, et cette ques­tion, ce refrain : « Com­ment mou­rir sur cette terre /​Encore un luxe sup­plé­men­taire » ?

Mais Aïda est aus­si remar­quable comé­dienne. Elle nous offre des pauses, des haltes que l’on savoure. Tou­jours pen­chée sur le pou­voir des mots, elle raconte des anec­dotes emprun­tées à sa vie d’enfant bilingue. Se détache alors le per­son­nage de sa mère espa­gnole qu’elle fait vivre, accent et ges­tuel com­pris, pour notre plus grande joie. Moments abso­lu­ment jubi­la­toires entre deux chansons.

Ter­mi­nons avec ces mots qu’elle nous livre, faus­se­ment légère, à l’occasion de l’une de ces anec­dotes : « En espa­gnol l’amor [la mort] c’est l’amour ! » Le public applau­dit, conquis. Se sou­vient-il alors que, depuis la nuit des temps, Eros et Tha­na­tos sont de connivence ?

Mais voi­là qu’Aïda se rit de ces deux langues qui lui donnent un amour bicé­phale des mots. C’est pour­quoi elle les incarne, du corps et de la voix qui s’échappe par­fois en mélo­pées ; elle les danse aus­si sou­vent qu’elle les chante.

C’est pour­quoi il faut abso­lu­ment aller la voir en concert. Pour cet amour là… For her « Drea­ming words ».