Françoise Hautfenne - Ephéméride (©Marie Nigoul)

Fran­çoise Haut­fenne – Ephé­mé­ride (© Marie Nigoul)

Décembre 2014 – Album Ephéméride de Françoise Hautfenne

avec Fran­çoise Haut­fenne (textes, musiques, chant) Nor­bert Galo (réa­li­sa­tion, arran­ge­ments & gui­tares), Kevin Car­tière (per­cus­sions) Claire Galo-Place (Harpes)

Elle est venue bien tard jusqu’à nous Fran­çoise Haut­fenne… Il s’en est fal­lu de peu que nous igno­rions les chan­sons « pas­tels et aqua­relles » de cette chan­teuse dont le pré­nom même dénonce un âge, disons, avan­cé. Peut-être autant que le nôtre ! D’ailleurs une chan­son nous éclaire sur ce point : « Il en a fal­lu du cou­rage /​Mes­dames mes­sieurs savez-vous bien /​Pour venir comme ça à mon âge /​Vous chan­ter mes petits refrains ». Et ce refrain c’est pour reven­di­quer haut et fort « Chaque voix que l’on fait taire /​manque à l’accord de l’univers… Qu’ils soient de plume de toile de voile /​Osons nos rêves de tout poil. » Voi­là qui est dit !

Le signe que nous fit Fran­çoise Haut­fenne fut léger, si léger que ses chan­sons là ras­sem­blées dans ce qui consti­tue – tout de même ! – un troi­sième album, auraient pu nous attendre long­temps. Il s’en est fal­lu de peu, vous dis-je…

Mais le plai­sir de la décou­verte fut si grand que, mal­gré ce contre cou­rant, ce « contre temps » nous vous le fai­sons partager.

L’objet même entre nos mains offre une atmo­sphère qui nous tire par la manche vers des lacs et des rivières bai­gnés d’éclats de lune. Pay­sage bai­gné de la dou­ceur sur­an­née d’un pay­sage de Jean-Bap­tiste Corot, un sou­ve­nir de Mor­te­fon­taine où se glis­se­rait la chan­teuse aux gestes aériens. Elle égraine pai­sible les jours. Ephé­mé­ride dit le titre. La chan­son épo­nyme appa­raît au milieu de l’album. Cette chan­son là s’ouvre comme beau­coup d’autres sur quelques notes gra­ciles de la harpe de Claire Galo-Place. L’instrument donne incon­tes­ta­ble­ment sa cou­leur sin­gu­lière à cet uni­vers où la voix de Fran­çoise Haut­fenne se pro­mène sans effets, douce comme pour nous empor­ter dans des valses légères où nos pieds ne tou­che­raient même pas terre. « A petits pas cahin-caha /​La vie qui va la vie s’en va… » et se des­sine alors l’écoulement de sai­sons en images poé­tiques « L’émoi des arbres est à se pâmer /​Quand ils écla­boussent le ciel… » au prin­temps et quand vient l’automne « Tout s’engourdit, tout s’assourdit… » On ferme les yeux et l’on écoute ses rêves… On écrit peut-être aus­si, comme aujourd’hui.

Car cet album est une chance dont il fau­drait se sai­sir, là, main­te­nant pour s’aider face à la dou­leur du monde. Fran­çoise Haut­fenne n’ignore pas ce rôle dévo­lu à la Chan­son. Dans un titre sen­si­ble­ment dif­fé­rent, aux tona­li­tés jaz­zy de la gui­tare de Nor­bert Galo, elle s’amuse « Si tu t’sens le cœur au pla­card /​Essaie donc ma chan­son blue bird… » Une bonne idée vrai­ment « Quand le brouillard colle aux trot­toirs » ! On aime entendre cette voix chan­ter Ces gens qu’on aime, un texte qui rap­pelle nos liens ténus, « plus solides qu’on n’aurait cru » avec tous ceux que l’on croise dans nos vies, qui « ont une tranche de vie en com­mun » avec la nôtre, on aime qu’elle garde espoir dans le rire de Titou, petit bout de vie, « un cadeau… une aubade », qu’elle s’attarde au com­bat que l’on doit mener par­fois « La peur vrillée au ventre /​Être un oiseau qui tremble/​Se sen­tir sou­dain nue » – on note­ra que cette chan­son est dédiée au groupe Apar­té 65, à l’Art thé­ra­pie donc – On sait bien que le bel amour est peut-être celui qui vien­dra après bien des pluies, bien des orages, « Au bout des routes, au bout du temps ». Fran­çoise Haut­fenne dis­tille l’espérance « Tu trou­ve­ras ton che­min jusqu’à moi » même s’il faut accep­ter que par­fois la ren­contre s’achève sur un « vague à l’âme /​Comme un tremble comme un charme /​Une larme ». Car il faut se méfier « du bai­ser du Roi des Aulnes ».

On ter­mi­ne­ra cette évo­ca­tion par la pre­mière chan­son de l’album et la der­nière. Insu­laire est un déli­cat pro­logue qui déroule une méta­phore sen­suelle, bai­gnée aux rivages de cette mer du Nord fami­lière à l’auteure « Je rêve sous la lune /​Som­nam­bule /​Dans le fris­son léger/​Des pâles gra­mi­nées »… Quant à l’épilogue,  La voya­geuse, on s’autorise à pen­ser qu’il s‘agit là d’un auto­por­trait à titre post­hume. Quand la chan­teuse sui­vra un soir le vol d’une hiron­delle on pour­ra dire d’elle : « Elle avait elle avait /​Des rêves dans son cabas /​Elle chan­tait elle chan­tait /​Des chan­sons d’autrefois ».