Karin Clercq – La boîte de Pandore 2018 (© François Mercier)
16 novembre 2018 – Sortie du quatrième album
La boîte de Pandore
Avec
Karin Clercq (textes et compositions), Emmanuel Delcourt et Alice Vande Voorde (compositions, arrangements)
karin Clercq, comédienne, chanteuse, musicienne, n’est visiblement pas de ces artistes qui tâtonnent, hésitent. La signature de ses projets est la marque d’un authentique engagement d’artiste femme. Cet album, neuf ans après le précédent, souligne le trait.
Nous voici à l’écoute de douze chansons entre rock et pop électro, où sa voix distille des textes qui questionnent, certes : Où allons-nous ? Et surtout Pourquoi, cette lancinante liste d’interrogations laissées sans réponse. Des mots qui font halte quand la souffrance se dit, « Je vacille, je ne tiens plus à rien… Je suis figé, et sous mon écorce, plus de sève pour pleurer », quand on n’en a plus la force, (Tu me dis)… Mais des mots qui ne tardent pas à porter haut et fort ses élans de femme libre dont l’interprétation puissante de Madame Rêve du regretté Bashung incarne l’aboutissement. Plus de six minutes où la voix, délicieusement sensuelle, est portée par le piano, la batterie et des sons intersidéraux.
« Madame rêve ad libitum ».
Du premier titre, J’avance, au dernier, Antigone, Karine Clercq chante la vie, comme une énergie, une ardeur inextinguible.
Elle endosse, aux accents d’une guitare électrique rageuse, se mêlant aux voix de résistantes, la parole et l’histoire de l’héroïne mythologique, Antigone, fille d’Œdipe – celle qui creuse de ses mains la terre pour enterrer son frère jugé traitre à sa patrie, celle qui crie « non », qui refuse de se soumettre parce qu’elle est trop jeune, parce qu’elle est une fille.
L’artiste tend ainsi une passerelle entre Antigone et ceux qui, aujourd’hui, refusent de se soumettre au pire et quittent leur pays, « les nerfs à fleur de peau, on pleure mais on espère… » Cette chanson qui ouvre l’album, J’avance, née dans le cadre des Secrètes Sessions en 2015 est réécrite en décembre 2016 pour la journée Syrie, organisée à Bruxelles par la plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés. Elle rappelle qu’au-delà des lois humaines, il existe des lois fondamentales avec lesquelles on ne transige pas.
Le maître mot de cet album, c’est l’espoir. Certes les images vidéo de la chanson éponyme, La boîte de Pandore, la succession d’abominables scènes de guerre pourrait laisser croire à la désespérance s’il n’y avait aussi des scènes de liesse, un baiser amoureux qui crève l’écran. S’il n’y avait La boîte de Pandore qui laissa s’échapper l’espérance et que l’on garde précieusement, serrée entre ses mains…
Dans cet album, la femme qui chante est l’incarnation de cette force qui va, qui, même sous « la chape de plomb » d’une éducation comme cette jeune fille d’un siècle révolu, « rêve d’évasion », regarde au loin, pressent l’immensité d’un monde à découvrir (Presque une femme) … C’est cette même force qui anime celle qui part sans prévenir, « pour ne pas nous trahir » (Partie), celle qui dans un duo, dresse un bilan d’un amour passé, tente de sauver le meilleur et s’entend dire « Vas‑y, ose ta différence », celle qui s’attarde « au meilleur qui nous reste , un ancien ami » lorsque le cœur devenu vieux se souvient qu’« il faut beaucoup pleurer, dire beaucoup d’adieux… qu’ « il faut fouler aux pieds les fleurs à peine écloses ».
C’est au théâtre d’Alfred de Musset, à Perdican dans On ne badine pas avec l’amour que Karine Clercq emprunte les mots qui dressent un état lucide de notre condition. Nous sommes tous si décevants… Ainsi elle énumère nos abominables défauts « Menteur, inconstant, fourbe, bavard, méprisable, orgueilleux, trop souvent lâche, hypocrite et minable… et la liste n’est pas close mais … « Mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux… Je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. »
En 2013, à Avignon, Karine Clercq participait à un forum sur la « Culture, un pont entre nous et vous ». Ce nouvel album apporte sans aucun doute une illustration de son souci, exprimé alors, de tisser du lien. En jouant, en chantant elle rappelle nos doutes et nos chagrins mais aussi notre élan vital, notre soif de porter notre regard plus haut, plus loin… Madame rêve /Au ciel…